Introduction: Nous avons en images le film de Pierre Schoendorffer concernant Diën Biên Phu au moment où l’on voit les légionnaires s’équiper de sacs de sable en guise de pare balles. C’est ce jour là, et dans ces conditions qu’est mort pour la France le lieutenant Jean François. Une promotion d’un bataillon EOR de Coëtquidan a eu l’honneur de l’avoir comme parrain. Le hasard faisant parfois bien les choses, le Général Alain Brizard qui commandait l’école se trouvait avoir été le Capitaine du lieutenant Jean François à Diên Biên Phu.

A votre lecture cette lettre du lieutenant écrite le 25 février 1954, il décédera au combat le 18 avril 1954 à Diên Biên Phu..

 

« C’est avec un très vif plaisir que j’ai reçu de vos nouvelles et je vous remercie des vœux que vous formez pour mon anniversaire. On se fait vieux.

Félicitations pour la bonne nouvelle ! Marie-Geneviève sera aussi heureuse que ses parents et je partage votre joie. Nous serons donc en match nul : 2 à 2. J’espère bien que le papa sera là pour la naissance, juste récompense d’ailleurs, pour son travail extra conjugal. Je compte bien être l’ami d’un DEM !

Diên Biên Phu: Le ministre de la Défense Nationale, René Pleven saluant le lieutenant-colonel Gaucher, commandant la 13ème DBLE.

J’ai eu la grande joie d’assister à la remise de la croix de la Légion d’honneur par monsieur Pleven à Jo (Plantevin). Un Jo qui ne s’y attendait pas et me disait : « il va falloir que je la mérite maintenant », c’est bien de lui. A midi, je l’ai accompagné à l’avion, il venait de ramasser une balle dans le bras, la bonne blessure dit-il. Au fond, j’en suis content car il fonce un peu trop à mon avis. C’est beau, certes, mais quand je pense à l’inutilité des risques en ce pays… Je t’assure mon Vieux que ce n’est plus l’ambiance de 48 ! Enfin ce bon Jo ne change pas et a une cote du tonnerre et incontestée.

J’ai de bonnes nouvelles de Cassinette (épouse du lieutenant François) et des enfants ainsi que de maman Ginette et sa famille. Je crois que si un cessez le feu arrivait ici elles seraient bien soulagées !!..

Pour moi, tout va bien, je suis en forme et assez philosophe pour attendre la suite des évènements.

J’ai une Compagnie correcte et l’ambiance du Bataillon est sensationnelle. Le secteur est relativement calme sauf dans le coin du 3/13.

Bon courage à tous les deux, à Hélène pour supporter les petits ennuis la préparant à une grande joie et à toi pour subir les épreuves à Alger. Et bonne permission ! Transmettez mon bon souvenir à vos familles. Embrassez Marie-Geneviève, ay fait, comment s’appellera le petit frère ?

Pour vous deux, mes sentiments fidèles et affectueux."

Jean

Epilogue:

Un survivant a raconté ces évènements à son retour de captivité: "Le point d'appui du lieutenant François était séparé du reste de nos lignes par les forces rebelles en grand nombre. Le 17 avril, ordre est donné de rompre l'encerclement et de se replier. C'est la fin de Diên Biên Phu. Le 18 avril à 6 heures, la Compagnie François reçoit l'ordre de donner l'assaut d'une tranchée la séparant du point d'appui 'Huguette 1": il faut passer à tout prix.

Les hommes valides rampent vers l'objectif. Les autres restent dans la position et y maintiennent une apparence d'activité. Une partie de la Compagnie réussit à franchir plusieurs centaines de mètres de glacis er rejoins "Huguette 1". Mais le lieutenant François est tombé, frappé à la gorge par une balle ennemie. Il donne l'ordre à un légionnaire qui veut le secourir de l'abandonner à son sort, payant de sa vie le succès de l'opération. Il laisse en France une veuve et deux orphelins. Avec lui, le 2ème REI à perdu son 59ème officier en Indochine. La Légion étrangère, son 297ème officier. Durant sa brève mais très active carrière, le lieutenant François n'a jamais cessé de mettre en évidence les plus belles qualités des officiers français. Il restera un exemple de courage tranquille, de sang froid et d'abnégation jusqu'au sacrifice suprême.