Madame Jannine Clerget, ses enfants Lionel, Valère, Cyrille, Myriam et Catherine ont la douleur de vous faire part du décès du colonel (er) et Légionnaire de 1er classe Honoraire de la Légion étrangère Charles Clerget âgé de 95 ans survenu le 18 octobre 2020.

Ingénieur du génie, Saint-Cyrien promotion "Nouveau Bahut", ancien du prytanée militaire de La Flèche.

Campagne d’Indochine, combat de Cao-Bang et de la RCA avec le 3ème REI, prisonnier du vietminh au camp N°1, campagne d’Algérie.

Grand invalide de guerre, commandeur de la Légion d'Honneur, croix de guerre des TOE avec palmes et étoiles,valeur militaire

Le capitaine (er) José Gil, président , et les membres de l'amicale des anciens de la Légion étrangère d'Aubagne et sa région s'associent à la peine de la famille et  présentent leurs condoléances fraternelles.                                                                                                                                                                                                                                                                       "Qu'il repose en paix auprès de ses camarades"

Lettre du fils du Colonel,monsieur Lionel Clerget:

"Bonjour mon Capitaine,

Mon frère m’a demandé de vous faire parvenir l’homélie que j’ai écrite. Faites-en l’usage que vous souhaitez.

En ce qui concerne la tragédie de Cao-bang, je sais peu de chose. Mon père ne parlait guère de cette tragédie et des conséquences qu’elle a pu avoir pour les combattants légionnaires, coloniaux, parachutistes, génie et autres après ce désastre. Ce que je sais de cette période, je l’ai appris petits en suivant des conversations qu’il a eu avec ses anciens compagnons d’armes et de misère (Colonel Charton, Commandant Fabre de la légion, Colonel Reynier, Legal je ne connaît plus son grade d’officier, l’ex secrétaire d’état aux anciens combattants Beauclairet d’autres dont j’ai oublié les noms. A ma connaissance, le dernier officier survivant des combats de l’évacuation de Cao-Bang et du camp N°1 encore en vie est le Colonel Guy Reynier habitant Nancy.

Mon père est sorti de St Cyr en 1947. Il a servi sous les ordres du Colonel Charton de 1949 à octobre1950. Il était l’officier du génie du 3°REI. Le Colonel Charton et lui étaient amis. Ils se sont appréciés dès leurs premières rencontres. Ils étaient Francs-Comtois, catholiques sans être bigot, non-conformiste. Mon père a entretenu des relations d’amitié avec le colonel jusqu’à sa mort. Avec le Colonel, mon père et d’autres ont construit ou améliorer une piste d’atterrissage permettant le ravitaillement aérien de la citadelle. Avant l’évacuation de la citadelle, mon père participait à l’ouverture de la RC4 pour faire passer les convois. En octobre, le colonel Charton reçoit l’ordre d’évacuation par voie terrestre de la garnison de Cao-Bang. Le colonel était contre cette option, mais il a obéit aux ordres. Il a cependant refusé d’abandonner les villageois pour certains terrorisés de tomber aux mains du vietminh. La progression de la colonne Charton vers la colonne de secours Lepage a sans doute été retardée par les civils qui l’ont suivi.Le colonel a chargé mon père, l’officier du génie du 3°REI de faire sauter la citadelle. Ceci a été exécuté et aurait pu provoquer un premier drame. En effet le Colonel qui revenait vers le PC de mon père a failli mourir dans l’explosion. Après la destruction de la citadelle mon père est ses hommes ont participé à différents combats jusqu’à l’ordre du «chacun pour soi» donné par le Colonel après la destruction par le vietminh très supérieur en nombre, des unités qui étaient sous ses ordres et des rescapés de la colonne Lepage qui les avaient rejoints. Au moment de cet ordre mon père se trouvait à proximité du Colonel. Avec quelques hommes, ils ont continué à combattre aux côtés du Colonel jusqu’à épuisement des munitions puis à l’arme blanche. Le légionnaire qui assurait la sécurité du Colonel a sacrifié sa vie pour le sauver. Le colonel a été blessé et avait des difficultés pour marcher quand ils ont été fait prisonnier par les soldats vietminh. De ces combats, mon père a conservé des séquelles, des éclats de grenade qui remontaient de temps en temps.

A commencer alors la marche vers le camp N°1, Le lieutenant Brosse un légionnaire, je crois, et mon père ont porté le colonel à travers la jungle sur une centaine de kilomètres. A l’arrivée au camp le Colonel a été séparé de ses hommes et mis à l’isolement. Il devra la vie à une poignée d’hommes qui au péril de leur vie lui ont apporté de quoi survivre. Par la suite le colonel survivra à la spirochétose. La marche vers les camps a été le prélude de la lente extermination menée par l’organisation politique communiste des camps contre les officiers et sous-officiers français prisonniers. Dans les camps ils vont vivre l’enfer, la faim, la maladie, le manque de soin et de médicament, les séances de rééducation politique et d’autocritique interminables, les corvées de riz exténuantes à travers les rizières, les pressions de tous ordres physiques et morales pour leurs faire avouer qu’ils étaient des criminelles de guerre, le travail obligatoire dont ils bénéficiaient que très rarement des fruits du travail réalisé.

En France les familles des prisonniers ont été approchées par le parti communiste pour les faires adhérer aux mouvements en faveur de la paix en faisant miroiter de possible libération. Ma mère a été prévenue très tardivement par la croix rouge que mon père était toujours vivant. Des familles ont payé des rançons pour la libération d’un fils ou frère ou un mari prisonnier. Des hommes comme le lieutenant Bonfils, je crois, pour être sauvés ont subi une amputation sans anesthésie par les médecins prisonniers. Quelques hommes comme le commandant Fabre et mon père ont apprivoisé les chiens des paysans vietnamiens et la nuit ils braconnaient de quoi survivre et aider à la survie d’autres prisonniers. Mon père a participé à deux évasions, deux échecs. Il a été repris après trahison. Il a connu le passage aux buffles, le simulacre du peloton d’exécution. En 54 certains de ses camarades ont refusé de partir du camp sans lui. Les commissaires politique l’avaient jugé irrécupérable. Quand il est sorti, il pesait 54 Kg alors qu’il en faisait 80 à son arrivée en Indochine.

Voilà mon capitaine au fond, je connais assez peu de cette tragédie. Le fils du commandant Fabre est vivant et officier en retraite. Fabre, Bonfils, Beucler, Legal sont morts. Reste Guy Reynier.

Très cordialement."