A vivre, c’est à dire à me tenir debout, en équilibre à la pointe de l’instant présent. La vie se jouait maintenant, il était urgent de la “jouer”, pas un instant à perdre. J’avais compris avant mon engagement qu’il était douloureux de vouloir saisir l’insaisissable et dépasser l’irrévocable, en m’accrochant à l’évidence qui dit qu’il y a une raison pour que les rétroviseurs sont plus petits que les parebrises. Mes “maintenants” d’avant, apparaissaient pour mourir aussitôt hors des fausses promesses du futur et des radotages du passé, elles donnaient un autre nom à la vie.
Jankélévitch, dans ses écrits confirmait ma pensée: “le je-ne-sais-quoi” et “le presque rien” disait-il ajoutant: “C’est l’heure. Hora! Tout à l’heure, il sera trop tard, car cette heure-là ne dure qu’un instant. Le vent se lève, c’est maintenant ou jamais. Ne perdez pas votre chance unique dans toute l’éternité, ne manquez pas votre unique matinée de printemps”.
Funambule de l’instant, l’essentiel serait de savoir “capturer l’occasion”, art de l’à-propos. Les Grecs nommaient “Kairos” la plus grande vertu militaire et ce qu’on appelle le génie de Napoléon fut un opportunisme de l’instant, une énergie de la décision immédiate portée à son plus haut degré. Hélas, il n’y a pas de règle pour saisir ces instants.
En d’autres termes, il n’y a pas de mode d’emploi quant aux choix de vivre sa vie. C’est peut-être pour cela que certains êtres, capables de sauter à la gorge de l’instant sont plus doués pour leur bien-être que d’autres, trop patauds. Ces équilibristes talentueux transforment les occasions en événements et leurs rêves en souvenirs. Ils savent saisir le moment favorable et se détacher du lieu convenable où sont tissées les amarres auxquelles nous regrettons souvent de nous être attachés.
S’engager à la Légion pour moi reste une aventure, une opportunité de saisir la chance de pouvoir bondir et profiter de ce qui se présentait là et maintenant. Je savais qu’après il serait trop tard… La vie du légionnaire est toute entière dans cette divine et unique occasion.
Après… que du “ baratin” et du “verbiage” inutiles.
Commandant (er) Christian Morisot