Les deux campagnes menées pour conquérir le Dahomey (aujourd’hui le Bénin, situé sur le golfe de Guinée, en Afrique occidentale) et  Madagascar semblent avoir été taillées sur mesure pour la Légion, même si, comme pour le Tonkin, elle a dû quitter son milieu habituel pour des régions d’Afrique normalement réservées aux Troupes de marine. Pour les Chefs coloniaux, elle est un réservoir de troupes impatientes de relever un défi, rompues aux difficultés et dont le sacrifice, si par hasard les choses tournent mal, ne soulèvera en France que de faibles protestations. Ces campagnes offrent à la Légion l’occasion de montrer qu’elle est admirablement préparée à l’action. Les faibles effectifs engagés, dans les deux cas un seul bataillon renforcé, procurent aux responsables le luxe de partir en campagne avec l’élite de leurs soldats.

Madagascar:

Il faut noter que ces opérations présentent des défis qui ne sont pas dignes de la réputation de la Légion : les Dahoméens, certes courageux, s’adaptent fort mal à une confrontation avec une armée moderne, et les Malgaches ne sont même pas courageux.

Paul Brundsaux, né le 4 octobre 1855, en Meurthe et Moselle où son père était médecin, est marqué par son origine lorraine. Ses deux grands-pères sont d’anciens officiers de cuirassiers. Entré à Saint-Cyr en 1874, il y brille en instruction militaire, en artillerie, en géographie. Moins en légistation. Sous-lieutenant en 1876, lieutenant en 1882 dans l’Infanterie, il fait ses premières armes de 1882 à 1884 sans le Sud Tunisien avec les compagnies mixres, premier noyau de nos tirailleurs et de nos spahis. Revenu en France, il passa capitaine en novembre 1887. C’est un officier animé du feu sacré et qui a tout pour réussir. Mais il est passionné et violent. L’armée lui refuse l’autorisation d’épouser une jeune femme de Bizerte dont il a eu une fille. C’est pour le contraindre à renonçer qu’on l’a muté en France. Il donne sa démission en janvier 1888.

Aussitôt réglées ses affaires de famille, sa fille reconnue, il demande à reprendre du service avec son grade, à la Légion étrangère. Le 10 juillet 1888, il est capitaine à titre étranger au régiment de Légion alors en garnison à Saïda. Sa brillante carrière commence réellement.

Le 13 décembre 1890, il est à nouveau admis dans le cadre français. Il a perdu trois ans d’ancienneté mais sa conduite au Tonkin montre qu’il est en route pour les rattraper.

Quand il rentre en Algérie en 1891, il a montré ses aptitudes à la vie de campagne. Solide, toujours prêt à marcher, d’allure militaire et très énergique, plutôt trop que pas assez, il a vite appris à connaître le caractère des légionnaires en est aimé et sait les commander.

Sa campagne du Dahomey, et les traits de bravoure qu’on colporte sur son compte (le légionnaire est toujours fier de servir sous les ordres d’un brave) achèvent de le rendre populaire.

Il y déjà un an qu’il a rejoint l’Algérie quand s’organise l’expédition de Madagascar.

En 1885, un traité avec le royaume Hova avait établi notre protectorat sur l’île. Mais le gouvernement malgache s’était toujours refusé à passer par notre intermédiaire pour traiter avec les gouvernements étrangers et n’avait montré aucun acharnement à poursuivre les auteurs de nombreux attentats contre nos ressortissants. Une dernière tentative de conciliation se heurta à la morgue du puissant parti de la Reine, qui désirait la guerre à laquelle l’exhortaient certains aventuriers anglais.

Reine malgache: Ranavalo III

L’affrontement devenait inévitable. Le 3 février 1895, fut décidée la création d’un régiment d’Algérie qui devait comprendre deux bataillons de tirailleurs et un bataillon de Légion étrangère, à l’effectif de 22 officiers et de 818 légionnaires.

Le 23 avril le régiment est à pied d’œuvre, totalement débarqué à Majunga. Les légionnaires seront de l’avant-garde du corps expéditionnaire qui entame son mouvement dès l’arrivée du général Duchène, commandant en chef, le 4 mai. Il faudra un mois pour arriver, à 100 kilomètres de là, à franchir en force la Betsiboka et à enlever le village de Mevatanana, puis quatre jours encore pour atteindre Suberbieville, où la marche en avant est suspendue.

Le général Duchène estime en effet nécessaire d’organiser ses arrières et en particulier d’assurer la sécurité des convois. Malgrè l’avis des techniciens, le corps expéditionnaire a été doté de 5000 voitures type « Lefèvre », attelées à des mulets venus eux aussi de France. Le terrain suprêmement accidenté ne pouvant se prêter au cheminement d’un pareil train d’équipages, il devient évident qu’il va falloir ouvrir une route et aplanir les obstacles naturels. Et Tananarive, capitale de la reine Ranavalo III, but de l’expédition, est encore à quatre cents kilomètres de là ! …

 

A suivre : « la mort en piochant… »