Je venais de passer caporal après un « stage » CME de 3 mois à Cap Diégo encadré par un personnel très efficace de la 1ère compagnie implantée à Tanambo (là où la chanson « Adieu Diego » nous dit que nous n’irons plus le soir venu…).

Caporal, c’est le premier des grades et avec quatre autres camarades, tous les hommes du rang de notre compagnie organisèrent une grande fête pour marquer cet important évènement où ne participaient aucun sous-officier, ni officier. Notre Capitaine autorisa cette débauche ; le Foyer resta ouvert toute la journée et les chants légionnaires resonnèrent longtemps jusqu’à ce qu’un grand silence enveloppe le quartier la nuit tombée pour un silence nécessairement réparateur.

Le fait de passer caporal me donna des droits mais surtout des devoirs, je devenais chef de poste au moment des « gardes » et tous jours avant midi, nous étions tous réunis pour la corvée de « pluches », moment exceptionnel où nous refaisions en chantant tout le répertoire du carnet de chants légionnaires. Bref, j’étais passer dans la catégorie des petits gradés responsables, je pouvais me prendre pour un « légionnaire-confirmé » …

Les caporaux de la compagnie faisaient un bloc à part, très soudés entre eux, ils avaient leur Président choisi parmi le plus vieux en années de grade et se réunissaient chaque mois, le samedi avant la distribution de la solde pour un repas pris en commun au restaurant « Nouvel Hôtel », un des établissements les plus appréciés et fréquenté par les « bourgeois » de Diégo…

En fait, nous faisions crédit, sous forme la forme d’un « Taratas », ce moyen de paiement à crédit se présentait en un morceau de papier sur lequel était inscrit la somme que nous devions et la signature du Président des caporaux. Ceci avant la solde au moment où nous n’avions plus un sou en poche. Le jour de solde, avec une régularité d’horloge, le Président avait la charge de régler la dette.

Ce samedi-là, nous venions de terminer notre copieux repas bien arrosé et nous décidions d’un commun accord de continuer la soirée à la « Taverne » délaissant notre habituel passage chez « Pauline » et sa bière « trois chevaux ».

Ces « guiguettes » étaient de véritables lieux de perdition incontournables où se retrouvaient chaque soir les militaires, marins et légionnaires de la garnison de Diégo.

C’est ainsi que nous nous retrouvions autour d’une grande table, la piste de danse était pleine à craquer de couples enlassés, le spectacle était digne des pires endroits de perdition qui affichaient une débauche où chacun avait en soi le sentiment un peu coupable de ne vouloir être nulle part ailleurs loin de cette ambiance haute en couleurs.

Nous avions parmi nous le caporal Léon, « un vieux de la vieille », un de ces personnages particuliers, véritable victime de guerre, qui affichait son homosexualité suite à avoir été fait prisonnier d’une harka de Fels en Algérie qui en avait fait ce qu’il était devenu…

Léon était un amuseur public, intelligent, il nous faisait mourir de rire et se présentait sans cesse toujours à l’affut d’attirer l’attention de tout un chacun ;  c’était pour nous un vrai régal et un réel plaisir de l’avoir avec nous, indiscutablement les soirées n’étaient pas les mêmes quand notre Ami était là.

A notre grande surprise, Léon prit la parole : « Voyez-vous chers camarades, je vous vois tous avec des yeux brillants, vous êtes complétement hypnotisés et livrés à l’emprise d’une forte libido au point de vous comparer à des vulgaires animaux en ruth. Personnellement je suis dans le plus grand regret de ne pas ressentir les mêmes sentiments que vous, j’aimerai tant qu’une de ces jeunes et jolies personnes vienne danser avec moi et provoque en moi cette étincelle érotique qui anime l’ambiance générale explosive.

Entendant cette supplique, mon camarade Ciupa saisi cette opportunité et propose à Léon qu’avant d’aller invité une des jeunes filles, de mettre dans son slip une banane de quoi attirer l’attention particulière de la danseuse qui penserait que notre ami exprime ainsi un « gros » sentiment pour sa personne, ceci conformément aux souhaits de Léon…

Nous en étions à mouiller nos mouchoirs et je me souviens de la musique de fond de cet épisode immuable avec une chanson de Paul Anka qui reste à jamais inscrite au fond de ma mémoire.

Soudain, nous voyons courir la « partenaire » de Léon qui semble se sauver et échapper à la « roucoulade » de notre Ami.

De retour à notre table, Léon nous explique que la belle créature avait toucher le fruit « défendu » et que celui-ci avait glissé jusqu’à atteindre son genou et s’était écriée : « Ah ! non, il me ressortirait par la bouche ».

Nous étions en danger, à ce moment-là, notre rire pouvait être mortel.

A Dieu Diégo !

Commandant (er) Christian MORISOT.