En regardant pousser mes roses: "exister, avoir une âme…"

Par mon travail, j’assumais une fonction que la société considérait comme utile pour elle, je pouvais donc avoir besoin d’une reconnaissance de distinction, mais je me contentais de ma reconnaissance de conformité en accomplissant mon devoir. Je servais mon Pays et je n’avais aucun besoin de solliciter, à chaque fois, le regard bienveillant des autres ; j’avais intériorisé ce regard sous forme de normes et d’usages et ma seule conformité me renvoyait une bonne image de moi-même, j’existais !

 


Aujourd’hui, je considère que je n’ai plus le goût ni l’envie, je n’aspire plus à être exceptionnel ; le conformiste est devenu, en apparence du moins, plus modeste que vaniteux, même si l’un n’est pas moins un besoin de reconnaissance que l’autre. Un événement, sans importance apparente, change ma manière de voir les choses pour cet homme vieillissant au soir de sa vie. Je me souviens avoir dit, lors d’une conversation avec l’un de mes enfants que “je me découvrais une âme”… Le problème est que dès cette découverte, je l’étouffais aussitôt en moi, craignant de paraître ridicule.

 


Aujourd’hui, je pense qu’il est temps de relever ce défi, de m’armer de courage afin d’affronter les vents contraires, au risque d’être ou paraître “ringard”.

 


Dans une France censée être tolérante et libre, il règne néanmoins une forme de terreur intellectuelle qui tente d’oblitérer toute idée de l’existence d’une âme. Cela ressemble bien à de l’obscurantisme, on s’y habitue mais, curiosité, il n’y a qu’en France que l’âme suscite des grimaces et haussements d’épaules, ailleurs, dans tous les ailleurs que j’ai fréquenté, le mot se prononce naturellement, c’est dans l’ordre des choses.

 


Pourtant en France on utilise couramment des expressions telles que : “en mon âme et conscience”, “la force de l’âme”, “âme sœur”, “âme damnée”, “la mort dans l’âme”… série qui définit mal notre être intime. Dans mon Auvergne adoptive, je pense être venu chercher ce que je ne trouve pas ailleurs : un peu de repos. J’attends toujours avec la même extase le printemps où la nature renaît, je suis ravi de retrouver le vert tendre au bout des rameaux et celui plus foncé du gazon ; saison délicieuse où même les oiseaux s’éveillent, picorent les graines au sol en échangeant des piaillements de satisfaction. Le soir, dans ce coin de terre qui est devenu mon paysage quotidien, les eaux de la Loire ont rendez-vous avec le couchant. Tout cela relève de l’âme.

 


Si, brutalement, je me découvre une âme, c’est aussi parce que depuis toujours elle est là, dès ma naissance. C’est la partie de mon être la plus cachée, indestructible qui, comme l’air, est un élément invisible auquel je ne pense jamais.

 


La vie dans ce corps animal fonctionne toute seule, naturellement. Pour le reste, il était grand temps que je m’aperçoive que j’existe. Mieux vaut tard que jamais…

CM