Légionnaires parachutistes pendant la Seconde Guerre mondiale:
Officiellement, la première unité légionnaire aéroportée apparaît pendant la guerre d’Indochine en avril 1948 : la Cie Para. Après une année d’opérations dans les montagnes du Nord-Vietnam, elle fusionna avec le 1er BEP, une autre unité para de la Légion étrangère qui avait été formée en juillet 1948 en Algérie.

Cependant, l’histoire des tout premiers légionnaires parachutistes a vu le jour bien plus tôt : en Afrique du Nord pendant la Seconde Guerre mondiale...


En septembre 1939, l’Angleterre et la France déclarent la guerre à l’Allemagne. Toutefois, après une offensive allemande écrasante en mai-juin 1940, les autorités françaises sont contraintes de signer un armistice et de cesser toutes opérations militaires contre l’Allemagne. La France est partiellement occupée par les troupes ennemies, mais le reste du pays et ses colonies d’outre-mer continuent de vivre sous l’administration du nouveau gouvernement français (France de Vichy).
Mais l’Angleterre, et puis les États-Unis, veulent débarrasser l’Europe d’Hitler. Les deux pays décident d’utiliser l’Afrique française du Nord (Maroc, Algérie, Tunisie) comme leur point de départ pour la libération de l’Europe, et l’envahissent en novembre 1942 (opération Torch).
Le commandement français, ainsi que ses forces, rejoignent les Alliés ; ils contribuent ensuite alors de façon significative, y compris la Légion étrangère, à la défaite des Allemands et des Italiens occupant la Tunisie. Par la suite, les Alliés commencent à réorganiser les forces françaises en Afrique du Nord afin de pouvoir participer aux futures opérations en Europe. Les premières unités aéroportées apparaissent: Légionnaires-commandos du Bataillon de Choc !

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Algérie, 30 août 1944: 3ème saut du sergent Simorre


Parmi eux, le tout premier est le Bataillon d’Assaut (rebaptisé plus tard Bataillon de Choc). Constitué uniquement de volontaires, cette unité commando était capable d’être projetée derrière les lignes ennemies pour des missions de harcèlement et de sabotage, ou pour supporter et former de la Résistance. Elle s’appuyait sur l’exemple des SAS anglais, le Bataillon de Choc est créé en Algérie fin mai 1943, à l’initiative du général Henri Giraud, alors commandant de l'AFN, y compris des régiments de la Légion étrangère, pour chercher des volontaires. Nombreux sont ceux qui s’inscrivent, malgré la mauvaise volonté de certains chefs de corps, déjà confrontés à un fort sous-effectif de leurs troupes après la campagne de Tunisie.
Une note du service de recrutement est envoyée dans toutes les unités.
En mai 1943, une quarantaine de légionnaires – officiers, sous-officiers et hommes de troupe – rejoignent le Bataillon de Choc à Staoueli, une commune située à l’ouest d’Alger. Une grande partie d’entre eux viennent du Maroc, des unités portées et montées du 3ème REI. Certains de ces volontaires sont transférés par des moyens formels, d’autres décident sans hésiter de quitter en toute discrétion leur unité d’origine et de prendre part à une nouvelle aventure. Une fois dans le bataillon, leur situation administrative est réglée rapidement.
Outre la Légion étrangère et l’armée d’Afrique, les volontaires viennent de corps démobilisés en 1940. Parmi eux figurent aussi des hommes échappés de la Métropole ou de camps de prisonniers. Tous unis par leur volonté de libérer la France.

Les légionnaires sont affectés à cette nouvelle unité d’élite parmi les premiers, et répartis entre les trois compagnies. Le commandement du jeune Bataillon de choc est confié au chef de bataillon Fernand Gambiez. C’est un ancien de la Légion étrangère avec laquelle il a servi au Maroc, entre 1927 et 1935. Une liberté totale lui est accordée pour constituer ses cadres, son armement, sa doctrine d’emploi.
Mêlés aux volontaires d’autres armes, les légionnaires contribuent à la formation du « CHOC » qui se définit lui-même par la formule : « Puissance de la Légion, légèreté du chasseur, chic du cavalier ». L’armement est léger : mitraillettes Sten, pistolets, armes blanches, grenades, fusils. Les vêtements sont américains. Tous les volontaires du bataillon participent à l’entraînement dispensé par les spécialistes britanniques et américains. Les techniques commandos sont relatives aux nouvelles méthodes élaborées par les forces spéciales alliées. Néanmoins, en raison de blessures graves lors de l’atterrissage en parachute, le nombre des sauts d’entraînement est limité à quatre.


Lieutenant-colonel Fernand Gambiez,
commandant le Bataillon de Choc, en 1944.
Il est un ancien de la Légion au Maroc.
Son fils, un jeune officier du 3ème REI, sera tué à Dien Bien Phu en 1954.


Parmi les officiers du bataillon de Calvi de l’époque, on trouve le capitaine Jacques Lefort, commandant la 2ème Compagnie.
Après avoir participé brillamment à la libération de la Corse (premier département français libéré), effectuée en septembre 1943.

Le bataillon s’installe à la citadelle de Calvi. Il y poursuivra son entraînement commando utilement conseillé par des spécialistes alliés.
Une partie du contingent légionnaire de ce bataillon d’élite constitue alors la « section Légion », rebaptisée plus tard « section expérimentale ». Cette section de commandos d’élite est chargée de mettre en œuvre, d’appliquer et de vérifier l’emploi de nouveaux procédés de combat. Certains de ces commandos participeront aux sabotages réalisés sur la côte italienne au cours de l’hiver 1943-1944.
En juin 1944, l’Armée « B » française du général de Lattre de Tassigny reçoit pour mission de s’emparer de l’île d’Elbe (l’opération Brassard), située entre la Corse et l’Italie. L’affaire la plus dangereuse de l’opération est confiée au Bataillon de Choc : attaquer les batteries de défense côtières ennemies, notamment les batteries de Campo et d’Enfola. C’est une mission très délicate dont dépendait en grande partie le succès de toute l’opération. Le Bataillon articulé en sept détachements en zodiacs débarque le 17 juin 1944 à 1 heure du matin, trois heures avant le débarquement principal des troupes françaises. Le détachement N° 7 est constitué de la « section expérimentale » (section des légionnaires), appuyé par une section de jeunes volontaires Corses de la 4ème Compagnie.
Les légionnaires commandos, sous les ordres du sous-lieutenant Saunier, de l’adjudant Lévèque et du caporal-chef Mattei, ont pour mission de neutraliser les quatre gros canons de la batterie d’artillerie allemande. Ce sont des obusiers-canons ML-20 de 152 mm (M1937) de l’Armée soviétique, capturés et réutilisés par la Wehrmacht. La batterie est située sur la presqu’île d’Enfola, du côté nord de l’île. Pendant l’opération, trois canons de 152 mm, deux canons de 88 mm et deux canons de 20 mm sont détruits. La « section expérimentale » elle-même a détruit trois canons de 152 mm avec des explosifs et a
complètement neutralisé le quatrième. On dénombre parmi l’ennemi 17 morts, dont 2 officiers, et de nombreux blessés.
La mission est accomplie et en deux jours, l’île d’Elbe est libérée.Malheureusement, malgré sa contribution essentielle au succès de l’opération, la section Légion est pratiquement anéantie.
Cependant, un petit nombre d’anciens légionnaires continuent à servir dans le bataillon jusqu’à la fin de la guerre en 1945.
À Calvi, en 1963, vingt ans après sa création, le Bataillon de Choc est dissous. Son cantonnement sera confié à une autre unité aéroportée, beaucoup plus jeune: le 2ème REP. Mais ceci est une autre histoire...

Ce qui reste est la marche du bataillon, chantant un couplet faisant référence importante aux origines peu connues de cette unité : « Debout les volontaires, chasseurs et légionnaires, les parachutes sont prêts pour l’aventure ».

Le camp du Bataillon de Choc à Calvi,  en 1963 (notez l’insigne du bataillon).

Au  début  de  1964,  premiers  éléments  du 2ème REP y sont basés.

L’ensemble du régiment quitte l’Algérie pour Calvi en 1967