LA TRANCHEE ET LES OUVRAGES MILITAIRES AU TRAVERS DU TEMPS

Avec toute l’humilité de rigueur, n’étant pas un spécialiste de la stratégie, je vous propose un comparatif au fil des époques sur les positions défensives utilisées dans l’art de la guerre.

Le conflit russo-ukrainien a fait ressurgir des « monstres » du passé militaire mondial. Les guerres de positions de nos aïeux qui leur ont fait connaître les pires souffrances dans les réseaux de tranchées fortifiés, voient à nouveau le jour.

LES PREMICES DES OUVRAGES MILITAIRES

Si l’on remonte aux prémices de nos civilisations, Les fossés entourant le camp romain, ou les douves contournant le château fort, peuvent être considérés comme des sortes d'ancêtres pour les tranchées des guerres modernes.

Au XVIIe siècle, Vauban révolutionne la prise des places fortes en faisant construire des réseaux de tranchées autour de la citadelle. Dans ce cas, la tranchée n'a pas une vocation défensive mais offensive. En faisant appel à la fois « à la raison et à l'expérience », Vauban propose la création d'un régiment d'ingénieurs ou « régiment de la Tranchée », composé de compagnies d'ouvriers et de mineurs, dirigées par des ingénieurs. C'est la préfiguration de l'arme du Génie qui sera créée en 1791. Vauban applique ses idées de façon magistrale lors du siège de Maastricht (1673). Il fait creuser des séries de tranchées concentriques autour de la ville. Ensuite, il les recroise à angle droit par des tranchées dirigées contre la place forte, mais en zigzag, pour éviter les tirs par enfilade. Aux intersections, il établit des places d'armes pour l'artillerie et les troupes d'intervention. La ville sera prise en deux semaines.

Plan d’une fortification offensive imaginée par Vauban © Le parfait ingénieur françois-bnf

Un réseau élaboré de tranchées et de bunkers a été employé avec succès par les Maoris dès les années 1840 dans leurs pa[1] pour se protéger des armes à feu britanniques lors des guerres maories. Les pertes britanniques à la bataille d'Ohaeawai (en) en 1845 se montèrent à 45 %, prouvant qu'une puissance de feu supérieure ne suffisait pas pour venir à bout des défenseurs d'un système de tranchées.

La guerre de tranchée fut par la suite employée à une plus grande échelle lors de la guerre de Crimée (surtout avec le siège de Sébastopol), la guerre civile américaine (où les retranchements, même durant les batailles, sont de plus en plus systématiquement utilisés par la troupe sur des dizaines de kilomètres), la guerre russo-japonaise et la Seconde Guerre des Boers. L'accroissement de la puissance de feu et de la portée des fusils (et plus encore avec les armes automatiques) empêchent alors les déplacements tactiques des unités sur le champ de bataille et les obligent à s'enterrer pour se soustraire au feu ennemi. Cela engendre des positions statiques où les troupes peuvent tenir le terrain à une relative proximité des lignes adverses. Outre l'utilisation des armes individuelles et de l'artillerie en retrait, l'adjonction de défense (chevaux de frise, barbelés) gêne l'assaut ennemi et entraine une guerre de position où les deux belligérants se font face, sans parvenir à obtenir la décision.

LA GRANDE GUERRE – UN CHANGEMENT DE STATÉGIE

Mais c’est la Grande Guerre qui verra ces positions défensives subir un développement majeur à un tel point que le terme de « tranchées » est quasi synonyme de ce conflit dans le langage usuel.

Il s’agissait alors de répondre à certaines avancées technologiques qui rendaient les assauts frontaux beaucoup plus difficile. L'arrivée sur les champs de bataille de mitrailleuses et de tanks avait de quoi freiner les velléités des chefs et des soldats à partir à l’assaut des positions ennemies.

Mais ce choix contraint permettait aussi de palier à une stratégie d’une guerre courte et rapide plus que défaillante.

Après l’assassinat de l’Archiduc François-Ferdinand lors de l’attentat de Sarajevo, le 28 juin 1914, l’Europe s’embrase. Des alliances se font avec, d’une part, la Triple Alliance, composée de l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie, et d’autre part la Triple-Entente, composée de la Grande-Bretagne, la France et la Russie. Dès le mois d’août, des stratégies offensives sont proposées afin de réaliser une “guerre courte”.

En France, l’armée se base sur le plan XVII[2] du général Joffre, développé après la guerre franco-allemande de 1870. En Allemagne, le plan Schlieffen[3] consiste à écraser en à peine quelques semaines la France pour, ensuite, se consacrer à la Russie.

Cependant, la guerre de mouvement est un échec et l’enlisement du conflit se fait ressentir au front. Les Russes perdent à l’est lors des batailles de Tannenberg et des Lacs Mazures. À l’ouest, le bilan de la bataille de la Marne (6 au 11 septembre 1914) est effroyable :

-    21 000 Français tués ;

-    3 000 Britanniques tués ;

-    43 000 Allemands tués ;

-    des dizaines de milliers de blessés et de disparus.

À la suite de la Première bataille de la Marne, les deux armées tentèrent vainement d'attaquer le flanc des défenses adverses dans ce qui sera nommé « la course à la mer »[4]. Les armées n’arrivent pas à gagner du terrain. La guerre s’enlise et les soldats entrent dans une longue phase de guerre des tranchées.

Un réseau parallèle de tranchées s'établit alors de la Mer du Nord à la Suisse. Cette situation de blocage dura jusqu'à l'offensive du printemps 1918. Les deux armées étant de forces égales, les assauts frontaux, seule solution pour sortir de l'impasse, provoquèrent des pertes monstrueuses. Les batailles durant des mois ne furent pas rares mais aucune ne permit de débloquer la situation.

À la différence de celle de mouvement, où les unités se déplacent rapidement (aucun front fixe), la guerre des tranchées est la phase durant laquelle les opérations militaires sont statiques. Puisque les forces sont égales et les fronts continus, le mouvement est limité. Les armées optent pour un système défensif où plusieurs lignes de tranchées se font face et sont séparées par un no man’s land, signifiant littéralement “terre sans homme”. Il s’agit de l’espace situé après les barbelés entre les deux tranchées opposées.

Ainsi, des kilomètres de tranchées de la frontière suisse à la Manche, près de Nieuport, en Belgique, ont été creusés par les soldats. Cette situation de blocage est une véritable impasse qui mène à de longues années de guerre pendant lesquelles les soldats vivent ce que l’on appelle souvent l’enfer des tranchées.

Les tranchées marquent ainsi le début d’une nouvelle ère militaire : la guerre des positions. Inhospitalières, insalubres et dangereuses, elles accueillent tous les soldats qui gardent le front face à l’ennemi. Issu d’une doctrine défensive, le réseau des tranchées est un moyen de délimiter les deux camps. Cependant, cette stratégie entraîne également une paralysie totale du conflit et un épuisement des forces en présence.

C’est ainsi que des quantités innombrables d’hommes périrent en sortant de celles-ci pour monter à l’assaut dans un no man’s land truffé d’obstacles et battu par les feux de l’ennemi, car il y avait de part et d’autre un besoin impérieux de faire bouger les lignes de front engluées dans cette guerre statique.

Cette stratégie défensive s’installe dans la durée, toute une organisation se développe au fil de la guerre et l’on voit le développement de véritables réseaux de tranchées. Les Britanniques recommandent alors l’utilisation de 3 lignes parallèles reliées par des tranchées de communication :

-          La première ligne, composée d’abris et de postes de tir, est la plus exposée ;

-          La deuxième ligne, 70 mètres derrière la première, est utilisée pour se replier en cas de bombardements ;

-          La troisième ligne, aussi connue sous le nom de tranchée de réserve, se trouve à 150 mètres minimum de la première. Elle sert de ligne de stockage aux munitions, aux provisions… C’est aussi la ligne dans laquelle les soldats viennent se reposer.

Il peut également y avoir un deuxième réseau de tranchées derrière les premières. Les Allemands privilégient cette technique, notamment lors de la bataille de la Somme. Séparées de plusieurs kilomètres, leurs tranchées sont quasiment infranchissables par les ennemis qui souhaitent faire une percée. Les Allemands ont été jusqu’à fortifier leurs tranchées. Créées en béton armé et ventilées, elles sont plus adaptées à d’éventuelles retraites stratégiques.

LA DURCISSEMENT DES GUERRES DE POSITION ET LEUR ECHEC

Le second conflit mondial apporta en ce domaine de nouveaux éléments.

La France suite à la guerre de 1914-1918 érigea une ligne de fortification le long de sa frontière avec la Belgique, le Luxembourg, l'Allemagne, la Suisse et l'Italie de 1928 à 1940. Le long de la frontière franco-allemande, la ligne se compose d'un obstacle presque continu de barbelés, défendu par un tir croisé de mitrailleuses, elles-mêmes couvertes par de l'artillerie, le tout protégé par d'épaisses couches de béton et de blindage. La mission de ces fortifications était à l'origine de protéger le territoire français d'une attaque violente et rapide, laissant le temps à l'armée de terminer sa mobilisation. Elle se complète par d’autres ouvrages sur le territoire national[5].

La ligne Maginot est un dispositif complexe qui s'échelonne en profondeur sur différents niveaux depuis la frontière. La ligne n'est pas conçue de manière homogène et sa réalisation n'est en général pas conforme aux projets d'origine pour des raisons essentiellement budgétaires. Dans les parties les plus conformes aux projets initiaux (le secteur de Thionville en particulier), on distingue quatre parties distinctes :

-          la ligne des avant-postes, destinée avant tout à détecter une attaque brusquée et à la retarder un temps grâce à des dispositifs prévus (routes minées, barrières, notamment) pour laisser le temps à la « ligne principale de résistance » de se mettre en état d'alerte ;

-          la « ligne principale de résistance » à environ deux kilomètres derrière les avant-postes. Elle était matérialisée par un double réseau de rails antichars et de barbelés tout le long de la frontière, balayée par les axes de tir à la mitrailleuse des casemates, et couverte par les tirs d'artillerie des gros ouvrages ;

-          Les abris d'intervalles destinés à assurer la protection d'une partie des troupes combattantes à l'air libre. Il s'agit en fait de casernes souterraines équipées uniquement pour le combat rapproché ;

-          L'arrière du front comporte tous les équipements de soutien logistique : réseau de téléphone et d’électricité, routes et voies ferrées militaires de 0,60 m dérivées du système Péchot, dépôts de munitions, casernes de temps de paix, postes de commandement, etc.

Les victoires rapides des Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale montrèrent que les fortifications comme la ligne Maginot étaient inefficaces si elles pouvaient être contournées. Cela à tel point, que l'expression « ligne Maginot » est devenue synonyme d'une défense que l'on croit infranchissable, mais qui se révèle inefficace.

Toujours dans ce second conflit, les alliés occidentaux brisèrent le soi-disant mur de l'Atlantique à l'aide d'une combinaison de débarquements amphibies, de bombardements navals, de parachutages et d'attaques au sol. La combinaison de l'artillerie, de l'infanterie, du char et de l'aviation initiée par les Allemands fit que la guerre de tranchées ne pouvait plus avoir lieu comme ce fut le cas lors de la Première Guerre mondiale.

© wikipédia

La mobilité accrue des armées permettait de ne pas s'enfermer dans une guerre de positions. Cependant, elle réapparut lors des derniers combats de la guerre civile chinoise, pendant la guerre de Corée, la bataille de Diên Biên Phu et dans certains engagements de la guerre du Viêt Nam.

Mais à partir des années 1960, d’autres innovations ont rendu les tranchées beaucoup moins attractives. "Le recours à l'artillerie, à la couverture aérienne et plus tard l’imagerie satellite ont fait de ces lignes de défense statiques des cibles faciles à bombarder avant de lancer une offensive". On croyait donc ces vestiges du passé enterrés à jamais et relégués au titre des souvenirs douloureux. Même si durant la guerre froide, les forces de l'OTAN s'entrainaient à combattre dans des tranchées.

LE CONFLIT RUSSO-UKRAINIEN

Le conflit russo-ukrainien a vu renaître dans un premier temps ces méthodes passées avec tout d’abord un réseau de tranchées relativement sommaire dans son organisation générale, creusé par les ukrainiens pour leur permettre de résister le mieux possible au coup de boutoir initial de l’envahisseur russe sur son territoire. Les russes firent de même face au ralentissement net de leur avancée.

Néanmoins, en dehors de Bakhmout où les combats les plus violents ont fait rage, les soldats russes comme ukrainiens ne se risquent alors qu’assez peu à traverser le no man’s land se trouvant entre leurs tranchées respectives. Les combats sont essentiellement menés par l’artillerie qui ne s’arrête jamais de pilonner les positions ennemies. Les tirs de mortiers, de canons, de lance-missiles et même de chars rythment les journées dans les régions occupées par les Russes. On estime qu’environ 20 000 obus sont tirés chaque jour côté russe, contre 6 000 à 7 000 du côté ukrainien.

Il s’agit donc de se protéger au mieux et d’harceler l’ennemi à chaque fois que cela est possible.

Puis quelques mois plus tard face à la quasi immobilité du front entre mars 2022 et 2023, mais aussi aux pertes très importantes subies, la milice Wagner puis l’armée russe ont décidé de construire un réseau défensif de fortifications beaucoup plus important afin de se prémunir d’une contre-offensive ukrainienne probable et annoncée.

La Russie a alors achevé une impressionnante ligne de défense sur 800 km pour se préparer à une éventuelle contre-offensive ukrainienne. Le système de fortification choisi semble tout droit sorti d’un livre d’histoire sur la Première ou Seconde Guerre mondiale. Elle a été comparée à la ligne Siegfried[6] de défense fortifiée construite par les Allemands dans les années 1930 près de la frontière française, ou encore à la ligne Gothique[7] édifiée par les nazis en Italie à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le vaste système de défense que la Russie a mis en place en Ukraine ces derniers mois, a même été qualifié de ligne Maginot moderne.

© Franceinfo

L’édification russe impressionne les analystes militaires contemporains. Cette ligne russe de défense serait “formidable”, d’après une note des services de renseignement britannique. Des alentours de Kharkiv à Kherson, l'issue de la contre-offensive de l’armée ukrainienne dépendrait en grande partie de sa capacité à franchir cet obstacle, censé protéger les acquis russes de la guerre.

C’est dire si ces 800 km, qui s’étendent sur un axe allant de l'est au sud de l'Ukraine, jouent un rôle crucial dans le déroulement du conflit en cours. Sa construction a démarré juste après la contre-offensive ukrainienne à Kharkiv, à la fin de l’été 2022. Ce n'est pas une ligne sans interruption. « Il faut s’imaginer une succession d’îlots fortifiés pouvant couvrir des dizaines de kilomètres pour protéger des points importants pour les Russes, mais avec des trous entre chaque tronçon de cette ligne » d’après Sim Tack.

La continuité est plutôt à rechercher dans la manière dont les Russes ont organisé ces défenses. Il y a toujours une première zone minée, puis des centaines de “dents de dragon” – des sortes de cônes en béton posés sur le sol pour ralentir l’avance des tanks –, ensuite des tranchées d’où l’artillerie russe est censée tirer, et enfin une dernière ligne légèrement surélevée où sont aménagés des abris supplémentaires – tels que des bunkers low-cost – pour des renforts. Ce n’est pas forcément toujours dans cet ordre, mais ces mêmes éléments sont toujours présents.

Ces défenses n’ont pas non plus la même profondeur tout au long de la ligne des fortifications russes sur une longue ligne ininterrompue et unique entre Koupiansk [région de Kharkiv] et Sievierodonetsk, qui n’est pas sans rappeler la ligne Maginot. En revanche, plus au sud, ce sont de multiples îlots depuis la ligne de front et la région de Zaporijjia. Il s'agit notamment de trois lignes parallèles de 120 km de long qui descendent jusqu'à la mer d'Azov. “C’est un système de défense beaucoup plus dense dans la profondeur qui est censé s’assurer que même si les Ukrainiens passent le front, ils seront ralentis tout au long de leur avancée vers la Crimée”, toujours d’après une analyse de Sim Tack.

© BBC

DES OUVRAGES D’UN AUTRE GENRE DANS LE CONFLIT ALGÉRIEN

Dans l’histoire militaire il y eu d’autres types de dispositifs qui avaient sensiblement les mêmes buts à la différence près qu’il ne s’agissait pas de se protéger d’un ennemi lourdement équipé (véhicules, chars).

Progressivement l’Algérie se trouva enfermée entre deux barrages, souvent appelés “lignes Morice”, du nom du ministre de la Défense nationale de l’époque. Pour être plus précis il s’agissait de la ligne Morice entre l’Algérie et la Tunisie, le ligne Pédron entre l’Algérie et le Maroc. En principe, c’était pour empêcher les passages d’armes et de combattants en provenance de Tunisie à l’Est ou du Maroc à l’Ouest. Mais c’était aussi le couronnement de la politique générale : “enfermer et punir” les villes et villages, les campagnes (zones interdites, regroupements), et puis logiquement, le pays tout entier. Travail commencé en août 1956, achevé pour l’essentiel en 1958, mais prolongé et perfectionné jusqu’en 1960.

La ligne Morice courait le long de la frontière entre l'Algérie et la Tunisie sur 460 km de la Méditerranée aux confins sahariens, afin de couper les combattants de l'Armée de libération nationale (ALN) de leurs bases à l'étranger. Elle a été la première ligne de défense française durant la bataille des Frontières[8].

Barbelée, électrifiée, minée et surveillée en permanence, elle a rempli son rôle. La ligne Morice a été partiellement doublée par la ligne Challe en 1959. On estimait qu’environ onze millions de mines terrestres avaient été placées, principalement sur les lignes Morice et Challes, mais également dans quelques zones à l'intérieur du pays.

Cartographie de la ligne Morice et de la ligne Challe

Ces barrages étaient un ensemble d’obstacles redoutable d’abord par sa largeur : de 100 mètres à plusieurs kilomètres suivant les endroits. On y trouvait au centre, souvent une route et une voie ferrée, et toujours une piste de surveillance utilisée par les véhicules blindés des patrouilles faisant « la herse ». Et des deux côtés (vers l’extérieur et vers l’intérieur) une haie renforcée non minée, puis un réseau intérieur de barbelés miné, une piste technique longeant la clôture électrifiée, puis encore un réseau extérieur miné, et enfin un grillage destiné à tenir les animaux à l’écart.

Cet obstacle n’était pourtant pas absolument infranchissable : on pouvait faire sauter les réseaux de barbelés et les mines au moyen de tubes remplis d’explosifs appelés bangalores, et sectionner la clôture électrifiée avec des pinces coupantes à poignées isolantes. Mais l’interruption du courant dans la clôture était immédiatement signalée et localisée par les stations de contrôle technique, ce qui déclenchait l’intervention rapide des patrouilles de la herse sur place, et le bouclage de la zone du franchissement par les troupes du secteur et par les réserves du corps d’armée ou par les réserves générales, avec l’aide des hélicoptères et l’appui de l’aviation.

C’est pourquoi les franchissements étaient beaucoup plus difficiles à réussir de l’extérieur vers l’intérieur que dans l’autre sens (tout au moins là où le barrage était proche de la frontière) ; et le doublement de la ligne Morice par la ligne Challe en aggravait énormément la difficulté en enfermant ceux qui avaient réussi à franchir le premier obstacle dans une nasse.

C’est d’abord à la frontière marocaine que fut expérimentée le premier barrage, sous l’autorité du général Pédron, commandant le corps d’armée d’Oran. Dès le mois de juin 1956, un simple réseau de barbelés fut construit entre la frontière et la route nationale n° 7, dans le secteur côtier. Renforcé à partir de novembre 1956, il fut perfectionné par le minage et par l’électrification (réalisée sur 10 km en janvier 1957).

Construit sur le même modèle que la ligne Morice, il est pourvu de réseaux électrifiés et de postes de surveillance. Il s’intègre au dispositif de défense des Hauts Plateaux, fournissant de bons postes d’observation aux troupes françaises sur la région au sud d’Oujda. Il pique ensuite vers le sud-est depuis El-Aricha (vers le djebel Antar et Méchéria) pour rejoindre la route et la voie ferrée Oran-Colomb-Béchar. Il aborde la partie la plus exposée de la frontière marocaine aux approches d’Aïn Sefra. Le relief, en venant du Maroc, s’enfonce vers le nord-est en Algérie, offrant ainsi un axe de pénétration aux katibas de l’ALN. Le terrain de cette zone étant accidenté, il constitue une voie d’accès privilégiée. Raison pour laquelle le réseau électrifié est doublé, voire triplé.

Ensuite, par Mograr, Djenien-Bou-Rezg, Duveyrier, il serpente dans le Sud-Ouest avant de retrouver la frontière face à Figuig et au saillant marocain pour s’arrêter au sud de la ville, à la limite du Grand Erg occidental.

La construction de cet ouvrage – achevé à la fin de l’année 1957 – s’étire sur plus de 500 kilomètres, car il a fallu épouser au mieux les reliefs. Cependant, le couple radar-canon s’étant montré insuffisant pour empêcher les franchissements, l’électrification est décidée en 1958 et sera effective à la fin de l’opération Jumelles en 1959.

Le barrage est d’une efficacité redoutable – sans être totalement étanche – ; il contribue notamment à tarir l’approvisionnement des willayas à partir du Maroc.

 Major (er) Jean-Michel Houssin.

Source

-          https://www.france24.com

-          https://www.franceinfo.com

-          https://www.museedelagrandeguerre.com

-          https://defense-zone.com

-          Wikipédia

-          http://guy.perville.free.fr

 

 

[1] Une pa (en maori pā) est un village maori fortifié, datant généralement du XIXe siècle ou avant. Le même terme sert à désigner les fortifications rencontrées sur certaines îles de Polynésie française, en particulier à Rapa.

[2] Le plan XVII est un plan militaire de l'Armée française préparé en 1913, applicable à partir du 15 avril 1914 et mis en œuvre le 2 août de la même année, au déclenchement de la Première Guerre mondiale. Il doit son nom au fait d'être le 17e depuis la fin de la guerre franco-allemande de 1870.

Il s'agit d'un plan de mobilisation et de concentration des forces françaises. Il prévoit l'augmentation massive des effectifs grâce à l'arrivée des réservistes (c'est la mobilisation), puis le transport par chemin de fer des troupes (la concentration), sous la protection des unités frontalières (la couverture). La majeure partie du corps de bataille est envoyée le long des frontières franco-belge et franco-allemande (de Givet à Belfort), avec une variante pour faire face à une invasion de la Belgique par les armées. Le plan est mis en œuvre sous les ordres du commandant en chef français, le général Joffre. Il implique des offensives françaises en Haute-Alsace (à partir du 7 août), sur le plateau lorrain (à partir du 14 août) et dans l'Ardenne belge (à partir du 21 août), toutes vouées à l'échec.

[3] Le plan Schlieffen (der Schlieffenplan) est un plan militaire datant de 1905, qui a été appliqué sous une forme modifiée par les armées allemandes au tout début de la Première Guerre mondiale.  Les idées maîtresses de ce plan sont d'abord de concentrer le gros des armées allemandes le long des frontières occidentales du Reich en n'assurant qu'une protection minimale à l'est face au danger russe. Ensuite, une attaque à travers le Luxembourg et la Belgique contournerait, par le nord, toutes les forces françaises massées le long de la frontière franco-allemande. L'aile droite marchante allemande pivoterait vers le sud pour prendre Paris et enfin encercler les troupes françaises. Ce plan implique l'obtention d'un droit de passage par la Belgique ou, à défaut, le passage en force avec violation de la neutralité belge. Sa mise en application au tout début d'août 1914 a donné l'occasion aux armées allemandes de remporter la bataille des Frontières (du 7 au 23 août), mais le plan n'a pas permis d'emporter la décision avec la mise en échec des forces allemandes lors de la bataille de la Marne (du 6 au 9 septembre).

[4] La course à la mer est la dernière étape de la guerre de mouvement au début de la Première Guerre mondiale. À l'issue de la bataille de la Marne, les belligérants tentent des opérations de débordement réciproques et entament vers le nord-ouest du front, à partir du 12 septembre 1914, à travers les départements de l'Oise, de la Somme, du Pas-de-Calais, du Nord et par la Belgique une « course à la mer », qui fixera le front de la Suisse à la mer du Nord en décembre.

[5] Les défenses contre l'Italie forment la « ligne alpine » (dans le théâtre d'opérations du Sud-Est). S'ajoutent également les fortifications de la Corse, de la Tunisie (la ligne Mareth) et d'Île-de-France (la ligne Chauvineau).

[6] La ligne Siegfried d'origine (Siegfried-Stellung) est une des zones de la ligne Hindenburg construite par l'Allemagne en 1916 et 1917, pendant la Première Guerre mondiale. Cependant, en français, le terme de « ligne Siegfried » se rapporte plus couramment à la ligne de défense similaire de la Seconde Guerre mondiale, construite dans les années 1930 en face de la ligne Maginot. Cette seconde ligne de défense était appelée Westwall par les Allemands.

[7] En 1944, vers la fin de la Seconde Guerre mondiale, lors de la campagne d'Italie, la Ligne gothique désignait une ligne de fortifications organisée par le Maréchal Kesselring, au moment de la retraite des troupes allemandes. Située le long des Apennins, dans le nord de la péninsule, elle avait pour but de stopper la progression des armées alliées du général Alexander.

[8] La bataille des Frontières, ou bataille du barrage, est l'ensemble des opérations militaires menées principalement sur la frontière algéro-tunisienne pendant la guerre d'Algérie, du 21 janvier au 28 mai 1958.