Pour assurer son expansion coloniale, la France utilise son Armée d’Afrique avec ses unités de la Légion Etrangère et ses troupes indigènes.

Le 25 août 1883, un traité conclu avec l’Annam reconnaît le Protectorat de la France au Tonkin. Mais la Chine, se refusant d’évacuer ce pays dont elle tire tant de profits, met en œuvre tous les moyens pour en interdire aux Français l’accès.
La campagne de Keelung (août 1884-mars 1885) est une campagne militaire mené par les Français au nord de Formose (Taïwan) pendant la guerre franco-chinoise.


Échec du débarquement d'août 1884:
Au matin du 5 août, après le rejet de l'ultimatum français par les Chinois de leur remettre leurs défenses côtières, la Galissonnière, le Villars et le Lutin engagent et mettent hors de service les trois batteries côtières de Keelung.

Vice-amiral Lespès

Dans l'après-midi, le vice-amiral Lespès met à terre un bataillon de l'infanterie de marine pour occuper Keelung et les mines de charbon de Pei-tao, mais l'arrivée de nombreuses troupes chinoises menées par Liu Ming-ch'uan oblige les Français à battre en retraite et à réembarquer le 6 août. Les pertes humaines françaises dans cette opération infructueuse sont de 2 morts et 11 blessées. Les Chinois ont subi des pertes manifestement plus lourdes.
Défaite française à Tamsui, 8 octobre 1884:
L'action du 8 octobre 1884 à Tamsui (carte du capitaine Garnot du 3e bataillon africain)
Pendant ce temps, après un bombardement naval inefficace le 2 octobre, l'amiral Lespès a attaqué les défenses chinoises à Tamsui avec 600 marins des compagnies de débarquement de l'escadre française le 8 octobre. Tamsui avait une importante population étrangère à cette époque, et de nombreux résidents européens de la ville ont formé des pique-niques et ont afflué vers des points de vue sur les collines voisines pour regarder le déroulement de la bataille.
L'attaque française a rapidement commencé à faiblir. Les fusiliers-marins français n'étaient pas entraînés à combattre en tant qu'infanterie de ligne et attaquaient sur un terrain accidenté. Le capitaine de frégate Boulineau de Château-Renaud, qui avait remplacé l'officier initialement prévu pour commander l'attaque au dernier moment, perd le contrôle de ses hommes dans les sous-bois épais devant les forts chinois. La ligne française a progressivement perdu sa cohésion et les munitions ont commencé à manquer. Les forces chinoises à Tamsui, au nombre d'environ 1 000 hommes, étaient sous le commandement des généraux Sun Kaihua et Zhang Gaoyuan. Voyant les Français dans la confusion, Sun Kaihua a avancé avec ses propres forces et a débordé les Français sur les deux ailes. Les Français se retirèrent à la hâte vers le rivage et se rembarquèrent sous le couvert des canons de l'escadre. Les pertes françaises à Tamsui étaient de 17 morts et 49 blessés. Les pertes chinoises, selon les employés européens des douanes de Tamsui, étaient de 80 morts et environ 200 blessés.

Prise de Keelung:
En octobre 1884, l'amiral Courbet dispose d'un corps expéditionnaire de 2 000 hommes : le régiment de marche du lieutenant-colonel Bertaux-Levillain formé de trois bataillons de l'infanterie de marine et de trois batteries d'artillerie. Le 1er octobre, les marsouins prennent le port. Incapable d'avancer au-delà de cette tête de pont, ils doivent faire face à la contre-attaque, à l'intérieur de Keelung, menée par des forces chinoises supérieures en nombres commandées par le commissaire impérial Liu Ming-ch'uan.
Opérations de novembre et décembre:
En novembre et décembre 1884, le choléra et la typhoïde affectent le corps expéditionnaire français, alors que des renforts pour l'armée chinoise sont envoyées à Formose via les îles Pescadores, portant ces forces à 35 000 hommes à la fin de la guerre.
Le 15 novembre à Keelung ; le lieutenant Cortial et 2 hommes sont légèrement blessés.
Au cours d’une reconnaissance, le 27 novembre, le capitaine Thiron et sa compagnie repèrent l’amorce de nouvelles fortifications envisagées par les Chinois.
Le 7 décembre, le capitaine Thirion dirige une opération de destruction des nouvelles fortifications chinoises.

Offensives de janvier et mars 1885:
Début janvier, le corps expéditionnaire a été considérablement renforcé avec deux bataillons d'infanterie, portant son effectif à environ 4000 hommes. Quatre des six compagnies du 3e bataillon du 1er régiment de tirailleurs algériens (chef de bataillon Fontebride), soit 750 tirailleurs, sont arrivées dans Keelung le 6 janvier et les quatre compagnies du 4e bataillon du 2e régiment étranger d'infanterie (chef de bataillon Vitalis- capitaines commandant de compagnie, Césari et Bouger), arrivé en renfort en Indochine peu après le 3 janvier, soit 900 légionnaires, débarquent le 20 janvier. On a donné le commandement du corps expéditionnaire renforcé au colonel Jacques Duchesne.
La compagnie d’état-major est une compagnie de marche d’Infanterie de Marine, de 130hommes, sous les ordres du capitaine Carré.
Tous les sapeurs des différentes unités sont regroupés dans une unité du Génie de 20 hommes sous les ordres du capitaine Luce.
Une ambulance est affectée au corps avec le docteur Gayet, médecin de la Marine.
Le corps expéditionnaire dispose désormais de troupes aguerries : Marsouins, tirailleurs, légionnaires encadrés par des sous-officiers expérimentés et des officiers de valeur.
Les légionnaires sont principalement des Alsaciens-Lorrains qui refusent l’annexion de leur province, des Allemands et des Autrichiens qui ont déserté de l’Armée Prussienne. La langue opérationnelle de la Légion Etrangère est l’allemand.
L’attaque française est menée par le colonel Duchesne sur deux fronts, avec une colonne de tirailleurs et une colonne de légionnaires.
Vers 6 h. du matin, le colonel Bertaux se met en mouvement. Grâce ä la vigueur des troupes, il s'établit rapidement sur l’éperon qui commande la route de Tam-Sui, et là, engage avec l'ennemi, auquel il a enlevé 3 redoutes, un feu tellement vif qu'on peut craindre un instant l'épuisement prémature des cartouchiers. Heureusement, la 3e compagnie d'infanterie de marine arrive avec un convoi de ravitaillement, et la ligne peut être complétement approvisionnée. Les Chinois s'étaient portes en masse ä la rencontre de la colonne de gauche : le plan du colonel Duchesne réussissait. Pendant ce temps, le commandant Fontebride massait ses troupes en arrière de l’ancien poste avance, faisait déposer les sacs et se mettait en marche en se dérobant derrière une crête. Sa colonne surprend l'ennemi dans sa première ligne de défense, le bouscule ; mais il se rallie derrière le 3e retranchement et arrête un instant le fol élan de notre droite. La charge sonne, un cri formidable : « En avant ! Les Chinois cèdent partout ; le drapeau tricolore flotte sur le Cirque et le fort Bambou. Une dernière ligne de défense, derrière laquelle l'ennemi opposait une résistance acharnée, arrete un instant notre gauche. Le capitaine Lebigot, de la Légion, s'élance avec une vigueur au-dessus de toute éloge, ä l'assaut de la position de laquelle les Chinois faisaient rouler sur nos soldats d'énormes quartiers de roche qui écrasèrent 2 hommes. Devant son élan, l'ennemi se débande, fuit en déroute et disparait enfin sur la route de Tam-Sui. Le succès est complet, le résultat considérable, car il met en notre pouvoir de dominer toutes les lignes que les impériaux avaient établies ä l'est et au sud de Kö-Lung. L'ennemi a abandonné ses camps en y laissant une grande quantité de vivres et de munitions, des armes et une dizaine de drapeaux chers aux généraux chinois. Face aux Chinois, les Français sont peu nombreux mais la troupe est composée d'éléments aguerris et commandée par un officier intelligent et énergique dans une région comme le nord de Formose, malgré les obstacles naturels accumulés par un ennemi qui a rassemblé dans ses lignes fortifiées des forces imposantes.
Le 25 janvier, le chef de bataillon se fracture le pied et doit laisser le commandement de son bataillon au capitaine Césari.
La Légion se porte en avant des combats ; le capitaine Carré est tué le 27 janvier ; le lieutenant Weber et le sous-lieutenant Bacqué de la Légion sont tués le 28 janvier ; les capitaines Césari et Bouger sont blessés ; débordant d’énergie malgré leurs blessures, à la tête de leurs hommes, ils électrisent leurs compagnies. La victoire est totale.
Les pertes françaises sont 8 légionnaires tués et 29 blessés ; 9 tirailleurs tués et 24 blessés.
Sont distingués dans les combats le lieutenant Légier blessé et le capitaine Thirion de l’Infanterie de Marine, les capitaines de Fradel et
Michaud et le lieutenant Garnot du Bataillon d’Afrique blessés ; le lieutenant Rolland et le sous-lieutenant Crochal du Bataillon d’Afrique et le sous-lieutenant le capitaine Lebigot et le sous-lieutenant Nantré de la Légion étrangère ; le colonel Bertaux-Levillain qui a dirigé l’attaque sur le terrain.
Trois sous-officiers se sont particulièrement distingués : le sergent Deschamps de la Légion, le sergent Chrétien de l’Infanterie de Marine et le sergent Hertelet du Bataillon d’Afrique.
Fin de la campagne
• Si Keelung est occupée, Tamsun résiste.
• À la fin janvier et début mars 1885, les Français remportent à Formose deux victoires tactiques impressionnantes contre leurs assiégeants chinois, mais ils ne sont pas assez nombreux pour exploiter ces victoires.
• La mauvaise saison sévit. Il faut compter autant avec la maladie qu’avec les Chinois.
• Avril 1885, la campagne de Keelung prend fin ; elle s'achève par un statu quo stratégique et tactique. À l'époque, cette campagne est critiquée par l'amiral Courbet, le commandant de l'escadre d'Extrême-Orient, comme étant stratégiquement inutile et ayant causé une division des forces navales françaises.
• Le 4e bataillon de la Légion reste deux mois à Formose ; enlevant à plusieurs reprises des positions adverses avant qu’un armistice ne mette un terme aux combats.

Jean BALAZUC P.P.P.P.


Sources :
Histoire de la Légion de 1831 à nos jours, du capitaine Pierre Montagnon – Pygmalion 1999.
Revue militaire suisse de janvier 1886.
Wikipédia

 

Bertaux Levillain Charles George, capitaine au Sénégal, lieutenant-colonel au Tonkin en 1883 ; colonel de l’Infanterie de Marine, à Formose en 1884-1885.

 

Courbet Amédée-Anatole-Prosper

Courbet Amédée-Anatole-Prosper:

Né le 26.06.1827 à Abbeville. Le 23.04.1883, Courbet embarque sur le Bayard, dont le nom reste inséparable du sien. Le 26.05.1883, une dépêche arrivée d'Indochine bouleverse la France entière, car elle annonce le massacre de plusieurs soldats et marins français par les Pavillons noirs. Courbet part avec sa flotte pour la Cochinchine sur le champ. Et le 13 juillet, il arrive devant Saïgon. Les ordres sont simples, il faut agir et vite. Et le 20, après une bataille féroce, la France emporte contre les Annamites, la ville de Tuan-An, grâce à Courbet. Le 11 décembre, la campagne du Tonkin commence. L'assaut est donné le 13, mais les Tonkinois possèdent un armement moderne et sont des combattants valeureux. Ils opposent une résistance farouche à l'armée française. Puis, le 16 au matin, la colonne française débouche. Et ça malgré un ennemi supérieur en nombre et bien armé. Le 26.12.1883, Courbet est nommé commandant en chef de la Division navale du Tonkin. Il impose à l'Annam la paix de Hué et enlève Sontay aux Pavillons noirs. Le 01.03.1884, il est nommé vice-amiral, et on lui donne le commandement en chef de toutes les forces navales d'Extrême-Orient. Ensuite les victoires s'enchaînent ; le 12.03.1884 Bac-Ninh est pris; puis le 12 avril, la dernière place forte aux mains des Pavillons noirs, Hong-Hoa, succombe à son tour. La victoire est rapide, complète, décisive. Elle est encore la victoire de Courbet. Le 28.06.1884, 600 soldats français, marchant sous le commandant Dugenne vers Lang-Son, sont attaqués par 6 000 réguliers chinois et massacrés. Jusqu'au 1er août, les négociations pour la paix entre la Chine et la France se poursuivent. Mais en vain. Le 02.08.1884 la guerre contre la Chine commence. L’amiral Courbet a sous ses ordres un aviso, trois croiseurs, trois canonnières, et deux torpilleurs. Les Chinois ont onze bâtiments de guerre, douze jonques de guerre et sept canots torpilleurs à vapeur. L'amiral Courbet descend avec sa flotte la rivière de Min, pour détruire toutes les forteresses sur son passage. C’est la « descente de la rivière Min ». L’amiral Courbet est alors surnommé « le terrible Coupa ». Les forts Mingan, Kimpaï, Blanc et la flotte chinoise sont réduits au silence. Et le 31.08.1884 la bataille est terminée et c'est une victoire pour la France. Le 10.09.1884, le gouvernement lui décerne la médaille militaire. Le 18.09.1884, il est promu amiral. L’amiral Courbet prend part de façon décisive à la Campagne des îles Pescadores, fin mars 1885 et les Français occupent cet archipel chinois. Courbet est dès lors considéré en France métropolitaine comme un héros national. Mais sa santé lentement décline, rongé depuis deux ans, par une maladie du foie, des intestins et de l'estomac. Dès le 15.05.1885, ses forces diminuent lentement. Le 11.06.1885, à bord du Bayard, son navire, à Makung aux îles Pescadores, l'agonie commence : le soir à 21 h 30, le docteur Doué annonce « Messieurs, l'Amiral Courbet est mort ». Il est Grand officier de la Légion d'honneur.

 

 

 

Duchesne Jacques:

Né à Sens le 3 mars 1837, il est le fils d'Achille Duchesne, notaire, et de Marie Anne Charlotte Rosalie Sergent. Il entre à l'École spéciale militaire de Saint-Cyr en 1855, et en sort comme lieutenant en 1861. Il sert à la Légion étrangère en 1876 et est promu au grade de lieutenant-colonel en 1882. En 1884, il était commandant du 4e régiment de marche lors de la campagne de Bac Ninh. Il commande la colonne de secours vers Tuyen Quang en novembre 1884. Il est détaché au corps de Formose comme commissaire de la Marine en 1885 puis comme commandant des troupes du dit corps, qui débarquent sous le commandement d'Amédée Courbet lors de la Campagne des Pescadores (1885).En 1895, il dirige le corps expéditionnaire pour l'expédition de Madagascar en 1895-1896. Il est membre du Conseil supérieur de Guerre. Décédé le 27 avril 1918..

Fontebride: chef de bataillon, commandant le 3e Bataillon du 1er R.T.A. à Formose en 1884.

Vitalis: chef de bataillon, commandant le 4e Bataillon du 2e R.E.I. à Formose en 1884.