«  J’ai de plus en plus de mal à prendre l’avion, alors qu’il m’est si agréable de voyager par le train.

Alors que le futur se raccourcit, le passé s’impose à moi et m’évoque les instants qui ont donné un sens à ma vie. Je revois mes parcours en forêt guyanaise, mes coups de soleil sur l’atoll de Mururoa, mes balades en taxi 4L à Madagascar, mes croisières touristiques en 4x4 à Djibouti, bref là où la Légion m’envoyait remplir les missions au service d’un Etat, vu avec les yeux d'aujourd'hui « colonisateur »…

Tout cela pour expliquer maladroitement que les voyages en avions, sont devenus pour moi une épreuve. Il me faut trouver sur internet le bon vol, aux bonnes heures et au bon prix. Les journées d’avant le départ m’indisposent, le supplices des valises toujours trop pleines est difficiles à fermer avec l’espoir qu’en cours de route, il ne me faudra pas les ouvrir… Et tout ce que je risque d’oublier: les boules « Quies », la copie de mes ordonnances, le chargeur de mon portable. Vient ensuite, l’angoisse des embouteillages vers l’aéroport et les quatre heures ou plus de transit alors que tous les magasins sont fermés et que mon vol n’est pas encore affiché. Ces horribles machines qui doivent régurgiter ma carte d’embarquement mais qui, une fois sur trois, ne la reconnaissent pas, me forçant à appeler une personne excédée qui m’explique la procédure à suivre comme à un enfant mentalement handicapé… Le portique de sécurité où j’enlève mes chaussures et la ceinture de mon pantalon au risque vécu de me retrouver en slip, pantalon aux chevilles provoquant l'hilarité générale, une petite bouteille de gouttes pour les yeux qui n’est pas signalée ce qui m’oblige à présenter mes excuses plusieurs fois de suite et surtout à supporter les longs soupirs d’énervement d’une queue impatiente derrière moi… S’ajoute la phobie de perdre mon passeport et ma carte d’embarquement, m’imposant de les tenir serrés dans la main comme une bouée de survie. L’attente à la porte d’embarquement pour savoir si le vol va avoir du retard ou être annulé à cause d’une grève d’une partie du personnel, d’un problème mécanique… Bousculé par les nombreux passagers pressés alors que leur place dans l’avion est réservée. Une fois dans l’avion, (éviter le siège du milieu) appréhender l’arrivée de mes voisins, en imaginant le pire : un bébé hurleur qui n’arrête pas de pleurer ou une personne obèse qui prendra tout mon espace…

Je me rassure, ce n’est pas cela qui m’empêchera de voyager, mais je pense souvent à cette vieille femme iranienne qui disait avec beaucoup de bon sens: « pourquoi je dois voyager, puisque je suis arrivée ? ».

CM