Histoire : Les 27 et 28 Juin 1835 : le 4e Bataillon Polonais et le 5e Bataillon Italien luttent pendant l’embuscade montée par l’émir Abd el-Kader dans les marais de la Macta.

·      Le général Camille Trézel monte une expédition avec 2 500 hommes, dont un tiers de légionnaires, pour défendre les deux tribus ralliées, les Douairs et les Semlah sur une menace précise de l’émir Abd el-Kader. Mais l’émir avec ses khalifas dispose de 8 000 guerriers.

Général Camille Alphonse Trézel

·      Le 26 juin, le général Camille Trézel sort d’Oran et marche sur Mascara. Dès la sortie du camp du Figuier, le colonel Oudinot, chef de corps du 2e Régiment de chasseurs d’Afrique, est tué. Désemparés par la mort de leur colonel, les Chasseurs d’Afrique refluent. Mais, formant le carré, les compagnies polonaises contiennent l’ennemi. Le dispositif français se rétablit. En fin de journée, la colonne bivouaque sur la rive gauche du Sig. Ce premier combat est favorable aux Français.

·      Le 27 juin, sur le retour vers Oran, l’émir Abd el-Kader attaque les colonnes du général Camille Trézel dans le défilé de Moulay-Ismaël : le lieu de l’embuscade ne pouvait être mieux choisi. Pendant vingt heures, les Français subissent assaut sur assaut de la cavalerie légère arabe. La position est intenable. Le combat devient vite désespéré. Les deux Bataillons de la Légion, rameutés en catastrophe, rejoignent les lignes françaises à marches forcées. Dans la soirée, le général Trézel ordonne la retraite dans la seule voie de repli qui s’offre à lui : les marais salants de La Macta. Abd el-Kader espère la victoire totale sur les Français. Toute la journée, il a manœuvré pour bloquer les issues du retour de la colonne vers Oran : il a laissé une seule voie accessible, la voie des marais salants de La Macta. 

 

Emir Abd el Kader

 

·      Au soir du 27 juin, pour permettre le repli, les deux bataillons de la Légion étrangère sont engagés aussitôt et attaquent avec fougue et brio une première fois les hommes d’Abd el-Kader, pour permettre le repli ; en carré, face aux cavaliers arabes, ils avancent, après un tir de salve. Puis baïonnette basse, ils foncent en criant. Un instant, l’étau ennemi se relâche ; la Légion couvre l’arrière-garde ; elle emmène ses morts : deux officiers tués à la tête des bataillons : le lieutenant Josefovitch du 4e Polonais et le lieutenant Boldini du 5e Italien. La colonne a perdu 52 tués et 189 blessés.

·      S’estimant en infériorité numérique, le général décide de gagner Arzew, petit port occupé par une garnison française. A cause des voitures transportant les blessés, il décide d’emprunter pour ce retour la piste du fond de la vallée du Sig, aux abords des marais de la Macta.

·      A peine le général Trézel s'est-il mis en marche, qu'Abd el-Kader envoie des fantassins montés en croupe derrière une partie de ses cavaliers, occuper les hauteurs qui bordent la vallée".

·      Forts de leur masse, les cavaliers et les fantassins d’Abd el-Kader enserrent plus ou moins près les Français. A la chaleur, se mêlent des effluves de sirocco et les fumées des broussailles desséchées allumées par les Arabes. La visibilité est médiocre, le commandement difficile.

·      Dans cette percée, la Légion, sous les ordres du lieutenant-colonel Conrad, a reçu pour mission de couvrir les flancs : 4e Bataillon Polonais à gauche, 5e Bataillon Italien à droite.

Lieutenant-colonel Conrad

·      Le 28 juin, l’infanterie du général Camille Trézel s’enlise dans les marais, alourdie par les charrettes du convoi de ravitaillement et les blessés. Abd el-Kader voit l’anéantissement des Français à sa portée. L’émir attaque et lance sa cavalerie contre la longue chenille qui s’embourbe dans les roseaux. Son idée de manœuvre : couper le dispositif ennemi en de multiples tronçons qu’il réduira un par un. Envoyé pour dégager les hauteurs occupées par l’adversaire, le 5e Bataillon s’estime en mauvaise posture et réclame de l’aide. Sans hésiter, le lieutenant-colonel Conrad ordonne au commandant Horain de se porter à la rescousse. Remontant la colonne, le commandant Horain, chef du 4e Bataillon Polonais de la Légion, fait donner l’assaut à ses troupes. L’opération découvre la colonne alors que les Arabes se ruent de toutes parts. Le 4e Bataillon remonte la colonne en formant un écran entre les fantassins épuisés et le front ennemi. -Vive la France ! crient les légionnaires comme un seul homme.

·      Le commandant Horain est un brave qui ne craint ni la mort, ni les balles. A peine s’est-il élancé qu’il tombe. Son cheval a reçu cinq projectiles. Qu’importe, c’est à pied qu’il poursuit son attaque, sabre au clair. Autour de lui, ses légionnaires, entraînés par le sous-lieutenant Bazaine.

·      A midi, le combat fait rage, dans une chaleur de four, augmentée par les vapeurs d’une eau nauséabonde, chauffée à blanc par un soleil implacable. Déjà, les Arabes enfoncent le dispositif français en plusieurs endroits ; ils atteignent les voitures des blessés qu’ils renversent et dont ils massacrent les occupants, souvent même avec leur propre baïonnette plantée dans le ventre. Ils brûlent les chariots de l’intendance, les charrettes de fourrage.

·      En tête de la colonne, le général Trézel, mal prévenu du massacre, fait presser le mouvement. La colonne se scinde et ceux qui perdent le contact sont voués à la destruction. Sut les flancs, la Légion se bat toujours.

·       Le 5e Bataillon Italien de la Légion est averti le premier de l’attaque ennemie sur les chariots. Il se dégage et se porte à l’arrière-garde et là, charge sans arrêt, coups de boutoir après coups de boutoir, pour obliger les Arabes à reculer. Il y arrive alors que la nuit approche. Puis, l’arme prête, il s’accroche au terrain, le temps pour le convoi de se replier et de rallier la tête de la colonne.

·      Les deux Bataillons de la Légion, en relais, protègent la retraite sans cesser de se battre pendant toute la nuit. 

·      Le courage des uns, le sacrifice des autres, les pertes et la fatigue en face finissent par permettre le passage. Au terme de mêlées tragiques, les Français atteignent Arzew.

·      Le général Camille Trézel subit donc une défaite dans les marais de La Macta où il perd 262 tués ou disparus, 308 blessés. Parmi eux, une centaine de légionnaires.

·      La Légion perd trois officiers, Boldini, Hichard et Josefowitch massacré dans un chariot.

·      Dès le retour de la colonne à Oran, le sacrifice des deux Bataillons de la Légion devient célèbre, presque légendaire ? Et tandis que les légionnaires vont voguer vers l’Espagne et Tarragone, ils suscitent à Paris l’étonnement et l’admiration : ‘’Quoi, ces buveurs, ces voleurs, ces bandits seraient aussi des soldats exceptionnels’’.

Jean Balazuc P.P.P.P.

 

Sources principales

L’Algérie de J.H. Lemonnier – Libraire Centrale de Paris - 1881.

Le destin tragique de l’Algérie Française de François Beauval – Editions de Crémille – 1971.

Histoire de la France en Algérie de Pierre Laffont – Plon – 1980.

La Légion Etrangère – 150e anniversaire – Historia H.S. 2e trimestre 1981.

La Légion, Grandeur et Servitude – Historama HS novembre 1967.

Mémoire et vérité des combattants d’A.F.N. Cercle pour la défense des A.C. Livre blanc – 2000

Pieds Noirs d’Hier et d’Aujourd’hui.

Histoire de l’Afrique du Nord du général Edmond Jouhaud – Editions des 2 Coqs d’Or – 1968.

Le drame de l’Algérie Française – Historama HS avril 1968.

Les grands soldats de l’Algérie du général Paul Azan – Cahiers du Centenaire – 1930.

La Légion Etrangère – Voyage à l’intérieur d’un corps d’élite de John Robert Young et Erwan Bergot – Editions robert Laffont – 1984.

Le 1er Etranger de Philippe Cart-Tanneur et Tibor Szecsko – Branding Iron Production – 1987.

La 13e D.B.L.E. de Tibor Szecsko – Editions du Fer à marquer – 1989.

Histoire de la Légion de 1831 à nos jours du capitaine Pierre Montagnon – Pygmalion – 1999.

La Légion d’Erwan Bergot – Imprimerie Delmas – 1972.

émir Abd el-Kader el-Hadj ben Mahi ed-Din, né le 6 septembre 1808 près de Mascara ; chef arabe, fils d’un cheikh de zaouïa établi dans le Rif avant de s’installer dans la région de Mascara, qui se réclame d’une lignée chérifienne remontant à Abd el-Kader el Djilani, fondateur de la confrérie Qadriya ; son père, Mahi ed-Din lui fait donner une solide formation religieuse ; dès avril 1832, il prêche la Guerre Sainte contre les Chrétiens ; émir révolté de mai 1832 à décembre 1847, notamment en Oranie ; après sept années préliminaires, pendant lesquelles il s’intitule ‘’prince des croyants, sultan des Côtes d’Alger, d’Oran et de Tlemcen jusqu’à la frontière de Tunis’’, il mène pendant huit ans la guerre sainte, une guerre de mouvement en multiples épisodes ; il est l’homme du Coran autant qu’homme de guerre ; jouant à la fois de la force et de l’astuce, il inflige aux Français au moins autant de défaites qu’il en subit lui-même ; il se rend au général Lamoricière le 22.12.1847 ;  il quitte Alger avec sa mère, ses trois femmes, ses deux fils et deux beaux-frères, soit une suite de 97 personnes composée de 61 hommes, 21 femmes et 15 enfants des deux sexes ; il séjourne au Château de Pau du 26 avril au 3 novembre 1848 ; il est transféré au Château d’Amboise ; libéré par Napoléon III le 16.10.1852 ; avant son départ, il tient à participer au plébiscite sur l’Empire en novembre 1852 ; il se retire d’abord à Smyrne, puis il ira à Damas où il se comporte en ami de la France ; lors des massacres de 1860 il sauve plus de 12 000 Chrétiens ; Grand Croix de la Légion d’Honneur le 05.08.1860 ; il fait un voyage en France en 1865 ; pendant la guerre de 1870-1871, apprenant que des Indigènes algériens se servent de son nom pour tenter des soulèvements en Algérie, il leur écrit pour les engager à se soumettre  ; décédé le 26.05.1883 à Damas, en Syrie. Il a eu 16 enfants, 11 garçons et 5 filles. Le 05.07.1966, ses restes sont transportés en Algérie au cimetière d’el-Alia à Alger.

Bazaine Achille, né à Versailles en 1811 ; candidat malheureux à Polytechnique, il s’engage le 28.03.1831 au 37e de Ligne ; quelques mois plus tard, il passe à la Légion en qualité de fourrier ; deux ans plus tard, il est sous-lieutenant ; par ses mérites et son courage, il est promu lieutenant en 1835 ; Chevalier de la Légion d’Honneur après les durs combats de la Macta ; avec la Légion, en Espagne ; aide de camp du colonel Conrad en juin 1837 ;  officier dans un bureau arabe en Algérie ; commandant, à l’état-major du général Louis Lamoricière en décembre 1847, lors de la reddition de l’émir Abd el-Kader ; il participe à la guerre de Crimée en 1855 ; chef de corps du 1er Régiment de la Légion étrangère de 1851 à 1854 ; en Crimée en 1854-1855 ; il y est nommé général, commandant la brigade étrangère ; il commande en chef au Mexique en 1863 ; Maréchal de France en 1864 ; il commande en chef en Lorraine en 1870 ; bloqué dans Metz, il capitule devant les Prussiens ; sa gloire est à jamais ternie, condamné à mort en 1873, sa condamnation est commuée en détention ; il s’évade et gagne Madrid ; mort à Madrid en 1888.

Boldini, officier du 5e Bataillon Italien de la Légion Etrangère, tué le 29.06.1835 à La Macta.

Conrad Joseph dit le Vieux Fritz, né le 08.12.1788 à Strasbourg ; engagé en 1806 ; sous-officier puis lieutenant de la Grande Armée ; il participe aux campagnes d’Allemagne et d’Espagne ; décoré de la Légion d’Honneur ; lieutenant-colonel, il commande les deux bataillons de la Légion lors des combats de La Macta, fin juin 1835 ; colonel, dernier chef de la Vieille Légion Etrangère en 1836 avec le grade de maréchal de camp ; les Carlistes l’appellent ‘’le Brave au cheval blanc’’ ; il est tué au combat face aux Carlistes le 02.06.1837 à Berbejual lors de la bataille de Barbastro, en Espagne.

Hichard, officier de la Légion Etrangère, tué le 29.06.1835 à La Macta.

 

 

Josefowitch, officier du 4e Bataillon Polonais de la Légion Etrangère, blessé le 29.06.1835 à La Macta ; massacré par les Arabes dans un chariot transportant des blessés.

Trézel Camille, général ; ingénieur géographe ; il perd un œil à Waterloo ; en mai-juin 1833, il crée une milice indigène à Boufarik dans la Mitidja ; il prend Bougie le 29.09.1933 ; il est blessé lors de cette attaque ; son courage et son sens de l’honneur ne compensent pas toujours chez lui une certaine maladresse sur le plan tactique ; chef d’état-major de Jean-Baptiste Drouet, comte d’Erlon, fin 1834 ;  chef de la division d’Oran en 1834-1835 ; il subit un grave échec lors de son expédition face à l’émir Abd el-Kader en 1835 avec la défaite dans les marais de La Macta ; il est révoqué ; grièvement blessé au cours du premier siège de Constantine le 24.11.1836 ; il commande l’une des quatre brigades lors de la prise de Constantine en octobre 1837 ; nommé pair de France en 1846 ; ministre de la Guerre en 1847.