Retour de vague à Mururoa par PyC

Petit dictionnaire intime

RETOUR

Le retour est circulaire, pendulaire, mouvement rétroactif ou rétro-passif. Retourner, revenir au point du départ. Le retour est un soulignement. Le retour aux origines – le retour est une motivation, une obsession pour certains ; le retour est une fiction, un réapprentissage, une ampliation. Reculer, recul. Le retour est une direction. Mémoire… reconstruction. Le retour est une reprise. Retourner c’est répéter. C’est buriner un nouveau demain.

Otage du passé ?

Otages du passé nous revenons à lui. Le retour est une séduction ou non. Parfois le retour est une séquestration, un mouvement, un temps à contre temps ; annoncé ou imprévu, désiré ou non. Retour conditionné ; les conditions du retour. Voyages aller-retour ou aller simple. « A la prochaine », « à bientôt » disent des amis qui se séparent, des soldats qui partent… retour reporté, forcé ou jamais concrétisé. Le retour des Français d’Algérie, les pieds noirs, celui du soldat dans son cercueil, ou non. La distance ne nous enseigne pas toujours la distanciation. « Parfois mon fils, le meilleur de la patrie est d’être loin d’elle pour mieux pouvoir l’aimer ou la haïr, pour mieux l’oublier lorsque nous nous en souvenons et la désirons ». Perdre c’est retourner, rendre. « Ne dis jamais de quoi que ce soit : « Je l’ai perdu », Dis plutôt : « Je l’ai rendu » conseillait Epictète. « Tu es poussière et tu redeviendras poussière », retour à la terre… Sortis du néant nous y retournerons. « L’éternel retour » de Nietzsche. Et pas seulement. Retour : régression par hypnose ; réincarnation. Le retour des « âmes en peine » leurs tourments les obligent à revenir. Le platonisme c’est la théorie du retour. L’âme qui donne vie au corps… Ulysse. Le retour du héros est dans l’ordre des choses – on retourne presque toujours avec un niveau supérieur d’action et de connaissance. «Le retour de Sherlock Holmes» ; « Le retour du Jedi » ; « Le retour du fils prodigue ». Revenir c’est reprendre le cycle, compléter le mouvement de va et vient. Retourner c’est revenir à l’univers de la visibilité : nous avons notre si usuelle expression « Au revoir » pour prédire un retour prochain. « Adieu » c’est une disparition, comme un « à jamais », le non-retour… « nevermore » (jamais plus) répète le corbeau d’Edgar Allan Poe. « La Vie ne se comprend qu’au moyen d’un retour au passé, mais ne se vit qu’en allant de l’avant » écrivait Kierkegaard et Bertold Brecht de prévenir « Ne vous laissez pas séduire – retour impossible » et Dante dans son Enfer le précise dès le début : « Toi qui entre ici oublie tout espoir ! ». Le retour n’est pas vivable parce que, comme l’enseignait Héraclite : « Il n’est pas possible d’entrer deux fois dans le même fleuve » ; « Dans les mêmes fleuves nous entrons sans entrer, nous sommes sans être ». Il n’y a pas de retour au Paradis Perdu, perdu qu’il est à tout jamais. « Point de non-retour » bien connu des aviateurs, qui est cette limite au-delà de laquelle le retour est un non-sens parce que l’éloignement est devenu une rupture. « Point de fuite » de toutes les migrations. Retour à la maison, à la terre natale, aux racines, à une relation, à un thème, à une devise – le retour est toujours une réinterprétation. Nous désirons le retour comme la réécriture d’un passé ou comme le pari dans un avenir souhaité. « Retour vers le futur » le film ! « Le meilleur des mondes» d’Aldous Huxley est un retour, « Le retour » de Bernard Schlink ; « Le retour des Dieux et autres écrits de Antonio Mora » de Fernando Pessoa, « (Char) Lotte à Weimar – Le retour de la bien aimée » de Thomas Mann ; « Un retour » d’Alberto Manguel. On part et on revient beaucoup en Littérature. Toute la littérature présuppose ce mouvement. Tout écrivain vit en partance. Pour Marguerite Duras «Les hommes aiment les femmes qui écrivent. Même s’ils ne l’admettent pas. Une femme écrivain est un pays étranger». Mais d’une femme-voyage, on ne revient pas toujours et on ne retourne jamais le même.

AM