Petite anecdote: Pyc sous le nom de Perales était à cette époque ce que nous appelions un "fout-fout" (encadrement de jeunes sortis de l'instruction avant un peloton de caporal).

 

"J’étais en pleine période d’instruction pour quatre longs mois interminables, incontournables, pour faire de moi un légionnaires apte à servir en tous lieux et en toutes circonstances selon la formule parfaitement adaptée à notre condition d’engagés volontaires …

L’imposante citadelle dominait la baie et le port de Bonifacio, elle hébergeait le Régiment d’Instruction de la Légion Etrangère depuis son retour d’Algérie.

Port de Bonifacio et citadelle - huile sur toile par PyC

Chaque lundi matin, inscrit à l’ordre du jour, avait lieu un exercice régimentaire de défilé en tenue « 46 », mais cette fois-ci, nous étions en tenue de combat avec armes et bagages puisqu’à l’issue, notre section était programmée à rejoindre le champ de tir, vaste terrain situé à quelques kilomètres en pleine nature hostile d’un maquis corse très peu fréquenté par la population locale.

Au moment du départ, l’adjudant Walter Kampmeyer, animé probablement du plus pur des hasards, fait fixer sur mon sac un petit paquet très léger précisant que je devais le lui remettre en mains propres dès notre arrivée à destination.  

Et c’est ainsi que nous étions partis, cœurs vaillants, au pas de course derrière le légionnaire porte-fanion, le temps d’arriver éreintés et sans souffle pour installer avant la nuit tombante notre bivouac.

Après l’appel du soir, je reçois l’ordre de me présenter à la première heure, le lendemain matin, devant ce qui servait aux cadres de « popote », une petite maison de bergers en pierres qui offrait malgrè son aspect grossier le confort dune cheminée très appréciée en hiver.

Au première lueur de l’aube, je me présentais devant ce « mess » insolite. Sortant, sans attendre de la petite maison, l’adjudant me tend une musette à l’intérieur de laquelle se trouvais une serviette blanche et me demande de le suivre immédiatement. Après une bonne heure de marche difficile à travers bois et maquis, nous arrivons à l’entrée d’un croisement de talwegs où s’accouplaient deux petits ruisseaux gorgés d’une eau turbulante qui les transformait en petits torrents. C’est le moment choisi par mon chef de section pour retirer de la musette une petite canne à pêche téléscopique et accrocher un ameçon au bout duquel se tortillait un petit ver de terre. Remontant le ruisseau, le pêcheur opportuniste me demande d’enlever de ma tête mon béret et m’impose de ne plus bouger de l’emplacement où je me trouvais.

Revenu de son escapade, l’adjudant exibait fièrement six belles truites qu’il mis dans la musette enveloppées de la serviette blanche.

Sur le chemin du retour, bérets vissés sur notre tête, au moment où nous arrivions au campement, il me demandait : « Aimes-tu les truites grillées au feu de bois ? ». La question me surpris, néanmoins je lui dis que : « jamais au grand jamais il ne mettait venu, dans ma vie antérieure à la Légion, l’opportunité d’une telle dégustation… ».

Il était midi et je retrouvais ma section au bivouac.

Pendant la pause déjeuner, je reçois l’ordre de me rendre immédiatement à la « popote ». Intrigué, surpris, un sergent m’attendait et me remettait une assiette dans laquelle se trouvait une magnifique truite bien cuite en me disant que c’était pour moi, de la part de l’adjudant; je devais la manger sur place et ensuite rejoindre mes camarades.

Encore aujourd’hui je reste imprégné d’estime et de considération pour ce chef au carisme exceptionnel, un de ces seigneurs qui méritent à ne pas douter le titre donné par Pierre Sergent dans un de ses livres: celui de maréchal de la Légion.

Sarrazin.