« Un escalier d’attaque, fait de sacs à terre éventrés. Des hommes silencieux qui attendent. Des ordres qui se transmettent de bouche en bouche :
- Faites passer, il est l’heure…
Un instant encore, immense et bref, dont les cœurs martèlent les secondes, puis un cri rauque, un seul:
- En avant la troisième!...
Et toujours muets, ils escaladent le monte-à-regret et s’élancent, dos courbé, comme s’ils avançaient sous la pluie. Lousteau est dans les premiers, une grenade déjà prête.
Des obus piochent autour d’eux. Une mitrailleuse crépite, machine qui coud avec des balles. Quelques soldats s’écroulent, comme s’ils avaient buté.
- Hardi! On les a ! crie un chef.
Tiens, Lousteau s’est arrêté. Ses genoux plient, sa tête tombe en avant, et il s’écrase le torse droit, comme s’il s’asseyait en tailleur. Ça y est… ».
C’est ainsi que Roland Dorgelès, soldat de la Grande guerre et grand écrivain, décrit la mort de Lousteau.

Il y a eu un million quatre cents mille jeunes Lousteau « fusillés », non pour l’exemple mais à l’ennemi ! Pour l’exemple, certains chefs ont été relevés de leur commandement… et 741 soldats fusillés !


Fusillés pour l’exemple:


Un rapport d’historiens remis au ministre chargé des Anciens combattants préconise des “pistes” pour réhabiliter les “fusillés pour l’exemple” de la Grande guerre.
Ces exécutions devaient servir d’”exemple” à l’ensemble des soldats français engagés dans le conflit. La ligue des droits de l’homme provoque des interrogations et demande que les prochaines commémorations liées à la première guerre mondiale, soient l’occasion d’avancer dans la connaissance historique au sujet de ces soldats exécutés par fusillade et également de comprendre pourquoi cent quarante mille autres soldats, morts pendant ce conflit mondial, n’ont pas le droit à la mention “mort pour la France” et dont les noms ne peuvent être gravés sur la pierre des monuments aux morts des communes.


Ces questions sensibles, si elles ne trouvent qu'une amorce de réponse pourraient se muer en de vilains nuages qui viendraient assombrir les commémorations du 11 novembre.
En fait, même si la distinction entre les différents motifs ayant mené à l’exécution est faite: crimes de sang, espionnage, refus répété de se battre, l’ouverture de chaque dossier donnera lieu à d’inévitables polémiques au risque de susciter une incompréhension générale. L’hypocrisie extrême serait d’affirmer que beaucoup de ces fusillés étaient de bons soldats…
Aujourd’hui, un constat s’impose, les appréciations des conditions des combats a bien changé et même si le courage lui, n’a pas changé, la majorité des français ne pensent plus qu’un déserteur soit obligatoirement un mauvais soldat, ce n’est qu’un bon soldat qui a eu un moment de faiblesse…Combien en avons-nous à la Légion de déserteur qui se sont avérés par la suiite de remarquables légionnaires...


Tout cela a ses limites. Amnistier un soldat qui a abandonné son poste ou refusé de monter en ligne est faire acte de violence à l’histoire et cela n’a pas de sens !
Au total, 741 soldats ont été fusillés pour divers et nombreux motifs : espionnage, capitulation en rase campagne, abandon de poste, refus d’obéissance en présence de l’ennemi, désertion à l’ennemi, pillage, crime et délit de droit commun, etc…


Heureusement, le souvenir du million quatre cent mille soldats qu’on honore chaque 11 novembre est fort, l’idée même d’une justice rétroactive est souvent absurde, l’histoire laisse derrière elle trop de victimes et de coupables impunis.
Bien entendu que ces demandes de réhabilitation n’enlèvent rien au courage et à l’héroïsme des soldats qui sont allés au front et qui sont tombés au champ d’honneur. Non ! Le cas des fusillés ne doit pas troubler les honneurs que nous rendrons aux millions d’hommes et de femmes qui ont souffert et pour certains succombé pour que la France reste un pays libre. La leçon de ces sacrifices devrait aujourd’hui provoquer une prise de conscience de la valeur de l’héritage que nous ont légué ces soldats qui ont donné leur vie pour nous.

CM