L’armement des troupes

À la création de la Légion étrangère, les légionnaires se voient dotés du fusil d’infanterie modèle 1822 T41, suivi quelques années plus tard du modèle 1840, les deux étant équipés de la baïonnette de 1822. Le fusil d’infanterie modèle 1822T bis est directement extrapolé du fusil d’infanterie modèle 1822T. Il en garde l’aspect extérieur, mais s’en différencie par son canon qui est désormais rayé. Pour mémoire, le fusil d’infanterie modèle 1822 d’origine était à mise à feu par silex ; le passage au dispositif de mise à feu à percussion commence en 1841. Lorsque les armes du système 1822 sont passées « à percussion », ils prennent l’appellation 1822T (T pour transformé).

 

 

Fusil modèle 1822 T41

Les fantassins des compagnies d’élite sont en outre armés du sabre des troupes à pied, modèle 1831/47 dit « coupe-chou », jusqu’à l’adoption du fusil Chassepot et de son sabre-baïonnette en 1867. Les légionnaires ne portèrent ce sabre que très rarement lors des colonnes et il servait surtout aux travaux de campement. Au fil des ans, de 1852 à 1859, les modèles de fusil se succèdent et nos légionnaires utilisent le modèle 1842-42T, puis le 1853-43T pour voltigeur et enfin le modèle 1857.

 

Sabre d’infanterie dit « coupe-chou »

Lors de la guerre de 1870, les légionnaires du régiment étranger sont dotés du nouveau fusil modèle 1866 dit « Chassepot ». Le Chassepot est la première arme réglementaire de l’armée française à utiliser le chargement par la culasse, et non plus par la bouche. Il permet donc le tir et surtout le rechargement couché, ainsi qu’une cadence de tir accrue. Cette arme exceptionnelle est alors sans concurrent. Innovation importante pour l’époque, l’étanchéité entre la culasse mobile et la chambre était assurée par une épaisse rondelle de caoutchouc protégée par un masque mobile en acier. La pression des gaz de combustion pendant le tir faisait reculer le masque qui dilatait la rondelle caoutchouc assurant ainsi une excellente étanchéité aux gaz de combustion. Ce système était très supérieur à celui métal sur métal, ce qui devait accroître du simple au double la portée et l’effet vulnérant du fusil Chassepot.

 

Fusil Chassepot 1866 avec son sabre baïonnette

La défaite de 1871 sonne le glas du Chassepot, ses défauts intrinsèques et les énormes pertes en matériels lui ont été fatals. L’adoption du Mauser 1871 par la Prusse est inquiétante dans la mesure où sa cartouche métallique donne une longueur d’avance à ses concepteurs. Face à ce « défi » et ne voulant pas rester en reste, la France crée plusieurs commissions d’études. La première, en septembre 1872, adopte le principe de la cartouche métallique en remplacement de la cartouche papier. La deuxième, en 1873, doit statuer sur l’adaptation de notre armement à la cartouche métallique. Plusieurs projets sont présentés et finalement ne restent en lice que deux projets : le premier est le fusil hollandais De Beaumont et le second, présenté par le capitaine Gras, est basé sur la transformation du Chassepot.

Plusieurs faits plaident pour cette dernière solution, en particulier son coût modique (pas de grosses transformations), la possibilité de « rentabiliser » l’énorme stock de Chassepot hérité de la course aux armements et enfin la robustesse du système. Le fusil hollandais avait de plus une particularité qui empêchait de couder son levier d’armement, le ressort du percuteur étant logé à l’intérieur. De ce fait, il ne pouvait pas être adapté pour l’usage de la cavalerie. Les deux armes subirent des essais en corps de troupe, et le 7 juillet 1874, le fusil du système Gras fut adopté sous l’appellation de fusil d’infanterie modèle 1874.

 

 

Fusil Gras modèle 1874

Après quelques modifications, le fusil Gras fut remplacé quelques années plus tard par le fusil Lebel modèle 1886. Depuis 1883, une commission d’armement planchait sur le remplaçant du fusil Gras modèle 1874. Les travaux étaient bien avancés, mais l’invention de la poudre sans fumée par l’ingénieur Paul Vieille en 1886 et la volonté du général Boulanger, ministre de la Guerre, d’avoir à très court terme une nouvelle arme d’infanterie, bouleversa le projet.

La nouvelle poudre révolutionnera l’ensemble de l’armement et aura des répercussions dans le monde entier. Désormais, le tir n’occasionne plus les désastreux nuages de fumée révélateurs de la position des troupes ; de plus, la trajectoire des projectiles est plus tendue, ce qui améliore la précision ; et enfin cette poudre permet une réduction notable du calibre, ce qui permettra au combattant d’emporter plus de cartouches pour un même volume. Après avoir reçu le nom de l’officier commandant les expérimentations au camp de Châlons, le colonel Lebel, le fusil est adopté en avril 1887 sous le nom de fusil Lebel modèle 1886.

Il sera le premier fusil réglementaire à répétition de l’armée française et le premier à utiliser des munitions de petit calibre. La finition du Lebel est parfaite, il est fiable et robuste et sa ligne est, qui plus est, magnifique. Innovation à l’époque, toutes les pièces sont interchangeables, facilitant par là même l’entretien et la logistique. Modifié en 1894, il restera en service jusqu’en 1917 dans l’infanterie et 1960 dans la marine.

 

Fusil Lebel modèle 1886

Progressivement et après épuisement des stocks importants de fusils Lebel, les hommes des unités de Légion sont progressivement dotés durant la Grande Guerre du nouveau fusil Berthier 1907/15. Le « nouveau » fusil innove par rapport à son glorieux aîné par sa rapidité d’approvisionnement. En effet, son magasin de type « Mannlicher », commun à toutes les armes du système Berthier, est garni d’un seul geste alors que celui du Lebel nécessitait plus de temps. Il est également plus léger (300 grammes à vide et 500 grammes chargé environ), ce qui est loin d’être négligeable, l’équipement des poilus étant particulièrement lourd. Dans la période de l’entre-deux-guerres le 07-15 se verra offrir une cure de rajeunissement par le passage au calibre 7,5 mm. Ce 07-15 M34 équipera les troupes de forteresses, mais, fabriqué à moins de 50 000 exemplaires, il ne pourra pas éclipser son aîné.

À la déclaration de guerre, le 3 septembre 1939, le 07-15 et le fusil modèle 1916 équipent la majorité de notre infanterie, les autres branches de nos armées se partageant les mousquetons d’artillerie et le Lebel. Les combats de juin 1940 marqueront la fin de sa carrière en première ligne.

 

Fusil Berthier 1907/1915

Lors de l’entrée en guerre en 1939, les légionnaires seront toujours dotés du même armement qu’en 1918, en l’occurrence du Berthier 1907/15 et du nouveau MAS 1936. Il est fabriqué par la Manufacture d’armes de Saint-Étienne. Utilisée pendant plus de cinq décennies, l’arme est appelée simplement MAS 36 par ses utilisateurs militaires.

Elle se présente comme une logique évolution-simplification du système Mauser, dont il emprunte le magasin interne de cinq cartouches en quinconce. La culasse, elle, est largement simplifiée : elle est à corps cylindrique avec levier d’armement coudé et comporte deux tenons de verrouillage dans sa partie arrière, un simple extracteur à griffe robuste et ne se compose que de cinq éléments démontables. Une des autres caractéristiques de cette arme est de ne pas posséder de sûreté, car selon la doctrine française, elle ne devait être approvisionnée en munitions qu’au tout dernier moment.

À la Libération, nos armées sont équipées d’un matériel soit obsolète (système d’arme en 7,65 mm long), soit trop varié (armes de provenance alliées ou de prise) ; de surcroît, l’uniformité des calibres n’est pas de mise. Il est décidé lors du nouveau programme d’armement d’unifier celui-ci par l’adoption de la cartouche de 9 mm parabellum. Cela concerne les armes de poing et les pistolets-mitrailleurs.

Dans le même temps, il est décidé la réalisation d’un système d’arme de conception nationale visant à remplacer à plus ou moins long terme toutes les armes étrangères alors en service. Dans ce programme figure le remplaçant du PM modèle 38, qui est mis en chantier dès 1946. Les trois manufactures d’État (Saint-Étienne, Châtellerault et Tulle) vont rivaliser d’adresse pour réaliser de nombreux prototypes, mais celui qui sera choisi est le dérivé du projet de Tulle dénommé MAT 48, qui sera adopté en juin 1949 sous l’appellation de PM de 9 mm modèle 1949.

Dans les premières années du conflit indochinois les légionnaires voient arriver le nouveau fusil MAS 49 ainsi que le pistolet mitrailleur MAT 49 qui deviendra l’arme de prédilection durant la guerre d’Algérie. Arme que les légionnaires apprécieront particulièrement pour sa simplicité, sa robustesse et ses capacités, ainsi que son efficacité dans le combat à très courte portée. Arme solide et fiable, la MAT 49, après avoir équipé nos armées et de nombreux pays étrangers, a été utilisée par la police, les douanes et l’administration pénitentiaire.

 

Légionnaire doté en Algérie du pistolet-mitrailleur MAT 49

Dans les années 1960 et 1970, la présence croissante de la célèbre Kalachnikov AK-47 sur les théâtres d’opérations (Liban, Zaïre, etc.) tend à ringardiser les armes françaises en service à l’époque. À titre d’exemple, en 1978 au Liban, pour se tenir à armes égales avec les forces ennemies, la France a dû recourir aux fusils d’assaut SIG 540 suisses.

En vue de mettre un terme à ce retard technologique de plus en plus inquiétant, le gouvernement français réunit alors une équipe d’experts et d’ingénieurs pour élaborer en laboratoire une arme moderne, dont la fabrication est laissée aux soins de la Manufacture d’armes de Saint-Étienne. Le projet du Famas commence en 1967. Le Famas est présenté pour la première fois en 1973. Il est commandé en 1978 et commence à être perçu à partir de 1979.

De calibre 5,56 x 45 mm OTAN, avec son couteau-baïonnette, le Famas répondait au besoin d’une arme tactique puissante, d’encombrement réduit et qui soit également facile à utiliser et à entretenir. Le Famas supprimait ainsi l’ancienne organisation binôme. Arme conçue en laboratoire pour être la plus moderne et technologique de son temps, le Famas fut décrié par certains pour son manque de fonctionnalité sur le terrain, en raison de sa lourdeur, de son entretien complexe et de l’impossibilité de le réparer. Cette arme encore en dotation à ce jour a vu diverses versions produites depuis trente ans.

 

Famas dans sa version de base muni pour le tir de grenades d’un chargeur de type PCL

(pour cartouche de lancement)

Pour les opérations des années 2000, comme en Afghanistan, les hommes sont dotés du Famas valorisé. Il s’agit d’un Famas F1 dont la poignée garde main a été remplacée par la nouvelle version, rabaissée et équipée d’origine de deux rails « Picatinny ». En outre, l’articulation du bipied a été reculée d’une dizaine de centimètres et chaque pied est désormais courbé en deux points vers l’avant, afin qu’en position repliée, ils ne gênent pas l’éjection des étuis vides (ils sont ainsi déportés vers le bas). Il est en outre équipé avec pointeur Pirat et dispose de l’adjonction d’une nouvelle bretelle ISTC et bien souvent d’une poignée de prise en main à l’avant.

 

Légionnaire doté d’un Famas valorisé

Après la version valorisée, le Famas Félin arrive en 2009. Il a été mis au point à partir du G2 dans le cadre du programme Fantassin à équipements et liaisons intégrés (Félin). Il comprend une lunette optronique fonctionnant en voie thermique permettant le tir de nuit et de jour. Le fantassin peut, grâce au système de visée déportée, traiter des objectifs sans s’exposer aux tirs ennemis, en restant à l’abri alors qu’il observe la zone ou effectue une visée.

Afin de faciliter la manipulation de l’arme, celle-ci est dotée d’une seconde poignée verticale à l’avant et d’un carénage entre les deux poignées. Cette poignée intègre un « pad » de commande, permettant de piloter toutes les fonctions de la lunette, mais également l’émission du poste radio porté par le fantassin.

L’arme présente une silhouette surbaissée, permettant de maintenir une ligne de visée la plus proche possible de l’axe du canon de marque Beretta au pas de 7 pouces compatibles avec les munitions SS109 OTAN ou F5. Les modifications apportées grâce aux optiques du Félin et du canon donnent une portée de 600 mètres jour/ 300 mètres nuit grâce à l’optique dit « FIL », (fonctionnant en intensification de lumière). Sur le rail Picatinny peut être mis en place un viseur clair EOTECH, autorisant une visée reflex permettant de faire but immédiatement à 300 mètres, voire à 400 mètres moyennant une légère contre-visée. L’EOTECH présente 15 niveaux d’intensité d’éclairage du « red dot » en mode diurne et 10 niveaux de réglage en mode nocturne (uniquement visible dans les jumelles de vision nocturne).

 

Famas FELIN équipé d’un optique FIL (sans son chargeur)

Au sein de cette grande famille des armes, la dernière arrivée en dotation de masse (93000 exemplaires au total) est le HK 416 F en deux versions principales, standard (83 et 93 cm) pour les troupes débarquées dont près de 15 000 seront félinisés et en version courte (74 et 84 cm) pour les troupes embarquées et celles engagées sous format Proterre.

La première unité de Légion à percevoir ces nouvelles armes sera la 13e DBLE nouvellement implantée sur le Larzac. Les dernières unités en seront dotées en 2028. Les principes du plan d’équipement répondent à trois critères :

-          1 HK 416 F perçu = 1 Famas réintégré. Pour les régiments d’infanterie, les Famas excédentaires à reverser en priorité sont les Famas infanterie et les Famas valorisés ;

-          Les unités d’infanterie ont été équipées avec le HK 416 F et le Famas Félin jusqu’en 2021 ;

-          Les réservistes seront dotés du HK 416 F au sein de leurs unités à l’instar du Famas.

Le HK416 est un fusil d'assaut de la firme allemande Heckler & Koch. C’est une version améliorée de la carabine américaine M4.

Reconnu pour sa fiabilité et sa sécurité accrue. Son système à emprunt de gaz et piston permet de disposer d’une culasse calée par verrouillage avant le tir, supprimant ainsi tout risque de mouvement destructif de l’ensemble mobile.

Sa sécurité de percuteur lui permet également d’éviter tout départ de coup non-voulu, notamment en cas de chute, lorsque le fusil est approvisionné et armé. Lors des exercices, un chargeur spécifique de couleur jaune sera utilisé afin d’empêcher le garnissage de munitions de guerre et un bouchon de tir à blanc de couleur jaune permettra également de résister à un tir de trois cartouches à balle ordinaire.

Le HK 416 a véritablement été pensé pour s’adapter aux besoins de chaque tireur. Plus de droitier ou de gaucher : l’arme offre une seule configuration. A la différence du Famas, il dispose d’une crosse réglable et de talons de crosse s’adaptant directement à la morphologie des tireurs.

Englobant de nombreux accessoires (sangle ISTC, poignée de tir amovible incluant le bipied, bipied amovible…), le HK 416 F est conçu comme un système d’armes permettant d’intégrer l’ensemble des dispositifs existants, et notamment les aides à la visée. A cet effet, il est équipé de 4 rails Picatinny permettant de fixer des accessoires comme la baïonnette sur la version standard ou le lance-grenades de 40 mm utilisable sur les deux versions, le bipied ou l’optique. Son poids varie de 3,7 kg à 4kg en fonction de la version.

Ce fusil au calibre Otan 5,56 mm, dispose d’une autonomie accrue, le combattant sera muni de 10 chargeurs de 30 cartouches. La version standard permettra le tir de grenades à fusil en tir tendu jusqu’à 100m. Le HK 416 est doté d’un lance grenade de 40mm basse vitesse (HK 269F), en mesure de tirer des grenades AP/AV (anti personnel/anti véhicule), fumigènes et d’exercice de 40x46mm dont la portée maximum est de 350 m.

 

HK 416F sous deux versions avec son lance grenade intégré pour celui au sol

                      

Major (er) Jean-Michel Houssin.

 

Sources :

-          Travaux de M. Guyader dans les numéros hors-série de Képi blanc édition 2009 ;

-          Article du maj Houssin au sein du livre : 2°REI - 175 ans d'histoires d'hommes – 2014 – éditions Pierre de Taillac – P 162 à 164 ;

-          http://rpdefense.over-blog.com;

-          https://archives.defense.gouv.fr;

-          https://www.defense.gouv.fr/terre;

-          Wikipédia.