Cet hommage au caporal Maine est très intéressant après le récit du combat présenté hier jour de Camerone sur notre site.  Louis Philippe Maine est fils de Joseph Ména dit « Maine » d’origine andalouse, exerçant le métier de bottier et de Thérèse Félix, française (son père est un ancien capitaine de l’Armée napoléonienne, née en Espagne et sa mère exerçait la profession d’hôtelière).

Le 21 décembre 1850, il s'engage pour deux ans au 1er régiment de zouaves à Alger. Déçu, il quitte le service pour se faire bottier, métier que lui a appris son père. Très vite il décide que seul le métier des armes peut lui donner l’aventure. Le 25 avril 1854, il s'engage à nouveau, intégrant le 4e bataillon de chasseurs à pied, qui s'apprête à être déployé en Crimée. Blessé à la joue, il est fait chevalier de la Légion d'honneur à l'issue de la prise de la tour Malakoff. En Italie, il est adjudant et décoré après Magenta de la médaille de la valeur militaire italienne. Servant toujours dans les rangs du 4e bataillon de chasseurs à pied, il est affecté en Algérie, où il rend ses galons en 1863 pour s'engager comme simple soldat à la Légion étrangère. Son unité est désignée pour participer à la campagne du Mexique.

Rescapé de la bataille de Camerone, il est nommé sous-officier, puis officier. lire la suite de son récit: la fin du combat:

 

Témoignage du caporal Maine, le combat s’achevait:       

« Nous étions encore trois debout : Wensel, Constantin et moi. Un moment interdits à la vue du lieutenant renversé, nous nous apprêtions cependant  à sauter par-dessus son corps et à charger à nouveau ; mais déjà les Mexicains nous entouraient de toutes parts et la pointe  de leurs baïonnettes effleuraient nos poitrines.

C’en était fait de nous, quand un homme de haute taille aux traits distingués, qui se trouvait au premier rang parmi les assaillants, reconnaissable à son képi et à sa petite tunique galonnée pour un officier supérieur, leur ordonna de s’arrêter, et d’un brusque mouvement de son sabre releva les baïonnettes qui nous menaçaient :

-        Rendez-vous ! nous dit-il.

-        Nous nous rendrons, répondis-je, si vous nous laissez nos armes et notre fourniment, et si vous vous engagez à faire relever et soigner notre lieutenant que voilà blessé.

L’officier consentit à tout, puis comme ces premiers mots avaient été échangés en espagnol : « Parlez en français, me dit-il, cela vaudra mieux, sans quoi ces hommes vont vous prendre pour un espagnol, ils voudront vous massacrer, et peut-être ne pourrais-je pas me faire obéir . »

Cependant, l’officier parlait à l’un de ses hommes ; il se retourna et me dit : « venez avec moi. » Là-dessus il m’offrit le bras, donna l’autre à Wensel blessé, et se dirigea vers la maison ; Constantin nous suivait de près.

Je jetai les yeux sur notre officier que nous laissions par derrière.

-        « Soyez sans inquiétude, me dit-il, j’ai donné ordre pour qu’on prit soin de lui ; on va venir le chercher avec un brancard. Vous-mêmes comptez sur moi, il ne vous sera fait aucun mal. »

-        « Pour dire vrai, je m’attendais à être fusillé, mais cela m’étais indifférent. »

-        « Non, non, reprit-il vivement, je suis là pour vous défendre. »

Au moment où, sortant du corps du logis, nous débouchons sur la route, toujours à son bras, un cavalier irrégulier fond sur nous avec de grands cris et lâche des deux mains sur Wensel et sur moi deux coups de pistolet ; sans mot dire, l’officier prend son revolver dans sa ceinture, ajuste froidement et csse la tête au misérable qui roule de sa selle sur la chaussée ; puis nous continuons notre route sans nous occuper de lui.

Nous étions arrivés ainsi dans un petit pli de terrain, à quelque distance de l’hacienda, où se tenait le colonel Milan et son état-major.

-        « C’est là tout ce qu’il en reste ? demanda t-il en nous apercevant.

On lui répondit que oui et, ne pouvant contenir sa surprise

-        « Pero non son hombres. » s’écria t-il, son demonios ! »

-        « Ce ne sont pas des hommes, ce sont des démons ! »

Puis s’adressant à nous en français :

-        « Vous avez soif, messieurs, sans doute. J’ai déjà envoyé chercher de l’eau. Du reste ne craignez rien ; nous avons déjà plusieurs de vos camarades que vous allez revoir ; nous sommes des gens civilisés, quoi qu’on dise, et nous savons les égards qui se doivent à des prisonniers tels que vous. »

Le sacrifice de la 3ème compagnie n’a pas été vain. Le convoi qui chemine péniblement, escorté par deux compagnies, passe sans être inquiété ; les pertes subies par les Mexicains, et le désordre consécutif au combat ne leur permettent plus de l’attaquer.

 

Le caporal Maine participe ensuite à la campagne de 1870 comme capitaine des troupes de marine au 3e régiment d'infanterie de marine lors de la bataille de Bazeilles, au combat dit de la « Maison de la dernière cartouche ».

Prisonnier à Sedan le 2 septembre, il s’évade le 18, gagne Bruxelles et rejoint la France. À Rochefort, il intègre les Francs-tireurs et organise une phalange de volontaires qu’il conduit au feu et gagne ainsi ses galons de lieutenant-colonel du 8e régiment de gardes mobiles de Charente-Inférieure.

À la révision des grades (décidée en 1872 par la « Commission parlementaire chargée de réviser les grades accordés dans l'armée par le Gouvernement de la défense nationale »1), il ne conserve que ses galons de capitaine. Il est muté dans un bataillon de tirailleurs sénégalais jusqu’en mars 1873 puis revient au 3e RIMa avant d’être mis en non activité pour infirmités temporaires le 30 novembre 1878.

Héros du siège de Sébastopol, de la bataille de Camerone et du combat de la Maison de la dernière cartouche, s'étant illustré lors des faits d'armes les plus marquants de la Légion étrangère et des troupes de marine, il meurt dans son lit à Douzillac (Dordogne) le 27 juin 1893.

Il existe dans la mairie de ce petit village, une vitrine où sont conservées quelques reliques à la gloire du capitaine. Chaque année, le 30 avril, date anniversaire de la bataille de Camerone, un hommage lui est rendu au cimetière de Douzillac par des légionnaires résidant en Dordogne.

 

NB: Illustration Louis Frégier, peintre aux Armées décédé en 2014. Illustrations pour les 3 tomes: "C'est la Légion" .