Aux moments où nous ne savons pas si nous commémorerons l’armistice ce 11 novembre 2020, il est intéressant de parler de la fraternité qu’affichaient les combattants de la Grande Guerre.

A noter que tous les récits de guerre de cette époque, développent le thème de la fraternité des tranchées.

Par contre ce qui se remarque, c’est le mauvais camarade: 

"Celui qui ne partage pas avec l’escouade le paquet de la Marraine, celui qui rechigne pour les corvées, qui prend une boule de moins à la cuisine pour ne pas se charger, celui qui fait du pétard quand il est saoul et bouscule ses camarades. »

Les anecdotes de nos Anciens concernant des camarades sauvés au péril de sa propre vie sont innombrables et la vie quotidienne semble tissée de mille attentions réciproques : partage des colis, de la gnôle, du vin, de l’eau, du tabac, consolations des cafardeux.

Cette fraternité n’est pas cependant, comme le soutiennent tant de discours moralisateurs, la conséquence de la souffrance, le fruit d’âmes purifiées. Elle ne témoigne pas de la vertu ou de l’élévation d’âme des combattants, mais de l’intensité de leurs émotions, et de leur égalité dans la misère. Dans la vie courante, il est très rare de ressentir tout d’un coup un grand élan envers quelqu’un. A la guerre, tous les récits d’anciens combattants concordent, « on se sent parfois envahi d’une sympathie intense pour un compagnon proche, qu’on voit blême d’angoisse ou qui implore du regard ». Bien des barrières de pudeur, élevées par toute une éducation, cèdent alors et l’on éprouve ce que l’on peut appeler une fraternité pour tel ou tel, un sentiment puissant et chaleureux de proximité qui rapproche par leur condition misérable.

Cette fraternité est, à la Légion, une façon de vivre ensemble, une expérience hors du commun. Si ailleurs il n’est pas sûr qu’elle puisse survivre aux conditions qui l’ont fait naître, si ces amitiés de guerre, fortes et auxquelles nul ne peut donner aucune suite, il n’en est pas de même avec les légionnaires au-delà du service par l’intermédiaire de leurs Amicales. Nul ne se préoccupe de savoir si celui qui a partagé ses joies et ses peines était paysan, intellectuel, bureaucrate ou souteneur de métier. Le privilège accordé à la fraternité répond « chez nous » à la nécessité intime et vitale de donner un sens à ce que nous avons vécu.

Quelques temps après la déclaration de la guerre en 1914, le soldat, après les premiers enthousiasmes, après les découragement du premier hiver, est venue la résignation. Il ne se bat plus pour l’Alsace, ni pour ruiner l’Allemagne, ni pour la Patrie, il se bat par habitude et par force, parce qu’il ne peut faire autrement. Il a changé sa maison contre un gourbi, sa famille contre des camarades, il a taillé sa vie dans la misère et retrouvé son équilibre dans le déséquilibre, il ne s’imagine même plus que cela puisse changer…

Ainsi vécu, nos poilus laissaient l’expérience de souvenirs simples, celui de l’amour de la vie, la fierté de n’avoir pas plier sous l’épreuve, le sentiment de ne pas avoir lâché ses camarades et d’avoir pu compter sur eux. L’image du soldat de 14/18 est moins noire que ne le disent certains pacifistes même si de nombreux poilus se révélaient à l’issue de la guerre eux-mêmes pacifistes. Il suffit que cette image soit vraie et c’est le cas pour les légionnaires".

CM