Il est difficile d'admettre, pour qui aime le toucher des livres, que le livre électronique est une bonne chose en concurrence directe du "mode de lecture à l'ancienne", comme le laisse entendre Antoine. Notre Ami parle de calligraphie avec un docteur en médecine, alors que s'il est bien une corporation qui écrit d'une manière illisible c'est bien de celle-là... ah ! La belle calligraphie se perd, mon bon monsieur, les jeunes n'écrivent plus, ils s'adressent des "Texto" et autres messages téléphoniques. L’écriture est en voie de disparition, les correspondances se font par e.mail interposés. En ce qui concerne les livres, à mon avis, aujourd’hui, peu importe le support qu'il soit livre de poche, de la "pléiade" ou en ebook.
Pauvres de nous... garde donc ton beau stylo Antoine, et STP, fais nous plaisir avec un petit mot que je scannerai et que j'accompagnerai comme stylet au dernier livre en papier que je viens d’acheter. Fais ainsi montre aux jeunes gens que nous, les anciens, avons appris à faire de belles lettres bien calligraphiées pour le plaisir simple d'écrire comme d'autres dessinent.
Bonne lecture.
CM


Mon stylo et les livres dans les nuages :
Un éditeur ami m’a téléphoné la semaine dernière. J’ai d’emblée reconnu la voix posée et affairée à fois, d’un homme habitué à feuilleter et lire des livres, espérant toujours tomber sur la perle rare ; sur le prix Goncourt d’après-demain ! Il me questionnait sur mon travail de lecteur-correcteur, qui donne son avis.
J’ai considéré, depuis le début, mes lettres comme une redoute de vanité extrême, à laquelle peut arriver un vieux légionnaire, presque contemporain de la guerre – j’allais écrire du Titanic – et qu’au lieu de se consacrer à soigner, exclusivement, les hibiscus, les bégonias et les érables du Japon qui mettent encore des touches de couleur dans le jardin de sa vieille maison, a des envies de remplir le réservoir de son vieux stylo d’encre et de l’utiliser. Hélas, ne disposant pas de secrétaire, je suis réduit à retranscrire sur l’ordinateur. Le stylo, cette antiquité charmante, je l’ai hérité voilà bien cinquante ans, d’un ami maintenant disparu. Il s’en était servi pour signer le registre des mariages lors du sien, quelques décennies avant. Il a survécu, le stylo, aux pertes et aux dommages infligés pendant un siècle et deux guerres, envers et contre tous les caprices du sort. Il est déjà promis en héritage à l’un de mes amis, s’il ( le stylo), me survit, bien évidemment. Le laissera-t-il à son fils pour que celui-ci, comme moi, s’«entraine » à la calligraphie à l’aide de cahiers à ligne double destinée à contenir la lettre dessinée ? Ces cahiers se trouvent, eux aussi, au rayon « antiquités ». Le tout, stylo et cahiers, pour rappeler aux nouvelles générations qu’il fut un temps où l’on écrivait des deux mains - l’une tenant le stylo, l’autre assurant la stabilité de la feuille de papier ou le cahier sur lequel nous écrivions - et pas seulement avec les pointes des doigts sur un clavier.
Le médecin que je consulte dans mon ailleurs est de ce temps-là et, bien que son écriture ne révèle pas en lui un artiste calligraphe, du moins je comprends ce qu’il écrit comme quelqu’un qui sait qu’il existe un sujet, un verbe et un complément. Cette fois-ci, après que je lui ai parlé de mon rythme cardiaque, des dernières analyses et de mon cholestérol, nous avons discuté livres et littérature. Il m’a parlé, avec enthousiasme, des livres « ebook ». Mon vieil ami Christian, lui aussi ne jure que par ça ! Un beau jour il avait éclairé mon ignorance de ses lumières. Un « ebook » est un livre électronique, immatériel, que l’on peut transporter et lire partout, sur le téléphone ou l’ordinateur, sur une tablette Ipad. En effet c’est léger, petit et on peut emporter une part de sa bibliothèque partout, disposant à volonté d’une multitude de titres. Le médecin m’a patiemment expliqué la même chose. La littérature est dans l’éther. La nouveauté, à vrai dire ne m’a pas surpris. Depuis l’époque de la prise obligatoire et quotidienne de la cuillère d’huile de foie de morue, jusqu’à nos jours de démocratisation de la marijuana, nos vies ont subi de vastes séismes novateurs. Et ça ne nuit pas aux livres ? ai-je demandé. Il parait que non, certains ont même survécu, m’a dit le docteur en riant. Et c’est là que revient mon ami, l’éditeur que j’évoquais au début : « as-tu fini de lire le manuscrit ? ». Eh non, je n’ai pas encore fini ! Car comme le stylo pour l’écriture sur la page blanche, je préfère lire les manuscrits physiques aux manuscrits virtuels ! Peut-on encore parler de manuscrits ?
Bien sûr, je vais finir cette lecture afin d’en faire un compte rendu à l’éditeur qui décidera de publier ou non le bouquin ! Le fera-t-il sous forme d’ebook ?
J’ai dit au revoir à mon toubib et n’ai pas voulu entendre plus avant, la description des qualités du livre virtuel. A mon âge, je suis convaincu que le savoir occupe une certaine place.
De retour à la maison, dans le jardin, je me suis limité à regarder le ciel…
AM