Dans le Maroc nouveau du maréchal Lyautey, les villes modernes bruissaient de machines, grandissent à côté des palais indigènes. On découvre des gisements de phosphate.

Mais en 1921, après l'envoi d'un ultimatum, Abd-el-Krim fait subir au général espagnol Sylvestre la cuisante défaite d'Anoual et devient le seul maître du Rif.

Au Maroc, les régiments étrangers occupent leurs places au sein des troupes du Maroc. Ces années sont consacrées à la construction des lignes de postes et de bases qui ont pour but de protéger ce qu’on appelle à l’époque ‘’le Maroc utile’’ qui vit derrière cette barrière, orientée face au Rif et au Moyen-Atlas.

Les opérations actives débutent par la réduction de la tache de Taza, foyer de dissidence, qui constitue le premier objectif des Groupes mobiles. Les difficultés rencontrées dès le début de la progression nécessitent de nouveaux renforts et les bataillons du 1er Etranger, implantés en Algérie, sont appelés à leur tour au Maroc.

  • Les groupes mobiles, formés à gros effectifs de toutes armes, se composent principalement de tirailleurs indigènes : Algériens, Marocains ou Sénégalais, avec un noyau de troupe blanche, généralement des bataillons du 4e
  • Les groupes mobiles procèdent au ravitaillement des détachements éloignés, ouvrent les grandes pistes qui conduisent vers le Sud, pacifient de nouveaux territoires et y créent des postes pour les garder. Ces opérations ne sont pas toujours faciles.
  • Le Marocain, excellent tireur, tenace et d’une mobilité extrême, se montre toujours très ardent au baroud. C’est un ennemi digne des légionnaires.

21 mars 1921 : un détachement de 28 légionnaires de la 9e compagnie du 4e Etranger, commandé par le sous-lieutenant Lamarque et le sergent Putter, revenant d’un service de sécurité, est attaqué par un djich de 40 Aït-Hammou, armés de fusils 86 et commandés par Ali Boutourout. La patrouille d’avant-garde est abattue par la première décharge ennemie ; le combat s’engage, les légionnaires, obéissant avec une discipline admirable à leur lieutenant, interdisent au djich d’approcher des cadavres de la patrouille. Bien que dominés et tournés, ils continuent la résistance. Au bout d’une heure et demie de combat, le détachement compte 13 tués et 12 blessés. Mais le feu ennemi faiblit. Les 3 survivants et les blessés légers mettent baïonnette au canon et enlèvent d’assaut la position tenue par le djich qui s’enfuit en laissant un cadavre.

1921 : au Maroc, plusieurs unités du 2e & 3e R.E.I. participent au dégagement de la route de l’Innaouen et à l’encerclement de la tache de Taza.

Le 13.02.1922, la Légion Etrangère perd un capitaine au 2e Régiment Etranger, Robert Roth.

16 avril 1922 : le 2e bataillon du 4e R.E.I., en garnison à Kasbah Tadla, participe à la marche sur Ksiba, dans la tache de Taza. Près de Tinteghaline, un combat sérieux s’engage au cours duquel le lieutenant Morel est mortellement blessé.

6 mai 1922 : combats de Scoura au Maroc.

  • Le groupe mobile du général Decherf, agissant dans la région est du Moyen-Atlas, doit occuper la position de Tadout, plateau rocheux à une dizaine de kilomètres de Scoura. Le 3e bataillon du 3eE.I. progresse en avant-garde de la colonne, éclairé par le goum du capitaine Laffitte.
  • A sept heures du matin, le goum est arrêté par une forte résistance ; il est aussitôt rejoint par les 9e et 10e Très rapidement, les assaillants, en rampant, arrivent au contact des légionnaires de la 9e compagnie à Tizi Adar. Cette unité repousse l’adversaire à la baïonnette. Le capitaine Georges Duchier, commandant la 9e compagnie lance une contre-attaque mais il est mortellement blessé.
  • Le Bataillon III/3eE.I. de la Légion du commandant Nicolas se bat douze heures durant contre les Aït-Tsegouchen, d’un effectif deux fois supérieur au sien. Le Bataillon perd 36 tués, dont un capitaine, et 64 blessés.
  • Le Bataillon III/3eE.I. du commandant Nicolas est cité à l’ordre de l’Armée

Le 15.05.1922, la Légion Etrangère perd à Bab Hocéïne un officier du 3e R.E., le lieutenant Gustave Gelas.

27 juillet 1922 : chargé de la construction d’un poste, le bataillon du 4e R.E.I. du commandant de Corta dresse son camp au col de Tizi N’Rechou. Pendant la nuit, il détache en surveillance trois groupes de combat établis sur trois points soigneusement choisis dominant le camp.

29 juillet 1922 : au soir, le groupe de combat, occupant la falaise à 600 mètres du camp, est fourni par la 12e compagnie. Il est commandé par le sergent Perl qui a sous ses ordres un caporal et neuf légionnaires. Dans la nuit, vers une heure du matin, une trentaine de Marocains de la tribu des Aït-Ichkera, s’approchent du poste en rampant, favorisés par l’obscurité. Malgré leur vigilante attention, les sentinelles ne les éventent que lorsqu’ils sont à cinq mètres d’elles. Leurs coups de feu alertent le poste mais la première décharge tue le sergent, quatre légionnaires et en blesse deux autres.

  • La vigueur de l’attaque et la gravité des pertes ne font pas perdre le sang-froid aux survivants. Le plus ancien d’entre eux, un simple légionnaire, prend le commandement de la petite garnison, résolu à résister aux assaillants avec quatre de ses compagnons dont deux sont déjà blessés.
  • Cette défense est tenace et énergique, et pourtant les cinq légionnaires sont privés de leur arme la plus précieuse ; le fusil-mitrailleur enrayé dès le début de l’action. Il ne sera opérationnel que vers trois heures du matin.
  • Ne disposant que de leurs fusils mais bien décidés à repousser l’ennemi ou à mourir sur place, les légionnaires résistent avec succès trois heures durant. A quatre heures du matin, les dissidents se retirent, découragés par la détermination des cinq légionnaires, sans avoir pu s’emparer des corps des légionnaires tués au début de l’attaque.

Après cette attaque, à tour de rôle, les groupes désignés vont, chaque jour, garder les positions environnantes afin d’empêcher tout retour offensif de l’ennemi. Sous leur protection, l’enceinte fortifiée du poste, les logements, les magasins s’élèvent rapidement. Un solide réseau entoure le fort. Les puits sont creusés. Les canalisations sont aménagées. Les terrains sont défrichés, les jardins ensemencés. Les routes, rapidement tracées, s’enfoncent en peu de temps dans le pays. Et bientôt, les camions peuvent ravitailler le nouveau poste.

  • Le dimanche est inconnu mais par contre, en principe, une journée de détente est octroyée pour quatre jours de route ou de travail.
  • Dès le poste suffisamment avancé, le mât des couleurs est dressé. Matin et soir, à l’appel du clairon, légionnaires de toutes nations, indigènes de toutes races interrompent instantanément leur ouvrage et saluent avec fierté le glorieux emblème sous les plis duquel ils se sont volontairement rangés.

Ouaouizert

Septembre 1922 : la prise d’Ouaouizert.

  • Une nouvelle opération est décidée en direction d’Ouaouizert, par la vallée de l’oued Ouabzaza. Au sein du groupe mobile de Marrakech, les bataillons Lambert (1er) et de Corta (3e) constituent un élément tactique sous les ordres du lieutenant-colonel Maurel, chef de corps du 4e
  • Pendant cette marche, le 3e bataillon construit en huit jours un poste sur les crêtes de Bou Yahia, ce qui constitue un exploit d’autant plus appréciable qu’il est réalisé sous le feu des Chleuhs.
  • Pendant ces travaux, des combats violents se déroulent aux environs du poste.
  • Le 13 septembre, le 1er bataillon compte 3 tués dont un officier, le lieutenant de Beauregard, et 18 blessés.
  • Le 20 septembre, le 3e bataillon, avant-garde du groupe mobile entre Bou-Salah et Bin-el-Ouidane, tombe sur une résistance de dissidents embusqués dans les rochers. Ses pertes sont de 6 tués et 12 blessés.
  • Le lendemain, un nouvel accrochage lui coûte 2 tués et 3 blessés.
  • Le 26 septembre, Ouaouizert est enfin prise après trois ans d’efforts incessants.

1922 : au Maroc, les bataillons de la Légion sont mis à contribution pour disperser les rassemblements d’insoumis : les bataillons III/2e et I/3e sur la Moulouya face à des Berbères venus du Grand Atlas, le II/4e dans le cadre du groupe mobile du Tadla. En août et septembre, le 4e R.E.I., dans le groupe mobile de Marrakech, réalise l’occupation d’Ouaouizert.

  • Les années passées au Maroc sont dures mais elles s’écoulent vite. Elles sont nécessaires avant le séjour au Tonkin dont rêvent tous les légionnaires car elle les rend résistants, entraînés, disciplinés, courageux au baroud, infatigables au travail. La vie de camp les met en relation constante avec leurs officiers qui apprennent à les connaître et qu’ils apprennent à estimer. Vivant côte à côte, affrontant les mêmes dangers, souffrant les mêmes maux, entre eux s’établit une confiance réciproque. Le corps des officiers est la force d’un régiment d’élite comme le 4e Etranger et les meilleurs cadres ont servi de 1920 à 1940.
  • De Corta, de Tscharner, Pechkoff et tant d’autres destins extraordinaires ont été forgés au régiment du Maroc.
  • Cette solide amitié du chef et du soldat est indestructible même au-delà de la mort. Tombé au champ d’honneur, officier ou légionnaire est accompagné à sa dernière demeure par l’ensemble de ses compagnons d’Armes.

1922 : au Maroc, le 3e bataillon du 4e R.E.I., revenu de Bou Denib, fait partie du groupe mobile de Meknès. Opérant dans un terrain difficile, face à un adversaire courageux et mordant, sa marche est jalonnée par des postes qui défendent le terrain conquis.

Jean BALAZUC P.P.P.P.

 

Sources principales

Lyautey" par André Maurois de l'Académie française, Editions Plon, 1931.

La Légion Etrangère 150e anniversaire - Historia N° spécial 414 bis – 1981

La Légion, Grandeur et Servitude – Historama N° spécial HS3 – 1967

La Légion Etrangère – Voyage à l’intérieur d’un corps d’élite de John Robert Young et Erwan Bergot – Editions Robert Laffont – 1984.

Le 1er Etranger de Philippe Cart-Tanneur et Tibor Szcecsko – Branding Iron Production – 1986

Le 3e Etranger de Philippe Cart-Tanneur et Tibor Szcecsko – Branding Iron Production – 1988

Le 4e Etranger de Philippe Cart-Tanneur et Tibor Szcecsko – Branding Iron Production – 1987

Site Mémoire des hommes du S.G.A.

Site du Mémorial de Puyloubier.

 

de Corta, chef de bataillon, commandant le 3e bataillon du 4e R.E.I. de 1920 à 1929, excepté une courte interruption ; figure légendaire du régiment.

Duchier Georges Emile Charles, originaire de Paris dans la Seine ; capitaine, commandant la 9e compagnie du III/3e R.E.I. au Maroc ; mortellement blessé le 6 mai 1922 à Tizi Adar, lors des combats de Scoura.

Gelas Gustave, lieutenant du 3e Régiment Etranger ; tué au combat le 15.05.1922 à Bab Hocéine, au Maroc.

Laffite, capitaine, commandant un goum qui accompagne le III/3e R.E.I. dans la région est du Moyen-Atlas ; il participe aux combats de Scoura.


Lamarque, sous-lieutenant de la 9e compagnie du 4e Etranger au Maroc ; chef d’un détachement de 38 légionnaires, avec le sergent Putter, il tombe dans une embuscade montée par un djich le 21.03.1921. Les pertes sont lourdes mais les légionnaires arrivent à faire fuir le djich.

Lambert, chef de bataillon, commandant le I/4e R.E.I. en 1922.

Maurel, lieutenant-colonel puis colonel, chef de corps du 4e Etranger à sa création en 1921, du 17.12.1920

Morel, lieutenant au II/4e R.E.I. au Maroc ; tué le 16.04.1922 près deTinteghaline.

Nicolas, un des maréchaux du général Louis Lyautey ; commandant, chef du 3e bataillon du R.M.L.E. au Maroc en 1919-1920 : son bataillon du 3e R.E.I., célèbre au Maroc, s’illustre particulièrement lors du combat de Skoura le 06.05.1922, lors d’un accrochage sévère avec la tribu des Aït-Tserrouchen ; colonel, chef de corps du 1er Etranger en 1931-1934.

 

Ouskourti, dernier chef rebelle dans le Haut-Atlas marocain ; en août 1933, la bataille du djebel Haddou oppose ses hommes aux légionnaires du 3e R.E.I. dirigés par le colonel Suffren.

Pechkoff Zinovi Alekséiévitch, né Yeshua Zalman Sverdiov, le 16.10.1884 à Novgorod en Russie dans une famille juive polonaise ; E.V.D.G. dans la Légion le 31.08.1914 ; grièvement blessé en mai 1915 ; officier interprète de 2e classe (capitaine) le 13.05.1917 ; affecté au 4e R.E.I. au Maroc le 17.02.1923 ; chef de bataillon en 1924 ; commandant le III/2e R.E.I. en 1939 ; il rallie la France Libre ; colonel fin 1941, général en avril 1944, le héros de la Légion Etrangère devient un diplomate gaulliste ; général, représentant la France à Tchong King en 1945 ; élevé au rang de général de corps d’armée, il prend sa retraite en 1950 ; Grand Croix de la Légion d’honneur en 1952, décédé à Paris le 27.11.1966.

Putter, sergent de la 9e compagnie du 4e Etranger au Maroc ; avec le chef d’un détachement de 38 légionnaires, le sous-lieutenant Lamarque, il tombe dans une embuscade montée par un djich le 21.03.1921. Les pertes sont lourdes mais les légionnaires arrivent à faire fuir le djich.

Roth Robert Ernest Gustave, originaire de Beaume les Dames dans le Doubs ; capitaine au 2e Régiment Etranger ; tué au combat à Tagmet au Maroc, le 13.03.1922.

Savary de Beauregard Guy Marie Henri Gabriel, né à Combrand dans les Deux-Sèvres ; lieutenant au 1er bataillon du 4e R.E.I. ; mortellement blessé sur les crêtes du Bou Yahia le 13.09.1922., au Maroc. Décédé le 16.09.1922.

Perl Otto, sergent de la 12e compagnie du 4e R.E.I. au Maroc ; chef d’un poste de guet au col de Tizi-Rechou ; tué le 30.07.1922 lors d’une attaque de Marocains de la tribu des Aït-Ichkern.

Schmidt Fritz, légionnaire au 4e R.E. ; décédé le 25.07.1922 à Asserdoun au Maroc.

Schmidt Rudolph, légionnaire à la 9e compagnie du 4e R.E. ; tué à l’ennemi le 21.03.1921 à Ouedougsial au Maroc.

Tscharner, officier suisse servant à titre étranger, figure légendaire du R.M.L.E. et du 3e R.E.I. ; ancien officier du 4e R.E.I. Chef du 1er bataillon du 3e R.E.I. au Maroc de 1925 à 1931.