L’histoire de la Légion étrangère, depuis sa création, est d’abord inscrite dans le prix du sang que la France n’a cessé d’exiger de ces étrangers venus volontairement se battre pour elle. L’histoire de la Légion est aussi celle de ses morts ensevelis aux quatre coins du monde.
Après un travail de recherche fastidieux mais exécuté avec une volonté implacable et rigoureuse, notre regretté major (er) Hubert Midy accompagné de monsieur Jean-Michel Lasaygue ont recensé : « 41 697 officiers, sous-officiers et légionnaires tombés au combat dans les rangs de la Légion étrangère, ceux qui ont le titre de « Morts pour la France ». A cette longue liste, il conviendrait d’ajouter les autres enlevés par les épidémies et les maladies dans les lointaines campagnes outre-mer et ceux, morts en service et tous ceux, morts au combat qui n’ont pas l’appellation « Morts pour la France », la procédure administrative n’ayant pas été engagée pour eux.
Ces sacrifices doivent inspirer le respect pour une troupe qui sait qu’elle ne sera jamais ménagée et qui ne décevra pas, le légionnaire est fait de devoir et de sacrifice. Il signe un contrat d’engagement de cinq ans, éventuellement renouvelable pour une ou plusieurs années. Le geste n’est pas anodin. Il lie l’individu pour un temps de sa vie active, de sa jeunesse. Garder un soldat cinq ans permet de lui apporter formation et expérience pour assurer une cohésion indispensable ; résultat d’un entrainement opérationnel permanent sans lequel aucune efficacité ne serait réalisable.
La Légion étrangère par son passé fait de gloire et de sacrifices est unique quant à définir ses traditions, son esprit particulier, une réussite apportée à la France par le truchement de ses officiers mais il faut néanmoins garder en tête que nul ne peut sonder réellement l’âme légionnaire s’il n’a pas porté le Képi blanc.
Certains s’inquiètent de l’avenir de la Légion. Aujourd’hui, le passé et le présent permettent d’envisager le futur avec confiance. Il est vrai que La Légion a toujours su évoluer en préservant son identité et en restant dans le peloton de tête en toutes circonstances, toujours prête à remplir les missions que la France lui confie.
La Légion se présente avec un double caractère : on s’y engage jusqu’à quarante ans, elle est composée de soldats de métier, pour qui la carrière des armes est un refuge, le pain assuré, souvent un titre de naturalisation, parfois une réhabilitation, c’est à dire pour un temps au moins, une véritable profession…
Le légionnaire vit dans son rêve. Quel est ce rêve ? Nul le précisera, pas même lui ; mais il le rendra responsable de ses mésaventures, il lui a donné un nom, c’est « le cafard ». Est-il étonnant que le sombre nuage des trop lourds souvenirs d’un passé en rupture avec son présent pèse parfois, en l’obscurcissant, sur son intelligence, peut-on sourire à la navrante fiction de l’insecte rongeur, enfanté dans les vétustés et les ruines de la vie, promenant sa silhouette d’ombre sur cette âme éteinte au bonheur, s’attaquant aux dernières espérances ? De même que la vie « normale » n’est pas le fait du légionnaire, il lui répugne d’accepter les évènements dans la monotonie de leur forme et de leur cause ordinaire. Sa tendance est à dramatiser, à tout draper de légendes ; à la vérité plate qui l’ennuie, Il préfère son interprétation qui l’amuse, le rassure ; il s’y passionne et n’en démord jusqu’à ce que, pris à son propre piège, il arrive, par une évolution progressive mise en place dans sa mémoire, conséquence de sa manière de vivre le quotidien au contact de camarades exceptionnels… Cette particularité, sans effacer les difficultés de son existence antérieures à son engagement, le fait devenir un homme nouveau qui n’hésite plus à parader, à enjoliver son personnage pour y gagner du relief avec le besoin de s’affirmer comme un être pas ordinaire. Le légionnaire est ce « rebelle » qui a sauté par-dessus les barrières d’une société où il se sentait mal à l’aise ; qui a soif des risques mortels, pour y jouer une vie, seul bien qui lui reste et dont il fait bon marché et qui se donne, quand il le faut, avec l’élan du soldat des grandes époques, « More Majorum » !
Une conclusion s’impose : Cet amalgame d’écrits vains, garde intact, enrobé d’un soupçon de naïveté, une notion du bonheur au point d’oser dire que pendant mon temps légionnaire d’active et encore aujourd’hui, j’en ai gardé une définition :
« C’est une citation, un livre qui bouleverse, une communion d’esprit avec un ami, une femme ; c’est avoir conscience que souvent on passe à côté, c’est avant tout un travail personnel avec soi-même, mais surtout, quand vous subissez son emprise, alors enivrez-vous… ».
Commandant (er) Christian Morisot