Antoine nous fait un tableau,  rapidement brossé, de la situation, de l'état de célibataire dans notre société et en particulier, peut-être, dans celle de son ailleurs...

Aujourd'hui trop de gens ne sont pas mariés et vivent en couple. Le célibataire n'est plus qu'un homme ou qu'une femme qui vit sa vie sans se préoccuper de se marier, la société leur propose le "pacs" qui absorbe bien des problèmes, des  injustices, qui se font jour lors du décès de l'un des "conjoints", et de la succession de biens acquis en commun. 

Quant aux vrais célibataires, et en particulier ceux d'Henry de Montherland, il y a belle lurette que ceux-ci, même s'il subsiste quelques spécimens,   ne pourraient survivre sereinement dans une société trop influencée par le regard des autres. D'autre part, il semble évident que leur autonomie ne saurait résister à la moindre défaillance; dès les premiers assauts de la mauvaise santé, ils sont  placés, d'office, en maison dite  de retraite pour les plus âgés et de rééducation et d'hébergement pour les plus jeunes. On ne peut aujourd'hui vivre vraiment seul, c'est un luxe et surtout un jonglage permanent avec l'administration et les  assistants sociaux, qui ne sont là que pour eux-mêmes, dans trop de cas et si d'aventure le contraire était possible, cela se saurait !

Voilà encore un bon sujet de discussion provoqué par Antoine, il y a tellement à dire...

 

Du mariage et autres futilités…

Je  pense qu’en ce moment je peux me permettre d’aborder le thème. Ma réputation ne court plus aucun risque. Les uns trouvent que j’en fais un peu trop, d’aucuns me prennent pour un doux rêveur, d’autres mettent en doute mes penchants sexuels, beaucoup me classent parmi les pointilleux et les extrémistes, voire les casse… pieds, et il y a  encore ceux qui m’imaginent un peu farfelu; 90% me jugent idiot et la majorité sont bien capables de me considérer dangereux. Pour cela même, je pars du principe que je peux exposer quelques idées et mon opinion sur le mariage et autres futilités. Je dois avertir que je   suis   croyant, mais ne me sens pas obligé de considérer le mariage comme une liaison sacrée et, par le fait, demander dès à présent, aux lecteurs qui sacraliseraient cette union, d’arrêter de lire maintenant ou, s’ils continuent, de ne pas le prendre en mauvaise part et surtout de ne pas s’en offusquer. Positivement et définitivement le mariage ne vaut pas ça ! J’ai parlé de mariage mais dans ce mot j’englobe le concubinage et/ou autres  formes de vie en commun à deux (voire plus…). Ce ne seront sûrement pas le Président de la République qui me contredira.

Je dois préciser pour ceux qui ne me connaissent pas que je suis célibataire, sain de corps et d’esprit, militaire à la retraite.

Bon, devant ce tableau succinct, les personnes qui me connaissent doivent être fort préoccupées. Il y a même une dame qui se trouve tellement angoissée par mon « avenir » que chaque fois qu’elle rencontre ma  sœur ainée, ne la salue même pas, ne lui demande pas comment va-t-elle, ou comment va le reste de la famille, non, elle attaque d’emblée : « alors Antoine est revenu, est-ce qu’il s’est enfin marié? ». Devant la réponse négative de ma sœur, la dame semble désolée et réussit à peine à balbutier quelques banalités sur la météo. C’est authentique. Moi-même j’ai été témoin de l’embarras des personnes. Un de ces derniers week-ends je suis allé revoir ce qui était la maison de mes parents et je me suis rendu au centre  social de la bourgade – l’épicerie – où plusieurs personnes, déjà très vieilles, m’ont reconnu. Après les usuelles salutations, elles m’ont fait part de leur étonnement de ne pas me voir depuis des années. Une des personnes qui savait que depuis longtemps je ne vivais plus là, et heureuse de ce savoir, a informé les autres. Immédiatement tout le monde a regardé ma main gauche à la recherche d’une alliance, mais portant des gants de conduite, elles ont dû oser la sempiternelle question : « alors les petits-enfants »?  sous-entendu: la femme, les enfants... Quand j’ai révélé l’état de la situation – célibataire sans enfants et sans petits-enfants - j’ai vu leurs yeux se refermer à demi, les mâchoires se contracter et les fronts se rider en une génuine commisération teintée de doute. Désolées – regardez bien si ça ne fait pas de la peine, un homme comme ça et toujours célibataire – restées comme deux ronds de flan, les personnes ne savaient quoi dire. On ne doit pas leur en tenir rigueur. Ces gens sont très sincèrement préoccupés par la vie des autres ; ils ont été éduqués dans la perspective d’un mariage catholique, d’un banquet d’au moins cent invités, les uniformes des camarades brillant de tout leur éclat, une lune de miel à Tahiti, du baptême des enfants à l’église, de l’échange de la voiture tous les trois ans, de l’antenne parabolique aussi, des week-end dans  la petite maison à la campagne, de la ligature des trompes de l’épouse  (la vasectomie ne faisant pas encore partie du répertoire classique) pour arrêter les allocations familiales, et après quelques décorations et une retraite bien méritée, enfin, l’enterrement classique catholique apostolique et romain (bien que l’incinération connaisse  de plus en plus d’adeptes), avec clairon et drapeaux des amicales.

Parce que ces bonnes gens se méfient profondément des célibataires. Le pauvre, est le mot qui leur vient immédiatement à l’esprit. Les célibataires, les pauvres, sont ceux qui ne peuvent être qu’oncles… (paradoxalement nous avons le cas des célibataires enfants uniques qui, pour être oncles ou tantes, devraient se marier avec des femmes, ou des hommes, qui auraient des frères ou sœurs et, ceux-ci, des enfants).

Les célibataires au féminin n’échappent pas à l’analyse : ce sont des femmes à l’hymen momifié, à l’utérus atrophié et au caractère revêche, qui doivent donner des cadeaux chers aux neveux et nièces à l’occasion des journées festives telles que Noëls, anniversaires et compagnie…

Quant aux célibataires hommes, ils sont gays ou putassiers, aiment faire la bringue et boire plus que de raison et, à partir d’un certain  âge, commencent à sentir le rance et à ne plus être très propres sur eux… Soumis aux mêmes obligations familiales, ils s’en distraient en évoquant des prétextes futiles d’absence aux grandes réunions annuelles de leurs familles.

Etre célibataire, d’après la majorité, ce n’est pas un choix et un style de vie, c’est une malédiction, une disgrâce, presque une ignominie. C’est une situation triste qui est réservée à des personnes qui ne semblent pas très normales. Et si elles vivent seules, alors… les hommes échappent encore, mais les femmes… une femme célibataire doit vivre avec ses parents jusqu’à trouver son propriétaire, c'est-à-dire, jusqu’au mariage. S’agissant d’elles, on part du principe qu’une femme n’a pas  capacité ni autonomie suffisantes pour se débrouiller sans une autre personne. Si cela se vérifie c’est qu’il y a quelque chose d’erronée. Il n’y a pas de fumée sans feu… les doutes surgissent. Serait-elle frigide ? Nymphomane ? Lesbienne ? Aurait-elle un quelconque traumatisme d’ordre psycho-sexuel ? Un traumatisme en relation aux hommes ? A-t-elle une vie sexuelle seulement ? Quand elle rejoint son lit, lit-elle des romans érotiques ? Regarde-t-elle des films pornographiques ? Frustrée ? Se masturbe-t-elle dans la cuisine ? A-t-elle ces attitudes ou réactions parce qu’il lui manque ce que nous savons ?...

Et pour tous, les pauvres, ça doit être horrible d’arriver à la maison sans   personne à vous attendre… C’est déprimant…

D’un autre côté les célibataires sont un véritable danger. Les femmes mariées n’aiment pas inviter une célibataire à la maison. Elles sont appréhendées comme des sortes de tarées, tritureuses d’hommes mariés ; des femelles en rut permanent et aux griffes acérées, une menace subversive au sacro-saint mariage ; un péril puissant et latent…

Les célibataires hommes souffrent du même préjugé mais de la part du mari. De surcroît le célibataire invité ne doit pas passer la main sur la tête de l’ainé, qui a neuf ou dix ans, car : - ah… ça y est, en fait il est pédophile !... On a trouvé enfin le pot aux roses. Par prudence le mieux est de coucher les gosses avant l’arrivée des invités. Allez pyjama et au lit, ouste !

Et quand ce n’est pas comme ça on ne nous invite pas car personne ne sait quoi faire avec nous. Une personne seule n’est pas aisée à caser… le nombre à table ne sera pas pair… Deux c’est la normalité… Un ou une ce n’est pas commode où alors il faudra trouver un veuf ou une veuve pour compenser…

Militaire de carrière,  j’ai vécu de nombreuses années ce qu’il est convenu d’appeler le cas des « veuves géographiques ou opérationnelles » en régiment. Les maris, en opération outre-mer ou à l’étranger, n’interdisaient pas à leurs épouses une vie sociale normale. Aussi celles-ci acceptaient volontiers les invitations des couples restés en garnison. Et me voilà convoqué à diner chez les untel… Arrivé, je découvrais immédiatement la veuve géographique à qui j’allais tenir la jambe (en tout bien tout honneur) pour la durée de la soirée ! Il y avait les attitrées. Je n’étais jamais ou peu invité avec certaines et toujours avec d’autres… cela me coûtait cher car, ayant l’habitude de faire envoyer des fleurs à la maitresse de maison dès le lendemain, si la soirée m’avait plu, je me croyais obligé d’en envoyer aussi à ma « partenaire » de la veille ! Bigre, ce que j’ai pu faire les beaux jours d’Interflora ! Marié, la chose eut été tout autre : l’invitation du couple ayant invité ! Rétribution à moindres frais et hop, le tour aurait été joué !

Alors pour avoir la paix, si l’on vous demande votre état-civil, hors des administrations bien entendu, dites que vous êtes divorcé ou, mieux encore et même si vous ne portez pas de double alliance, répondez d’un air attristé : veuf… le cancer vous savez…

AM