Paul Brundsaux est l'un des héros de la Légion. Sa silhouette illustre le monument aux morts de la Légion à Aubagne. Né le 4/10/1855, il a enchainé les campagnes coloniales. Dans ses souvenirs, le général Tahon en fait un portrait détaillé :


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Officier sortant de Saint Cyr, d'une très bonne famille des Vosges, son père étant docteur en médecine, Brundsaux était lieutenant au 4e zouaves à Tunis lorsqu'il fit connaissance d'une jeune chanteuse au café concert. Enthousiste comme il l'était, il se donna entièrement à sa conquête, pourtant facile et pendant quelques mois mena joyeuse vie. Mais un jour, sa maitresse lui ayant annoncé qu'elle était enceinte, il ne douta nullement qu'il fût le véritable père et, malgré les conseils de son colonel, les prières de son père accouru à Tunis, il voulut à tout prix épouser la future maman. L'autorisation de se marier lui étant refusée, il donna sa démission pour épouser librement la mère de son enfant. Pour vivre il se fit alors voyageur de commerce en mercerie et il ne réussit pas. Il était dans la misère lorsqu'il apprit un beau jour qu'il était possible de reprendre du service à la Légion à titre étranger et après quelques démarches, il obtint sa nomination de lieutenant au 2e étranger au Tonkin. Il partit avec femme et enfant et mena là bas la vie dure de premiers conquérants de notre grande colonie. Plusieurs fois attaqué, il fit avec sa femme le coup de feu pour disperser les pirates et les pavillons noirs afin de se frayer un passage dans la brousse. Revenu en Algérie au bout de quelques mois, il partit au Dahomey où avec la croix de chevalier, il gagna son grade de capitaine au titre français. Il fit ensuite la première campagne de Madagascar où il se distingua, fut cité et promu chef de bataillon, ayant ainsi en six mois rattrapé ses camarades de promotion. En rentrant il eut à bord un duel avec un camarade et à son arrivée à Oran mena quelques jours la grande vie. Son grand plaisir le soir était de se rendre en compagnie de jeunes officiers dans les cafés concerts, exigeant de l'orchestre qu'il joue immédiatement la marche de la légion, faute de quoi il brisait tables, chaises et bocks. Je le perdis ensuite de vue.
J'ai pourtant appris qu'il avait fait campagne au Maroc et qu'il avait terminé sa carrière comme général gouverneur de la Corse."

 

Il était arrivé au 1er étranger il y a juste vingt ans. Quel chemin parcouru depuis ! Au propre comme au figuré. En vingt ans, le jeune capitaine au dossier déjà lourd de manifestations d’un caractère difficile, a participé brillamment à l’explosion coloniale de l’armée française aux quatre coins du monde, attachant son nom au souvenir des faits d’armes qui ont illustré la Légion en Afrique Noire, en Afrique du Nord, à Madagascar et au Tonkin. Sa personnalité abrupte le destinait tout particulièrement à commander une troupe aussi différente, dont la disponibilité et le dévouement permettaient de tout exiger et de tout obtenir.
Il ne faudrait pourtant pas croire à la lecture de ce rapide survol des vingt ans privilégiés de cette carrière exemplaire, que le colonel Brundsaux fut la seule figure remarquable parmi les cadres qui ont donné aux régiments étrangers la réputation justifiée qui faisait rechercher leur commandement aux généraux les plus célèbres et les plus glorieux de la geste de l’Empire.
Bien d’autres ont peiné sous les climats déprimants traversé des brousses impénétrées, connu fatigues, fièvres, sécheresses, marches harassantes, travaux sans mesure avec les moyens dérisoires qui étaient les leurs, affronté des faunes inconnues et des peuplades souvent fanatisées… Avec la seule satisfaction d’être fidèles au service de la Légion étrangère. Combien d’entre eux, à la fin d’un assaut meurtrier ou dans la surprise tragique d’une embuscade, sont tombés au milieu de leurs hommes, ou, comme le capitaine de Borelli assiégé dans Thuyen-Quang en 1885, ont dû leur vie au sacrifice d’un de leurs légionnaires morts à leur place…
Malgré tout, l’époque coloniale d’un Brundsaux reste le type même de celles de tous ces anonymes, et même son départ de la Légion ne l’y fit pas oublier.
Général de brigade en 1912, gouverneur militaire de la Corse (où, passager discret et économique d’un autobus public entre Ghisonaccia et Bonifacio, il fut aggressé à coups de pierres par quelques irrédentistes - déjà – qu’il se refusa d’ailleurs à faire poursuivre), il termina sa carrière active en 1916, à la tête de la 136ème Brigade d’infanterie sur le front de France. Il avait 16 ans.
Le 30 août 1929, à Paris, une Commission de réforme de cinq membres, après avoir examiné et ausculté ce sec et grand vieillard de 74 ans, décida qu’il n’avait pas droit à 10% de pension d’invalidité. Malgré le paludisme qui l’affectait encore, et les séquelles des horions et des fatigues de quarante-deux ans de service, vingt et un ans de campagnes et neuf guerres !
A peine plus d’un an après la mort du général Brundsaux, survenue le 2 janvier 1930 à Bois-Colombes, la Légion alors aux ordres du général Rollet fêtait le centenaire de sa création, à Sidi-Bel-Abbès. Des milliers d’invités, obscurs ou illustres, donnèrent à cet anniversaire un retentissement mondial.
Le clou des festivités fut l’inauguration du monument aux morts, que Rollet avait imaginé de faire ériger au cœur du Quartier Viénot, et dont l’image a depuis fait le tour du monde : il représente le globe terrestre, sur lequel s’inscrivent en or les territoires où la Légion s’est illustrée au cours de son premier centenaire : aux quatre coins du monument cerclé de lauriers, quatre statues de légionnaires montent une garde attentive.

Piété du souvenir, l’une d’entre elles représente un colonial prêt à marcher ; casque, grande capote, havresac et cartouchières de poitrine, c’est le portrait exact du général Brundsaux, droit, fier, barbe déployée, modèle immuable de l’officier de Légion.