Pensez à proposer à nos camarades en difficulté, l'une de nos maisons d'hébergement

de Puyloubier et d'Auriol !

A notre époque, un phénomène assez répandu agace profondément : nous changeons les noms des choses, pour faire bien, plus humain, et considérer dans le même temps avoir à peu près résolu les problèmes liés aux choses désignées par les anciens vocables. C’est ainsi pour les sourds que l’on nomme malentendants, pour les aveugles que l’on traite de malvoyants, comme si les nommer de la sorte amoindrissait leur mal. C’est devenu une calamité quelquefois prévue même par la loi. Les forces de l’ordre arrêtent l’assassin en flagrant délit de commission de son crime mais il ne sera que le « présumé assassin » ! De même pour les SDF. Auparavant nous les appelions « clochards », simplement, mais c’est devenu péjoratif, alors on leur a substitué SDF qui ne veut pas dire Sans difficultés financières, mais bien Sans domicile fixe… toutefois il est vrai, dans ce dernier cas, qu’au clochard « professionnel » est venu s’opposer le clochard par hasard économique lié au chômage, au démantèlement familial… j’en passe et des pires !

Voici déjà bien des années, un de mes camarades du peloton d’élèves sous-officiers, est parti à la retraite comme sous-officier supérieur. Issu d’une famille propriétaire d’une importante maison d’édition pour la jeunesse, en Belgique, divorcé, devenu alcoolique, il n’osait plus se montrer ni à sa famille ni à ses vieux camarades, tant le flamboyant parachutiste, beau gosse de naguère, était devenu l’ombre de lui-même, à notre grand désarroi. Il n’osait regarder sa propre image et s’est réfugié dans ce qu’il croyait être l’anonymat de la « cloche ». Le montant de sa pension d’adjudant-chef disparaissait en achats de boissons qui allaient accélérer sa fin. Une sorte de suicide lent… Il s’est fait clochard par choix, guidé par la honte de sa déchéance. Etait-il un SDF ? Non, il était, par choix, clochard. Et cela est le plus dur à accepter. Nous voulons faire preuve de solidarité, aider nos frères humains à sortir de cette ornière, mais le veulent-ils toujours ? le texte qui suit explique un peu l’inexplicable…

 

« Je serais presque inquiet, que se passe-t-il, que m’arrive-t-il ? J’étais mieux avant, le bien-être me serait-il intolérable alors que, depuis des d’années j’étais devenu un habitué des situations misérables ? J’ai le sentiment qu’il est vraiment trop difficile de se retrouver brusquement sans autre souci que celui de se laisser vivre, c’est presque insupportable…

La misère, c’est une sorte de glissement incontournable, une aspiration vers le bas, qui vous entraine impuissant dans une noyade marginale, de celles qui vous font vivoter en marge d’une société indifférente à votre sort… Un trou, où les seules plaisirs sont de vrais poisons: l’alcool et toutes ses dérives, laisser-aller, paresse, drogue, malnutrition, maladie. Pour y échapper, seule l’errance apporte une fragile ébauche, passagère, de solution. En fait, on s’enfonce un peu plus dans une position sans lendemain. Alors, il arrive un moment où plus rien n’a réellement d’importance, vivre autrement semble inconcevable, la bascule vient de se faire, vous respirez là où vous êtes, à la recherche d’une petite pièce de monnaie. Mendicité qui se fait sans complexe auprès de ces personnes venues d’un autre monde qui passent devant vous, sans un regard ou pire, affichant ostensiblement leur mépris. Heureusement, certaines d’entre elles, emportées par un sursaut de pitié salutaire, vous accordent leur obole providentielle, un os pour le chien.

Le sentiment de fierté et le besoin de dignité qui dans une vie antérieure marquaient ma manière d’être n’existent plus, je n’ai plus d’autres ambitions et motivations que celles d’offrir à mon corps épuisé ses litrons de « pinard ». Exercice parfois périlleux compte tenu de la concurrence, mais seule et unique préoccupation qui m’enlève toutes illusions de liberté, nourrir mon alcoolisme est devenu une obsession permanente et ma raison de vivre.

Quand il m’arrive de rencontrer ces étranges animaux que sont les humains, je note que certains veulent me venir en aide et souhaitent me « sortir de là », comme ils disent. Je réalise alors, toujours et bien vite, à leur contact, que leur marché propose, une insupportable conduite, celle de reprendre ma vie d’avant, celle qui m’a poussé à vivre assis, à regarder circuler les inconnus d’en bas. La loi de la nature est sans concession, je connais même des groupes de jeunes, filles et garçons de ma condition, qui arpentent souvent avec leurs chiens la « civilisation », pauvres victimes d’un système social inadapté qui n’a pour eux aucun sens. »

Ainsi s’exprimait il y a quelques années un de nos camarades « homme sans nom » que je surnomme « Paul ».

Il y a 10 ans, « Paul» avait quitté la Légion après 16 ans de service. Retraité, il faisait, sans y penser, de sérieuses économies en refusant de toucher un seul « sou » de sa pension de caporal-chef… comme le disait Saint-Ex : « nous sommes responsables de l’animal que nous apprivoisons »…

Paul s’est éteint de mort naturelle dans la rue, ses médailles dans la poche…

Pensez à proposer à nos camarades en difficulté l’une de nos deux maisons d’hébergement de Puyloubier et d’Auriol !

CM