Désigné directeur de l’Institution des Invalides à Puyloubier, je me retrouve « patron » avec entre autres responsabilités, celle du « Pinard » …
Pour moi, un vrai challenge se présente, et l’une de mes toutes premières préoccupations se présentait par le fait que, compte tenu de mes origines géographiques, j’étais surtout un « buveur de bière ». De ce fait, pas d’alternative, il me fallait au plus vite m’instruire sur tout ce qui touchait de près ou de loin au vin en général et en particulier à celui du domaine « capitaine Danjou », une institution vénérée par la Légion entière et bien au-delà…
C’est ainsi que l’idée me vient de demander au Président de la cave coopérative de Puyloubier, monsieur Mallet, de bien vouloir me donner quelques leçons concernant ce breuvage mythique. Il accepta, bien volontiers, de m’instruire et me donne rendez-vous un petit matin, de très bonne heure, en plein milieu de ses vignes, là où il avait mis en place un banc en pierre.
A mon arrivée, monsieur Mallet m’attendait, il me demanda de m’assoir et surtout de me taire, d’observer le plus grand silence et d’écouter… C’est alors que j’entends, par-ci, par-là, de véritables explosions. Mon hôte m’expliquait que c’est la sève des vignes qui remontait pour prendre place dans les veines des rameaux en forçant le passage. J’étais loin d’imaginer que la vigne faisait un tel bruit pour reprendre vie avant le printemps qui tout doucement s’imposait dans une nature que je découvrais avec beaucoup de surprises et d’enchantement.
Ensuite pour une instruction concrète et indispensable, je ne quittais plus, pour un temps, la cave coopérative, apprenant sur le tas avec de nombreuses dégustations, d’assemblages des différents cépages pour satisfaire une connaissance indispensable concernant le vin, je pense très sincèrement avoir acquis un savoir au point de pouvoir surprendre le plus affuté des connaisseurs amateurs vinicoles.
Je découvrais également les parcelles implantées de la vigne de l’Institution, ses différents cépages, leurs âges, leurs ensoleillements et leur apport en eaux ; je compris rapidement qu’il me fallait revoir toute l’organisation pour que ne se présente une rupture de raisins par la négligence de ne pas avoir planté de nouvelles vignes à temps, tout un programme à mettre en œuvre sans tarder.
Quelques succès s’étaient présentés auparavant pour mes successeurs (*)avec une cuvée boisée après l’incendie de la montagne Sainte-Victoire en août 1989 et une production élevée en fûts de chêne neufs. Je découvrais trois couleurs de vin : rouge, blanc et rosé, et une étiquette commune qui était collée sur les bouteilles de type bordelaise classique, elle représentait le château de l’entrée du Domaine avec une image infiniment triste où s’affichaient des fenêtres qui semblaient murées. j’en touchais un mot à mon ami le capitaine (er) Louis Perez Y Cid qui me dit, « c’est moi qui ai réalisé cette étiquette… ». Depuis, il s’est parfaitement rattrapé avec des œuvres d’art qui restent des œuvres d’une qualité géniale et exceptionnelle…
Fort de mon instruction concernant non plus le « pinard », mais le « vin », je lançais une véritable politique de communication et de remise en cause de la renommée du vin de la Légion étrangère.
Le constat était de revoir les dispositions commerciales, en particulier celles qui permettaient à l’Institution de survivre pour maintenir les conditions favorables au maintien de cette belle mission qui consiste à héberger les anciens serviteurs de cette légion étrangère qui n’abandonnait pas les siens face aux difficultés de la vie rencontrés par certains anciens légionnaires.
Il me semblait bien malheureux de mélanger le jus des raisins après vendanges et nous mettions en place une appellation : « terroir ». Il nous fallait habiller de neuf cette nouveauté et c’est ainsi que je découvrais une bouteille élancée, bordelaise ancienne qui avait de la carrure et une allure parfaitement équilibrée. Pour finir une bonne impression d’ensemble, Je faisais ajouter un « mythe » : une belle flamme Légion en relief de 5,5 cm dessinée par Daniel Lordey, peintre titulaire des Armées et légionnaire d’honneur. Bref, une belle réalisation qui persistera bien au-delà des insultes du temps et c’est ainsi que le domaine « capitaine Danjou » était parvenu à imposer avec efficacité la production commerciale de ses vignes.
C’était à ne point douter une incontestable réussite qui marquait une solidarité légionnaire, là où la Légion, encore et toujours, appliquait un savoir-faire social en ne comptant surtout que sur elle-même…
More Majorum !
Commandant (er) Christian CM
(*) : Je ne saurais me permettre de m’attribuer seul le succès du vin de Puyloubier, chaque directeur à apporter sa contribution et Dieu sait que ce n’est pas tous les jours faciles… Ainsi le Lcl (er) Jean-Claude Pierron s’est-il attaché à mettre en place un véritable contact avec la cave coopérative assurant des assemblages qui changèrent les appréciations et le goût du vin légionnaire et le Lcl (er) Éric Hildebert qui a mise en place un impressionnant plan d’arrachage et de plantation des vignes. Tous ont contribués à faire du domaine « Capitaine Danjou » ce qu’il est aujourd’hui et nos réunions organisées, chaque année sous la « houlette » de Monsieur Maurice Clerc nous permettait avec beaucoup d’humilité de conseiller le directeur en place.