Nos idées, nos convictions, nos engagements naissent dans nos têtes, très tôt dans nos  âges, souvent grâce à nos lectures.

« S’agissant de drames récents dont la mémoire risque d’être transmise déformée aux jeunes générations qui n’ont connu ni « l’Algérie de leur grand-père », ni l’Algérie des « colonialistes », les historiens ont le devoir d’être plus prudents encore que leur « métier » ne l’exige habituellement. Si l’objectivité est philosophiquement impossible, l’impartialité est une vertu que tout historien peut et doit s’imposer ». Charles-Robert Ageron – 1993.

 

Pour ma part, tout a débuté lorsque je me suis rendu compte  que je serai bien inspiré d’aller respirer ailleurs, quand l’air ambiant se saturait  de médiocrité. Cet ailleurs était la Légion. Aujourd’hui, en publiant ce billet, je sais, pour en avoir fait l’expérience, que le fait d’écrire nous engage, qu’une “violence de la plume” est une témérité qui attire quelques ferventes sympathies et, malheureusement, beaucoup de haines. En mon temps d’adolescent, j’étais intéressé par les propos d’un écrivain, Maurice Barbèche, qui exprimait quelques reproches aux nationalistes français d’avant 1940, en ces termes:

Bataille de Gettysburg - 1870

“Ils ont pris, disait-il, la défaite de 1870 pour l’événement capital de l’histoire, alors que le destin du monde s’était joué sept ans plus tôt dans la vallée de Gettysburg* sans qu’ils l’aient vu.

Général Lee

La défaite du général Lee était infiniment plus grave pour notre avenir que la perte de deux de nos provinces. C’est un nombrilisme pire encore qui avait concentré toute l’attention des Français sur l’affaire Dreyfus, cultivé un militarisme puéril  nourri d’esprit de revanche, alors que tant de nouvelles menaces étaient présentes dans le monde”.

Ensuite, pour faire court, je me reporte à 1946, au moment où le général à titre temporaire De Gaulle démissionne. Il espérait, en fait, que cette démission provoquerait un mouvement qui lui permettrait de reprendre le pouvoir de plus belle. Le pays visiblement avait d’autres soucis, dont celui et non des moindres, de survivre dans des conditions  particulièrement délicates et difficiles de la reconstruction, préoccupation majeure et indispensable de cette époque douloureuse d’après guerre.  Période révélatrice du comment les Français, dignes héritiers des “sans culottes” de la révolution, réglaient leurs comptes vis-à-vis des “collabos”; le nombre de résistants dépassait alors l’entendement… Là encore, je retrouve les écrits de Maurice Barbèche concernant l’exécution de son beau-frère Robert Brasillach: « Un régime qui pouvait mettre à mort un être aussi généreux, aussi pur, qui le tuait pour des mots, pour une opinion, avait en lui un principe de mal ». Mais surtout il se présentait lucide comme un “diseur de bonne aventure”: « la souveraineté nationale, désormais, n’existait plus… La Nation n’était plus qu’une parcelle de géographie d’un tout appelé humanité… Désormais nous n’aurions plus aucun droit d’être ce que nous sommes, de défendre ce qui nous appartient, d’être chez nous sur une certaine partie de terre. Nous n’étions plus que des fourmis qui se trouvaient par hasard sur un certain tas de sable appartenant à tous les hommes et sur lequel tous les hommes pouvaient s’installer… ». Intuition aussi précoce que prémonitoire!

C’est aussi le temps, à sa grande surprise, pour notre Général libérateur, qui se croyait appelé à présider aux plus hautes destinées de la France, de goûter à ce que l’on appelle “la traversée du désert”.

Ainsi les années passèrent sans que la France ne fasse demande aux services du “grand homme”. L’unique mouvement à souligner fut la création du RPF où convergèrent des milliers de braves gens fascinés par la notoriété de De Gaulle.

Le temps passait, les affaires en Indochine périclitaient, l’Empire français s’effondrait, une grande inquiétude se faisait jour du côté de  l’Algérie.

Bref, le 13 mai 1958, De Gaulle réapparait en sauveteur, formule appropriée qui avait déjà fait ses preuves, il accepte de prendre en mains les destinées du pays en crise. Ainsi, grâce à l’Algérie, la solitude du Général prenait fin, la « traversée du désert » s’achevait.

L’attitude de la France en Algérie a un nom: lâcheté !

Ne nous faisons surtout plus d’illusions, le fait que la France trahisse les siens, qu’elle les abandonne, mette ses soldats en prison, a bien été perçu positivement par les Algériens gonflés par un sentiment de victoire en Algérie qui les habite encore de nos jours. Après ? Après, ils ont parfaitement compris que personne ne les empêcherait de conquérir un pays qui ne mérite aucun respect et qui a déjà  été dominé.

La guerre d’Algérie ne s’est pas arrêtée le 19 mars 1962, elle n’est pas encore aujourd’hui terminée.

Sans haine et sans désespoir mais avec détermination, je pense que le combat n'est pas fini.

Coluche disait : « la France et l’Algérie ont divorcé en 1962, c’est la France qui a obtenu la garde des enfants… ».

CM