Je nomadise en ce moment sur les bords de la Loire, la vue de ces paysages, ces châteaux, ces bourgades au parfum si français ont une influence certaine sur mes « réflexions-promenades ». Je pense en particulier au lissage de notre histoire de France par l’Education Nationale. Ce phénomène appelle une grande réflexion: tous les ans les livres scolaires doivent changer, c’est une véritable manne pour les maisons d’éditions d’ouvrages scolaires. Des millions de ces livres sont imprimés chaque année, de là à penser que des lobbies influencent les décideurs il n’y a qu’un pas que je ne franchirai pas. Cela représente tout de même des millions et des millions d’euros et sculpte à souhait l’enseignement diffusé aux « petites têtes » de nos enfants et petits-enfants voir pour certains d’entre nous aux arrières petits-enfants…

 

Les orphelins de l’histoire Ainsi donc, tel un pitbull, je reviens sur l’enseignement de l’histoire de France. C’est une véritable crise qui se lit à livre ouvert dans les ouvrages avec lesquels elle est enseignée. Comment pourrait-on faire en quelques années mais en peu d’heures de cours, le tour complet de deux millénaires ? Aujourd’hui, on ne peut qu’être accablé par le constat de ce qu’offrent les manuels d’histoire, concernant les grands événements, les grands faits, les grandes personnalités historiques qui ont fait la France. Ils préfèrent laisser dans l’ombre les personnages qui ne correspondent plus aux modèles que l’école entend proposer. On privilégie l’étude des documents aux récits, l’analyse des faits sociaux à l’influence de quelques individus exceptionnels. Les préjugés hostiles à tout ce qui pourrait nourrir le nationalisme, ne sont pas absents. Le premier touché: Vercingétorix, le « Malet et Isaac” présentait ce dernier comme un héros national gaulois et tous les peuples gaulois s’unirent sous sa direction. Les programmes actuels lui accordent moins d’importance: « En 52 avant JC, un jeune chef gaulois, prend la tête d’une révolte destinée à chasser les Romains. » Clovis: le “Malet et Isaac”, toujours lui, met en avant ses talents de conquérant et de gouvernant qui sut se rendre maître de toute la Gaule. En comparaison, aujourd’hui, les ouvrages s’attardent peu sur le personnage ne lui consacrant qu’un simple paragraphe, quelques lignes survolant la conquête de la Gaule et la collaboration du premier roi Franc avec l’Eglise. Charles Martel: en 1937, un manuel prend le temps de mettre en lumière la figure charnière de Charles Martel, “C’était un prince guerrier. Il alla combattre les barbares jusqu’au milieu de la Germanie. Il protégea les missionnaires qui évangélisaient ce pays. Il rendit à la France un immense service en chassant les arabes ». Dans les programmes de nos jours, Charles Martel est privé de généalogie et de toute histoire antérieure à sa victoire sur les arabes ; le personnage est ainsi réduit à la bataille de Poitiers en 732. Vainqueur d’une bataille dont l’issue aurait pu totalement bouleverser le destin de la France en faisant d’elle une terre musulmane. Charles Martel, grand-père de Charlemagne, n’a guère plus de place que celle d’une figure secondaire dans les cours d’histoire. Charlemagne: dans le “Malet et Isaac” de 1958, un chapitre entier porte sur le mode de gouvernement de ce “restaurateur de l’ordre, restaurateur des lettres, restaurateur de l’Empire, il est aussi celui qui institua la féodalité et fit triompher la justice et le Christianisme”. En 2008, Hachette est plus sommaire: « Charlemagne mène des guerres pour étendre son royaume, gouverne en divisant ». Nous n’en saurons pas plus sur le fondateur de l’Europe. Pas même la date de sa mort (le 28 janvier 814). Les nouvelles générations considérant la chanson française passée de mode, il est à craindre qu’elles ne sachent jamais qu’il “a eu cette idée folle, un jour d’inventer l’école”. J’en passe et des meilleures en énumérant ces illustres personnages: Saint Louis, Jeanne d’Arc, Richelieu, Louis XIV, Napoléon, Joffre, Pétain, Foch... Heureusement, il existe encore dans de nombreuses villes de France un nombre très considérable de rues, avenues et boulevards et même…des impasses aux noms de quelques-uns des maréchaux de la “Grande Guerre”. Hélas, le jeune passant qui regarde la plaque d’identification de l’artère ne sait relier le nom lu à un fait historique appris à l’école. Dans les nouveaux manuels, Joffre et Foch ont disparu, certains élèves pourront quitter le collège sans en avoir même entendu parler ; seul Verdun a droit à un ensemble de documents. Les batailles de la Marne et de la Somme ont disparu avec les généraux qui commandaient l’armée française. En revanche on s’intéresse au concept de guerre totale, à la mobilisation de la population, aux retombées économiques de la guerre et à la propagande, plutôt qu’aux détails de la guerre en mouvement. Polémique passéiste… Un historien s’exprime au micro d’Europe 1: “On sait bien que l’histoire n’est pas que celle des grands hommes. C’est une vieille idée de droite, voire d’extrême droite, très réactionnaire. On peut très bien imaginer qu’un enseignant décide de raconter la bataille de Verdun du point de vue des soldats. On n’a pas forcément besoin de Pétain. Le maréchal Joffre dont on mettait en cause les compétences, avait eu cette réplique: “Je ne sais pas qui a gagné la bataille de la Marne, mais je sais qui l’aurait perdue…” Pauvres de nous…

CM