Il y a des écrits qui paraissent sans intérêt, insignifiants… et pourtant, certains récits parmi les plus simples en apparence, révèlent la part d’ombre de  personnages intouchables, auréolés qu’ils sont de la lumière des faux semblants qui offrent d’eux une image très éloignée de ce qu’ils sont en réalité…

La lecture des souvenirs d’enfance de  Lucienne Siüzelle vécue dans la propriété de François Mauriac, met au jour  quelques vérités sur ce dernier, grand écrivain et membre très honorable de l’Académie française…

La vie de cette femme n’est pas toute rose et ses écrits montrent combien   l’homme célèbre, semblait ne rien percevoir de cette misère qu’il côtoyait pourtant chaque jour. Comment donc, un homme qui se prétendait aussi sensible aux injustices que lui, pouvait-il rester insensible et indifférent à la condition de sa propre domesticité ?

Et cependant, cet écrivain très engagé, participait à des combats révélateurs de sa manière de penser ; ainsi prenait-il, sous l’occupation allemande, position en faveur d’écrivains collaborateurs, au point de faire dire à Jean Maze1 qu’il était une vraie “girouette”.

Comment donc ce grand donneur de leçons pouvait-il être taxé d’égoïsme et de cécité sociale ? Bien entendu qu’il n’était pas vraiment responsable de ne pas apercevoir cette misère qui était, aussi, celle de nos campagnes d’avant 1940. Tzvetan Todorov2 écrivait: “les artistes et les écrivains n’échappent pas, comme par miracle, aux jugements moraux et politiques que nous portons sur les autres représentants de l’espèce humaine. La beauté de leurs œuvres ne leur procure aucune immunité morale. Si Shakespeare, miraculeusement revenu au monde, nous apprenait que son passe-temps favori était le viol des petites filles, nous ne devrions pas l’encourager dans cette voie sous prétexte qu’il pourrait écrire un autre “Roi Lear”. Le monde n’est pas fait pour aboutir à une œuvre d’art.”

Mauriac, catholique fervent et homosexuel notoire, reconnu comme tel, souhaitait en apparence que le monde aboutisse à l’éradication de la pédophilie, à la reconnaissance de l’autre comme “alter ego”, quels que soient sa couleur ou son sang, à l’égale représentation des hommes et des femmes dans la vie politique, à l’interdiction de la prostitution, au respect des homosexuels et à l’immersion des pères dans la réalité quotidienne des soins aux enfants.

L’histoire dit-on, est un long chemin broussailleux qui mène jusqu’à nous. L’homme est ainsi fait, sûr que rien d’humain ne lui est étranger, qui affirme, au nom de son ouverture d’esprit, qu’il s’aime d’une passion excessive.

François Mauriac, ancien combattant de la Grande Guerre fut très vite réformé pour cause de “petite santé” fort du principe qu’il faut être en bonne santé pour se faire tuer… s’est avéré polémiste. D’abord absent du débat sur la guerre d’Indochine, mais très vigoureux quant à prendre ouvertement position en faveur de l’indépendance du Maroc, de la Tunisie… il condamne sans réserve la torture, mais… que celle de l’Armée française dans le conflit algérien.

Il serait bon de se remettre en mémoire l’incohérence de ces hommes célèbres qui, à l’image de nos politiques devraient écrire leurs phrases dans des bulles de silence… François Mitterrand était lui aussi un spécialiste de ce genre et pouvait lui aussi prétendre au titre de “girouette” au vu de son parcours politique et de sa manière de vivre. J’ai en mémoire la fracassante enquête de Pierre Pean3 qui montrait en couverture de son ouvrage, le fringant François reçu à Vichy par le maréchal PétainEdgar Faure, homme d’état, académicien, ne prétendait-il pas que « ce n’est pas la girouette qui change mais la direction du vent » ?

CM

 

1  - Jean MAZE - La tragédie de l’épuration: “le système 1943 – 1951”.

2 - Tzvetan TODOROV Essayiste, philosophe, sémiologue et historien des idées françaises.

3  - Pierre PEAN - “François MITTERRAND 1934 – 1947”.