L’Ordonnance du Roi Louis-Philippe du 29 juin 1835 prescrivit que la Légion Etrangère cessait de faire partie de l’armée française et passait au service de l’Espagne.

Le 27 juillet 1835 fut le jour de la signature du procès-verbal de cession entre les deux Commissaires des Gouvernements respectifs.

Après des violents combats en janvier 1836, le colonel Bernelle est élevé au grade de colonel-major dans l’armée espagnole, soit général dans l’armée française ; le général Cordoba, général en chef, écrit dans son rapport au ministre de la Guerre Almodovar : ‘’La Légion auxiliaire française est une troupe admirable, et le général Bernelle un chef digne de la commander’’.

Sur les hauteurs de Larasoana, non loin du hameau abandonné de Terapeguin, à mi-côte du versant, s’élèvent quatre pans de murailles ; le général y établit le poste de commandement des forces sorties de Larasoana dans un blockhaus qu’il fait construire dans ces ruines.

 

Du 24 au 26 avril 1836 : le général Bernelle est averti par ses espions qu’un important parti carliste fait mouvement du côté de Zubiri, à quelques kilomètres de ses positions. Ordre est donne au 4e Bataillon, commandé par le lieutenant-colonel Magnier, de se porter sur le passage de la colonne ennemie, avec pour mission : interception et destruction.

  • A cette bataille de Terapeguin près de Pampelune, l’armée royale bat en retraite et laisse la Légion sans aucun soutien ; seuls, les officiers de la Légion se rappellent des nobles paroles du généralissime espagnol Cordoba.
  • 1 000 légionnaires se heurtent à 3 000 Carlistes et leur tiennent tête.
  • Le temps est abominable. Un déluge de grêle, de neige fondante, de givre glacial déferle des derniers contreforts des Pyrénées sur les hauts plateaux espagnols.
  • Le général donne l’ordre de couper les broussailles et d’abattre les sapins qui favorisent l’approche et l’établissement de l’ennemi entre la crête et Terapeguin.
  • Les tirailleurs ennemis sont contenus par la compagnie des voltigeurs du capitaine Roux
  • Le 26 avril, vers midi, la fusillade est plus vive que les jours précédents ; trois compagnies de légionnaires sont embusquées à droite et à gauche du blockhaus, avec l’ordre formel de rester sur la défensive. Mais les légionnaires se laissent entraîner par leur ardeur ; les compagnies s’engagent contre des forces très supérieures.
  • Dans la bourrasque, les voltigeurs de la compagnie de tête du capitaine Aneth se hissent le long de la colline, abordent le plateau. En face d’eux, une petite ferme, la borda Fernandorena. Une bâtisse noire et solitaire qui ajoute au sinistre du paysage.
  • Le capitaine Aneth, guère rassuré par cet endroit, fait aligner en ligne ses légionnaires. A peine les premiers légionnaires atteignent-ils les abords de la ferme qu’une salve nourrie les accueille.
  • En même temps, masqué par la tempête, surgit d’un bois un escadron de lanciers carlistes qui prend les légionnaires de flanc. C’est aussitôt la mêlée. Les légionnaires font face ; mais les fantassins, embusqués dans les bâtiments voisins les fusillent presqu’à bout portant. Les pertes sont terribles.
  • Le général reconnaît la nécessité de les soutenir ; il se porte sur les hauteurs pour juger de ses propres yeux de ce qui se passe. Il ignore encore l’arrivée de plusieurs bataillons ennemis dans la vallée de l’Ulzama. Il est bientôt persuadé qu’il aura à tenir tête à un attaque très sérieuse. Il appelle de Larasoana toutes les troupes dont il peut disposer, sans compromettre la sûreté de son quartier-général.
  • Les Carlistes mettent en ligne trois de leurs bataillons ;
  • Le général réussit à les contenir avec les compagnies qui se tiennent sur les hauteurs.
  • La première section de la compagnie est complètement encerclée par les cavaliers. Son chef, le sergent Samuel-Benoît Berset fait face comme un lion. Plusieurs fois, il fait donner l’assaut contre les chevaux, à la baïonnette. Mais les légionnaires de la compagnie du capitaine Aneth sont trop inférieurs en nombre. Les rangs s’éclaircissent ; le sergent attaque encore et son sabre creuse des créneaux dans les lanciers. Ils reculent parfois, reviennent furieux. Le sergent taille en pièces.
  • Soudain un hurlement domine le fracas des armes, le sifflement de la tempête : Hourrah : En avant ! C’est les restes des 4e et 5e Bataillons, commandés par les capitaines Dumesgnil et Ferrary, qui surgissent au pas de course et prennent pied sur le plateau. Ce renfort n’élève pas à 1 000 hommes les troupes que le général a sous la main. Une compagnie espagnole du génie et quatre obusiers de montagne montent aussi à Terapeguin. L’ennemi, vigoureusement attaqué à la baïonnette, est refoulé sur la crête, jusqu’à la lisière du bois de sapins, dans lequel ses réserves sont massées : le bois est aussitôt sillonné d’obus. La fermeté des légionnaires est bientôt mise à l’épreuve. Les Carlistes, renforcés par deux bataillons accourus d’Esain et d’Erice, se ruent par trois fois sur les lignes du général et par trois fois, ils sont repoussés.
  • C’est la bataille au corps à corps. On se fusille à brûle pour point. Le lieutenant Ferrandi, entouré d’ennemis, périt glorieusement les armes à la main.
  • Le général Bernelle, vivement pressé, doit personnellement combattre pour se dégager. Soixante sapeurs de la Légion, d’un mouvement spontané, lui font un rempart de leurs corps. Vingt-deux restent sur le champ de bataille, tués ou grièvement blessés.
  • L’artillerie sous le commandement du lieutenant Rousset fait des merveilles ;
  • La compagnie espagnole du génie, embusquée sur la gauche des Carlistes, leur cause beaucoup de mal.
  • L’ennemi se retire de nouveau sur la crête après ces charges successives tandis que la Légion conserve les positions gagnées sur les Carlistes.
  • Le général attend la fin du jour pour se retirer dans Larasoana. Il dispose ses troupes en échelons. Le 4e Bataillon reçoit l’ordre de s’établir et de rester sur sa position, pendant que le 3e se retire en combattant. La retraite du 3e est très brillante mais le 4e, au lieu de tenir ferme, suit le mouvement rétrograde avec trop de précipitation compromettant un instant le succès de la journée. L’ennemi tente un dernier effort sur toute la ligne du général mais les troupes font volte-face et ouvrent un feu terrible sur les premiers bataillons des Carlistes, décimés par la mitraille. Un retour offensif du 3e Bataillon met fin au combat. L’arrivée du 2e Bataillon, parti d’Urdaniz, sous le commandement du capitaine Meyer, ralentit l’ardeur de l’ennemi et d’ailleurs la nuit approchait.
  • Les Carlistes comprennent qu’ils n’ont plus le dessus. Ils ne restent désormais sur la crête que le temps nécessaire pour relever leurs blessés et enterrer leurs morts ; Ils se replient aussitôt pendant la nuit dans leurs cantonnements de l’Ulzana.
  • Incrédules, les légionnaires découvrent le corps du sergent Berset, tué de vingt-deux blessures : quinze coups de baïonnette, trois coups de lance, deux coups de sabre.
  • Fous de rage, ses camarades jurent de le venger. Ils se lancent à la poursuite des ennemis qui s’égaient sur les pentes du Zubiri. Leur furie est si grande qu’ils les rattrapent.
  • Riposte espagnole : ils font brûler vifs cinq légionnaires qu’ils avaient capturés et réussi à emmener avec eux.
  • Le général Bernelle, de retour à Larasoana à 7 heures du soir, s’assure de la sécurité de son quartier-général par ses avant-gardes et par des réserves prêtes à se porter sur les points menacés.
  • C’est une des plus brillantes victoires de la campagne mais les corps des quatre-vingt-dix légionnaires tués ou blessés parsèment le champ de bataille, dont celui de Ferrandi, officier.
  • La Légion étrangère a montré sa supériorité sur les troupes de Don Carlos ; deux de ses généraux les plus renommés, Garcia et Tarragual, s’étaient engagés à occuper Larasoana. A la tête de huit bataillons de Navarre forts de 5000 hommes dont les 2/3 ont pris part aux combats, la Légion étrangère a dû lutter pendant 6 heures, souvent à l’arme blanche contre des forces quintuples qui durent se retirer, après avoir complètement échoué dans leur entreprise.
  • Les Carlistes ont perdu dans cette journée 80 tués et 200 blessés, la Légion a de son côté 20 tués et 70 blessés.
  • Le vice-roi de Navarre, le baron de Meer, est resté en réserve près de Pampelune avec sa division de 3 500 hommes ; à la fin des combats, il adresse ses félicitations au général Bernelle qui n’apprécie pas l’attitude du vice-roi pendant ces combats.

  • Cependant, le général Bernelle, légèrement blessé d’une balle au bras, reçoit le témoignage éclatant de la reine régente Marie-Christine qui lui attribue le grand-cordon de l’ordre d’Isabelle la Catholique ; le général reçoit également l’insigne de chevalier de l’ordre de Saint-Ferdinand 4e
  • La journée fût fertile en combats héroïques. Le général cite pour des actes de bravoure le lieutenant-colonel Horain, chef d’état-major, et Patricio de la Escassura, sous-chef d’état-major, qui tout en combattant l’un et l’autre à des postes les plus dangereux, secondaient le général par leurs dispositions intelligentes ;
  • Le lieutenant Emile Bernelle, officier d’ordonnance, qui eût un cheval tué sous lui ;
  • Don Gabriel Lauz de la Burnago, lieutenant commandant la compagnie de génie espagnole,
  • Capitaine Romero,
  • Brandoly, capitaine-adjudant-major du 4e Bataillon :
  • Lieutenant Rousset, commandant l’artillerie de la Légion, blessé au bras droit, qui fit preuve, ainsi que son sous-lieutenant Reik, d’un courage et d’un dévouement sans bornes ;
  • Ferrary, commandant le 3e Bataillon, qui donna une nouvelle fois de sa valeur entraînante en chargeant te culbutant, trois fois à la tête de ses compagnies, des forces très supérieures, avec une remarquable impétuosité ;
  • Tous les officiers et sous-officiers ci-après sont également décorés sur le champ de l’ordre de Saint-Ferdinand 1ère classe :
  • Gauez et Bellando, capitaines, grièvement blessés ;
  • Lapoter et Daceto, capitaines, grièvement blessés, à la tête de leurs compagnies lors d’un retour offensif ;
  • Pierreschi et Mongin, lieutenants,
  • Buskievig, sous-lieutenant, grièvement blessé,
  • Lieutenants promus capitaines : Wirbinski, Jusseau, Coppée, Gottchalk,
  • Sous-lieutenants promus lieutenants : Boussard, Abaytua, Vermeil, Lemonnier,
  • Sous-officiers promus sous-lieutenants : Destez, Bettin, Bettini, , Bravard, Courvoisier.
  • Plusieurs autres sous-officiers et soldats reçurent la décoration d’Isabelle II.

Jean BALAZUC P.P.P.P.

Mars 2023

 

Sources principales:

La Légion, Grandeur et Servitude – Historama – N° spécial H.S.3 - XI.1967

La Légion Etrangère – Voyage à l’intérieur d’un corps d’élite – John Robert Young et Erwan Bergot – Editions Robert Laffon - 1984.

Histoire de la Légion de 1831 à nos jours – Capitaine Pierre Montagnon – Pygmalion – 1999.

Histoire de la Légion Etrangère – 1831-1981 - Georges Blond – Plon – 1981.

La Légion – Erwan Bergot – Imprimerie Delmas – 1972.

Histoire de l’ancienne Légion Etrangère créée en 1831, licenciée en 1838 de J. Bernelle

Site du Mémorial de Puyloubier

 

Aneth, capitaine de la Légion Etrangère en Espagne, commandant la compagnie de tête du 4e Bataillon à Zubiri le 26.04.1836.

 Bernelle Joseph Jean Nicolas, né à Versailles le 05.10.1785 ; il entre au Prytanée militaire de Saint-Cyr en 1801 ; sous-lieutenant en 1803 ; de 1806 à 1809, il participe aux campagnes d’Italie ; il fait les campagnes de Saxe puis de France avec Napoléon 1er ; capitaine de la Garde impériale, chef de bataillon en demi-solde en 1915 ; en 1818, il entre dans la Légion Etrangère ; réintégré en 1820 ; réformé en 1824, il reprend du service en 1826 en Afrique ; en août 1832, il est détaché au commandement de la Légion Etrangère ; détaché au 1er B.I.L.A. le 05.02.1833 ; colonel le 09.04.1833, il est nommé à la tête de la Légion Etrangère : chef rigoureux, féru d’une discipline stricte. Il s’illustre contre les Hadjoutes dans la Mitidja puis dans la défense de Koléa en septembre 1833 ; commandeur de la Légion d’Honneur le 15.08.1835, nommé maréchal de camp, il commande la Légion Etrangère en Espagne en 1835-1836 ; pour estomper les rivalités nationales constatées notamment à La Macta, il décide un brassage total au sein des unités lors de l’escale du quarantaine médicale des Baléares ; il est alors replacé dans l’armée française comme colonel le 03.11.1836 ; le 04.12.1836, il commande les troupes stationnées à Bône ; il conduit une colonne de renfort sur Constantine ; désigné au commandement supérieur de Constantine en octobre 1837, il retrouve son titre de maréchal de camp le 11.11.1837 ; il commande ensuite une brigade de la division d’Alger ; général commandant la division d’Oran en 1839. Suite à une mésentente avec le Maréchal Sylvain Valée sur la politique militaire à tenir, trop ferme dans l’application du traité de la Tafna vis-à-vis de l’Emir Abd el-Kader, il est relevé de son commandement. Il rentre alors en France pour commander le département de l’Hérault puis celui du Loiret en 1846 ; le 06.10.1847, il est affecté à la section de réserve puis il est mis en position de retraite le 30.05.1848, après 44 ans de services ; décédé le 07.01.1871 à Paris.

Berset Samuel-Benoît, ancien des régiments suisses de la Restauration ; sergent de la Légion Etrangère en Espagne ; chef de la première section de la compagnie de tête du 4e Bataillon à Zubiri le 26.04.1836 ; plusieurs fois, il fait donner l’assaut contre les chevaux des Carlistes, à la baïonnette. Tué par vingt-deux blessures : quinze coups de baïonnette, trois coups de lance et deux coups de sabre.

Cordoba, généralissime espagnol de l’armée royale en 1835.

Ferrandi, officier de la Légion Etrangère, tué le 26.04.1836 à Terapeguin.

Magnier, lieutenant-colonel commandant le 4e Bataillon de la Légion Etrangère en Espagne en 1836. Il participe à l’engagement de Zubiri le 26.04.1836.