J’aime les graffiti. Mais il y a graffiti et graffiti. A Lisbonne, il existe même des circuits touristiques pour « visiter » les murs à graffitis. De véritables œuvres d’art y sont exposées. Un des plus célèbres graffeurs du monde est le Portugais Alexandre Farto, dit VIHLS qui, outre ses graffitis peints, accomplit de véritables merveilles sur les pignons ou façades de bâtiments en mauvais état à l’aide de charges explosives, de marteaux piqueurs et autres burins. Il expose des œuvres partout dans le monde. Et puis il y a le chien errant, le loup de pacotille, qui tient à marquer, sinon son territoire, du moins les lieux de son passage. Alors il enlaidit pans de murs, panneaux de signalisation, vitres, véhicules de transport en commun… d’une rageuse signature, croyant affirmer par là une personnalité de petit vandale minable. A mon avis, il faut réprimer cette autre forme d’expression. On me rétorquera que tous ont le droit de s’exprimer. Oui, mais les uns charment les yeux et l’esprit quand d’autres vandalisent et abîment le patrimoine commun.

AM

 

Street art

Graffiti, tags, graff, free style, collages, pochoirs et autres…

 Au domaine des Invalides de la Légion étrangère à Puyloubier, mon ami Louis Perez Y Cid souhaite peindre une fresque très imposante sur le mur situé face à la « popote » de l’institution, qui représenterait le défilé de toutes les générations de légionnaires depuis la création de la Légion.

J’ai à l’esprit la fresque réalisée par Louis à côté de la piscine de sa résidence,  et qui représente une barque de pêcheur sur une plage de Tahiti. Ce tableau mural très réaliste, provoqua un petit incident lorsqu’une mouette s’assomma en voulant s’installer sur la flèche en bois de l’avant de la barque…

Chacun se souvient aussi de la magnifique fresque ornant le mur, côté océan, de la place d’armes du 5ème étranger… ceux du 6 devenu 1er REG se rappellent les murs des salles à manger des militaires du rang décorés de la même manière.

C’est pour moi l’occasion de parler des graffiti…

Graffiti* vient d’un mot italien dérivé du latin graphium (éraflure) qui signifie écrire, dessiner ou peindre.

En France, les graffiti issus de la tradition nord-américaine sont des tags, graffs, free style, qui côtoient collages et pochoirs. Voilà donc pour l’étymologie du mot et l’adoption en France du modèle américain, rapidement brossée et présentée.

De nombreuses raisons expliquent l’existence des graffiti. Certains relèvent de la communication et servent à diffuser un message. Messages politiques (les graffiti de Pompéi par exemple), messages sociaux, réaction à la saturation publicitaire et autres…

La trace en tant que témoin de la mémoire est un aspect important du graffiti ; en gravant sur un arbre ses amours, en dessinant sur un banc d’école ou en inscrivant sur un mur le témoignage de son passage, l’auteur du graffiti impose aux autres un véritable pan de sa propre mémoire.

Mais les graffitis restent pour un nombreux public une forme de langage secret destiné à n’être compris que par une population limitée qui impose la vue d’images qui dégradent souvent leur support !

Les premiers tags ne sont-ils pas les dessins des grottes préhistoriques ?

L’histoire d’un ado de banlieue sur la pente glissante de la délinquance, qui trouve une voie de secours en “vandalisant” les murs avec des graffs, est à ce sujet intéressante:

Chérif hurle ses 15 ans ! Le gamin sait qu’il a beau avoir toute la vie devant lui, trop de murs lui bouchent le passage. Sa mère l’envoie à Strasbourg chez son oncle pour passer un CAP de maçon. L’apprenti découvre le double visage de son cousin, élève studieux binoclard à souhait, garçon sans histoire qui, la nuit venue,  se métamorphose en graffeur « bombeur » de murs. Incorporé bien malgré lui au commando nocturne de son cousin, notre banlieusard parisien se trouve très vite grisé par ce terrorisme urbain. Pour Chérif, passer pour une sorte de Robin des villes, mi-monte-en-l’air, mi-ninja, aux yeux d’une belle Elodie, est très valorisant. Et même si la Police les traque, ces “vandales” resteront persuadés d’être plutôt des bienfaiteurs en donnant des couleurs au béton des villes.

Cette histoire traitant de la dérive de jeunes en difficultés, “tague” le portrait des adolescents en perdition dans leur propre « mental », initiés à l’univers d’un mouvement artistique majeur créé par eux-mêmes.

Ils sont à mi-chemin du gang ou d’une société secrète, cette “armée” des ombres vampirise chaque espace disponible, donnant, en quelque sorte, un peu de vie et de visibilité aux façades aveugles, mais elle plonge aussi dans le gouffre de l’incommunicabilité.

J’aime beaucoup l’artiste de rue  “Miss Tic” qui disait: “Je n’avoue pas, je me déclare. Oui, je me suis fait un nom, Miss Tic. Une nuit au pied du mur, j’ai refusé les yeux ouverts ce que d’autres acceptent les yeux fermés.” Cette artiste fait parler les murs de Paris avec ses pochoirs subtils et ambigus et parvient à faire rêver nos déambulations.

Le graffiti fait maintenant partie des diverses formes d’art à part entière.  Le  « street art » ou l’art de rue. Longtemps décrié et considéré comme étant un acte de vandalisme, certains adeptes se sont débrouillés pour en faire un art respectable.

Cependant, bien que le graffiti ait gagné ses lettres de noblesse, certains réfractaires tendent à vouloir démontrer qu’il s’agit d’un acte illégal et le qualifient de cellule cancéreuse d’une société en perdition. Malgré tout, je reste persuadé que c’est un excellent moyen de stimuler la création des jeunes.

Certaines œuvres, comme celles importées du Portugal, sont colorées et ne se limitent pas à n’être qu’un “tag” qui, il est vrai, peut parfois et souvent être gênant. Indiscutablement, toute une panoplie d’artistes réalisent des fresques murales remarquables au point qu’elles peuvent heureusement s’inclure dans l’art moderne, bien mieux que certaines horreurs exposées officiellement !

En conclusion inachevée, à l’image de la Symphonie n°8 de Schubert, ce sujet restera toujours une source de discussions animées entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre, mais dans tous les cas, le but ultime du graffiti est de faciliter la sacro-sainte liberté d’expression. Peu nombreux sont ceux qui critiquent la prolifération des panneaux publicitaires dans les villes et pourtant, là aussi, il y aurait un vrai débat pour la sauvegarde et la préservation de nos paysages urbains et ceux de nos campagnes, suffisamment enlaidis par des éoliennes envahissantes, indispensables moulins à vent pour une société de consommation sans concession… 

CM