UNE PAGE D’HISTOIRE DU 5 REI

 

  1. PREAMBULE -

Après la défaite de la France en 1940, lIndochine est gouvernée par l’amiral DECOUX, désigné par le Gouvernement deVichy. Trop isolé, il ne peut s’opposer à la mainmise progressive de ce Territoire par les Japonais. L’invasion de l’Indochine en 1940 a permis à l’Empire du Japon de stationner ses troupes à sa guise au Tonkin, tout en reconnaissant l’intégrité territoriale de la Colonie française.

Les japonais n’ont que de faibles garnisons dans la péninsule indochinoise ; Ils se sont organisés, avec les représentants locaux du Gouvernement de Vichy, pour tirer les ficelles du Pouvoir, en maintenant un semblant d’autorité française.

Des mouvements de résistance naissent dès 1941, en particulier des réseaux de renseignements au profit des Alliés du Sud-Est asiatique. Des comités de résistance se constituent et des actions directes sont réalisées contre les installations de l’occupant japonais.

Dès la fin de 1943, le Comité Français de la Libération Nationale envisage la formation d’un corps expéditionnaire destiné à participer aux combats contre le Japon, condition du rétablissement de la souveraineté de la France en Indochine. Des réseaux de résistance français se mettent en place en Indochine et renseignent les Alliés.

Au début de 1944, le général MORDANT est le chef d’une Armée française qui n’a pas été renforcée en hommes, en armes et en matériels depuis la défaite de 1940 .Elle ne compte au mieux que 12000 hommes, d’origine européenne et 62 000 soldats autochtones dont l’aptitude au combat et la loyauté sont incertaines.

En face, alors que les effectifs japonais dépassent à peine 6 000 hommes en 1944, ils s’accrurent dès le début de 1945, 24 000 au Nord, 8 000 au Centre et 13 000 au Sud, constituant la 38éme Armée de campagne.

L’Administration de l’amiral DECOUX est toujours en place en 1945, bien que le régime dumaréchal PETAIN ait, dans les faits, cessé d’exister en France. Les données changent, en février 1945, quand la victoire acquise, il est question de recouvrer la pleine et entière souveraineté sur les territoires coloniaux encore aux mains de l’occupant .Au premiers jours de la fête du TET, le 15 février 1945, le général DE GAULLE déclare : « La France fera du développement politique, économique, social et culturel de l’Union Indochinoise, l’un des buts principaux de son activité dans sa puissance renaissante et de sa grandeur retrouvée. »

Au début de mars 1945, les troupes japonaises sont déployées autour des garnisons françaises. Le 9 mars 1945, au soir, l’amiral DECOUX, gouverneur général de l’Indochine, reçoit l’ambassadeur japonais MATSUMOTO pour une réunion de routine .A 19 heures, l’ambassadeur japonais présente un ultimatum, exigeant que les troupes françaises passent immédiatement sous commandement japonais .L’amiral DECOUX essaie de gagner du temps, mais les premiers coups de feu éclatent dans Saigon. L’opération MEI est déclenchée. Les Japonais attaquent toutes les garnisons françaises en Indochine .Des milliers de Français sont passés par les armes, souvent décapités, qu’ils soient soldats, officiers ou civils. Qu’ils soient hommes, femmes ou enfants .Des récits horribles racontent ces journées terribles.

2) JOURNEE DU 9 MARS -

-Vendredi 9 mars, Hanoï, 11 heures :

Le Résident Supérieur au Tonkin pénètre chez le général MORDANT. Celui-ci, ancien commandant supérieur des troupes françaises en Indochine, est, depuis le mois de juillet 1944, le représentant du général DE GAULLE en Indochine .Le Résident Supérieur est persuadé, grâce à ses réseaux de renseignements, qu’il n’y a plus que quelques heures avant une offensive surprise des Japonais.

-Vendredi 9 mars, Ha Giang, 18 heures - Bureau de la subdivision :

Les officiers de la garnison, rassemblés à la hâte, prennent connaissance du télégramme en provenance du Résident Supérieur au Tonkin qui signale les agissements des Japonais et des nationalistes annamites qui représentent une menace sérieuse. Les troupes sont consignées dans les quartiers. Une atmosphère irréelle, alors que les officiers de la garnison reçoivent leurs homologues japonais pour un apéritif. Ordre est donné à l’adjudant/chef SURY : « La Légion fournira un groupe de combat pour rendre les honneurs aux officiers nippons ». C’est le groupe BUTKUS qui est désigné.

L’A/C passe l’inspection du piquet d’honneur, avec une précision toute légionnaire, et les 10 légionnaires qui vont rendre les honneurs quittent le quartier au pas lent, majestueux.

-Vendredi 9 mars, Hanoï, à la Citadelle, 18 heures 30 –

Les autorités françaises se rendent à l’invitation au dîner des japonais.

Les Japonais auraient donné des signes de bonne volonté. L’Etat-Major lève la consigne. Seul le détachement motorisé de la Légion reste au quartier, car il doit quitter Hanoï à 21 heures 50, pour rejoindre Tuyen Quang.

-Vendredi 9 mars, Hanoï, la citadelle, 20 heures-

Vers la fin du repas, les autorités françaises sont arrêtées et emmenées à Kylus.

L’adjudant ROMAN fait les cent pas dans la cour de la citadelle et s’arrête près de l’automitrailleuse de l’adjudant DEMONT, une Panhard-Levassor qui est la fierté du détachement motorisé de la Légion. Les légionnaires patientent avant leur départ dans deux heures. A 20 heures 10, des détonations retentissent, l’alerte est donnée .Les légionnaires sont vite prêts, bondissent vers leurs engins, les armes à la main. Seul manque le capitaine FENAUTRIGUES, qui n’est pas encore revenu de son dîner en ville .Il est tué en tentant de regagner son casernement. Mais la confusion règne à l’Etat-Major qui ne donne pas d’ordres cohérents en l’absence des autorités et des officiers.





-Vendredi 9 mars, Lang Son, 21 heures-

Un déluge de projectiles s’abat sur la citadelle, puis les japonais donnent l’assaut contre l’ensemble des ouvrages défensifs. Les légionnaires du lieutenant DURONSOY font feu de toutes leurs armes. Ils tiennent leurs positions, mais d’autres points de l’enceinte cèdent sous la pression de l’ennemi.

-Vendredi 9 mars, Ha Giang, 21 heures 10

Les légionnaires, encerclés de toutes parts, se sont retranchés à l’étage du casernement. Ils sont harcelés par les tirs des mitrailleuses ennemies. Le piège est refermé. L’A/C SURY envoie le légionnaire LOPEZ en reconnaissance, il est aussitôt abattu. « Economisez les munitions, répète SURY, qui fait le tour de ses hommes. Nous devons tenir toute la nuit. »

-Vendredi 9 mars, Tong, 21 heures 15 –

Au quartier de la Légion, tout est calme. Puis le S/C Georg REST entend le général ALESSANDRI, ancien commandant du 5 REI, hurler : « Va me chercher un clairon. Qu’il sonne l’alerte. » Le général vient d’être averti de la traitrise des japonais. Aussitôt les hommes se rassemblent, perçoivent armes et munitions. Le S/C REST commande une section de la Compagnie d’appui n° 2, qui comporte deux mitrailleuses et deux mortiers, commandée par le capitaine GUILLAUME. Le 2éme bataillon, aux ordres du capitaine DE COCKBORNE est prêt.

-Vendredi 9 mars, Hanoï, 21 heures 30 –

La nuit est tombée sur la citadelle. Les légionnaires du détachement motorisé entendent des explosions, des coups de feu, des rafales de toutes parts. Une seule certitude apparait : les japonais occupent les quartiers qui entourent la citadelle. La confusion continue de régner à l’Etat-Major. La traitrise des japonais a surpris tout le monde. L’adjudant ROMAN fait avancer l’automitrailleuse du sergent KOHZ et la fait placer face à la porte.

-Vendredi 9 mars, Tien Kien, 21 heures 30 –

Le caporal STOKMAN est le radio du bataillon LENOIR, dont les compagnies sont installées aux environs de la base de Tien Kien, petite agglomération située sur la RC 2, à une quinzaine de kilomètres au nord-ouest de Viétri. Il reçoit un message en morse qu’il transmet aussitôt au capitaine LENOIR, en compagnie de ses officiers, le capitaine DEMIAUTTE ; le sous-lieutenant RODINSKI et le sous-lieutenant NGUYEN VAN MAI .L’alerte est aussitôt transmise. Les légionnaires aménagent leurs emplacements de combat. Dans le lointain, on entend le bruit de la canonnade.

-Vendredi 9 mars, Tong, 22 heures 45

Les 1er (capitaine GAUCHER) et 2éme bataillons (capitaine DE COCKBORNE) du 5éme REI quittent le quartier Mehl. Le S/C REST et ses légionnaires marchent en bon ordre dans la nuit fraîche.

-Vendredi 9 mars, Ha Giang, 23 heures –

Dans le bâtiment, les hommes de SURY tiennent toujours, avec ses trois sous-officiers, FOREST à la galerie sud, GLOGEAU à l’ouest et MUKOLOWICZ à l’est. Tout autour du bâtiment, les japonais ont installé des armes automatiques qui arrosent les légionnaires. L’adjudant JOST les a rejoint .JUKAS et SCHEPPERLE, deux légionnaires de choc, dressent des barricades. L’A/C SURY sera tué.

-Vendredi 9 mars, Hanoï, 23 heures-

L’adjudant ROMAN, les caporaux KORNMANN et RIVERA, qui se tenaient près de la porte de la citadelle sont atteints par des éclats de grenades. L’encerclement est total. L’assaut commence. Le sergent KLUG colmate une brèche avec son automitrailleuse ; celle du sergent KOHZ se bat à la porte principale, et celle du caporal/chef OLSZENSKY apporte son concours au capitaine OMESSA de la « coloniale ». Au milieu de la nuit, les attaques nippones s’intensifient. A 02 heures 30, les légionnaires RICHARD et AROKIASSAMY sont blessés. Vers 3 heures 45, l’automitrailleuse de KOHZ est atteinte. Le légionnaire JANATA a une jambe arrachée. Le tireur, KLANAEC, est blessé, mais il ne lâche pas son arme. Les munitions s’épuisent.

Les combats dureront toute la nuit à 1 contre 10. Au matin, après 20 heures de combat, 40% des troupes françaises sont hors de combat, dont au moins 90 morts. Les japonais ont subi de lourdes pertes, estimées à près de 1000 morts.

-Samedi 10 mars, Hanoï, 07 heures 00-

Le dépôt de munitions explose, touché par les tirs ennemis.

Une contre-attaque est organisée par les survivants. Un certain nombre parviendront à s’échapper. L’adjudant LACROIX-GRANDPIERRE est tué, l’adjudant ROMAN est grièvement blessé à l’abdomen. Le caporal GIORSETTI parvient à le mettre à l’abri. L’adjudant ROMAN perdra la vie ensuite.

Les légionnaires en prison sont libérés pour participer à la défense de la citadelle. Le légionnaire BILLOT louis est blessé.

-Samedi 10 mars, Hanoï, 14 heures-

2 autres légionnaires sortis de prison sont tués : HENNE Adolf et LAMM Erwin – Les combats sont de plus en plus âpres. Le légionnaire LOEB Hans est blessé à son tour.

-Samedi 10 mars, Hanoï, 15 heures 30

Le général MASSINI fait sonner le cessez-le-feu .A 16 heures, les japonais sont maitres de la citadelle.



  1. EPILOGUE-

A Lang Son, le général LEMONNIER, qui avait refusé de se rendre a été décapité.

A Viétri, le L/Col. BELLOC, du 5éme REI, a été décapité.

Le général SABATTIER, méfiant, avait transféré son poste de commandement hors d’Hanoï, avant le coup de force des japonais, tout en mettant en garde son adjoint le général ALESSANDRI.

Les japonais, furieux d’avoir perdu autant d’hommes, se sont acharnés sur les français, hommes, femmes ou enfants, qui ont subi les pires atrocités.3000 français seront massacrés, et 600 prisonniers seront exécutés, à coups de pioches, de baïonnettes et les officiers, décapités à coups de sabres. Les autres prisonniers seront incarcérés dans des camps insalubres, et subirent des sévices épouvantables.

Les généraux SABATTIER et ALESSANDRI, tentèrent de regrouper le long de la route de Son La, les rescapés des garnisons françaises (Hué, Lang Son, Ha Coi, Na Cham, Thakkek, Ha Giang etc…).

Sera ainsi formée la « colonne ALESSANDRI », composée de 5700 hommes, et de 3200 autochtones. Ils parcoururent 1500 kilomètres à travers la jungle, harcelés par les troupes japonaises. Au bout de 2 mois de calvaire, ils réussirent à atteindre la frontière chinoise .Le capitaine DE COCKBORNE, du 5éme REI, fut tué au combat le 01-05-1945, à Mali Tao.

Les 9 et 10 mars 1945, le 5éme REI perdit 202 hommes de tous grades (chiffre non exhaustif), parmi les détachements de Ha Giang, Hanoï, Co Tich, Son La, Tong et Lang Son.

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Extraits de l’allocution de Mr. MEKACHERA, ministre délégué aux anciens combattants, le 9 mars 2005, devant la plaque « citadelles et maquis d’Indochine », située aux jardins des Tuileries, à Paris :

« Voici 60 ans, jour pour jour, le 9 mars 1945, se commettaient en Indochine des crimes sans noms. L’attaque surprise des forces de l’Empire japonais contre les forces françaises, ce «  coup de force » dont nous nous souvenons aujourd’hui, fut en effet d’une brutalité inoubliable et d’une cruauté indescriptible. »



Sources : « Les maréchaux de la Légion » de Pierre SERGENT-

- Wikipédia –

-Archives de la FSALE-



Major (er) MIDY – FSALE –

En charge de la Mémoire -