Histoire. 26 décembre 1949. La 1ère compagnie du 2e B.E.P. saute sur Hieu-Tu.

26 décembre 1949 : à 16 heures, le capitaine Robert Caillaud du 2e B.E.P. est convoqué au P.C. de l’état-major du commandement des Troupes aéroportées Sud par le commandant Pierre Decorse. Decorse fait un exposé précis et concret de la situation ; trois groupements viêts convergent vers Tra Vinh, par le Nord ; l’Ouest et le Sud.

*Caillaud apprécie la clarté et la précision de ce polytechnicien qui est, à ses yeux, un ‘’très grand bonhomme’’. Il apprécie également son audace. Les deux hommes sont si bien en phase que l’ordre d’opération est vite établi.

• Malgré l’heure tardive interdisant l’intervention de l’aviation de chasse, tant en protection de largage qu’en appui au sol, les très mauvaises conditions météorologiques (nuages, pluie, vent soufflant à 22 mètres par seconde) et l’absence de zones de saut reconnues, le capitaine Robert Caillaud du 2e B.E.P. accepte d’engager sa compagnie par voie aérienne.

• Il demande et obtient carte blanche pour conduire l’action à sa guise en s’affranchissant des prescriptions réglementaires concernant l’engagement d’une opération aéroportée.

• Le capitaine Caillaud survole Hieu-Tu à basse altitude ; il cherche en vain d’obtenir une liaison radio avec ce qui subsiste du dispositif ami ; le sol lui apparaît jonché de morts et de blessés ; des véhicules brûlent sur la route. L’ennemi se dévoile par des tirs d’armes automatiques en provenance des lisières est de Hieu-Tu. 32 impacts seront relevés à l’atterrissage dans le fuselage et les plans de l’avion.

*Un vent fort balaie la zone de largage. La nuit va tomber. Mais les légionnaires vont sauter.

• A 18 heures 30, les 132 légionnaires de la 1ère compagnie du capitaine Caillaud du 2e B.E.P. sautent des six Dakotas, à 100 mètres d’altitude, sur la rizière au sud-est et au plus près de Hien Tu, village d’autodéfense, à une douzaine kilomètres au sud-ouest de Tra Vinh, enlevé par un fort élément ; le village de Tra Vinh, petite sous-préfecture, est menacé par trois bataillons du général Nguyen Binh.

• Trois tués, le sergent Meignan et les légionnaires Langmar et Walscher et douze blessés ; dont les légionnaires Blahnio et Vanderberg gravement touchés, à la section Stabenrath tombée pratiquement sur Hieu Tu. En plus des tués et des blessés dans l’assaut du village, huit légionnaires ont eu des contusions en tombant sur la route ; un seul dans un état grave : Cihak, l’infirmier de la compagnie, qui s’est fracturé la colonne vertébrale.

• La rizière inondée par les pluies récentes est un bourbier. Les parachutes entraînés par les bourrasques refusent de se coucher : dégonfler sa voilure pour se dégrafer exige du muscle et la glaise colle aux mains et aux armes. Sitôt sur pied, la compagnie fonce sur Hieu-Tu.

• La section Stabenrath est à dégager. Les autres éléments de la 1ère compagnie se déploient en soutien face à Hieu-Tu et bloquent net une action offensive ennemie par des effectifs importants. La nuit empêche de poursuivre. Le bataillon ennemi occupe le village de Hieu-Tu, mêlé à la population qu’il a prise en otage, interdisant aux légionnaires toute action offensive. Mais le dispositif de la 1ère compagnie interdit toute reprise de la progression ennemie vers Tra Vinh.

• Les Viêts qui ont subi des pertes sévères, ont compris et décrochent vers l’ouest, dans la nuit, devant cette irruption subite.

• La 1ère compagnie a rempli sa mission : les Viêts ne marcheront pas sur Tra Vinh.

• Originale et audacieuse dans sa conception, vigoureuse dans sa conduite, cette opération aéroportée restera dans l’Histoire des Parachutistes comme l’exemple de ces opérations insolites qu’ils ont vocation à conduire.

Jean Balazuc P.P.P.P.

Sources.

Les parachutistes de la Légion 1948-1962 du capitaine Pierre Montagnon – Pygmalion 2005

Le 2e B.E.P. en Indochine, Paras-Légion du capitaine Pierre Sergent – Presses de la Cité 1982.

Légionnaires parachutistes de Pierre Dufour – Editions du Fer à Marquer 1989.

Le général Caillaud ; soldat de l’insolite, de Jean-Pierre Simon – Bernard Guiovanangeli Editeur 2013.

Site du 2e B.E.P.

Site Mémoire des hommes du S.G.A.

Blahnio, légionnaire à la 1ère compagnie du 2e B.E.P. ; gravement blessé à Hieu-Tu dans la région de Tra-Vinh en Cochinchine le 26.12.1949.

Caillaud Robert Pierre Daniel Paul, né le 21.10.1920 à Aubiat dans le Puy-de-Dôme ; saint-cyrien de la promotion Charles de Foucauld 1941-1942, repliée à Aix-en-Provence ; sous-lieutenant à sa sortie prématurée de Saint-Cyr vers les chantiers de jeunesse en 1942, il rejoint l’O.R.A. et la Résistance ; en juin 1944, il termine sa formation au maquis de l’Auvergne ; en septembre 1944, il participe à une opération menée dans le bec de l’Allier pour barrer la route de l’importante colonne Elster des troupes allemandes qui remontent de Pau et de Bordeaux vers l’Allemagne. La colonne se rend avec 13 000 personnes dont trois généraux. La division Auvergne est incorporée au sein de la 1ère Armée et devient le 151e R.I. sous le vocable des Diables Rouges dans le campagnes d’Alsace et d’Allemagne au cours desquelles il manifeste, outre ses qualités de meneur d’hommes, un goût certain pour les solutions originales qui va marquer toute sa carrière ;  il termine la guerre comme lieutenant, chef de section, avec trois citations sur sa Croix de Guerre 1939-1945 ; ayant combattu aux côtés de la Légion Etrangère, il décide de rejoindre ses rangs ; le 20.07.1945 il se présente au D.C.R.E. ; après un bref séjour à Sidi-Bel-Abbès, il est affecté au I/2e R.E.I. avec lequel il débarque à Saïgon en 1946 : lieutenant légionnaire, chef de section puis commandant de compagnie au 2e R.E.I. en Annam. Pendant deux ans, il s’illustre par son courage, sa fougue et son imagination. Sortant des sentiers battus, il recrute des partisans locaux pour sa section et crée même une unité à cheval ; Quatre citations et la Croix de Chevalier de la Légion d’Honneur récompensent ces deux années passées en Indochine. IL rentre en Algérie en 1948. Il est chargé de former la 1ère compagnie du 2e B.E.P. qui vient d’être créé en vue d’une projection en Indochine : officier parachutiste au G.I.P. de la Légion Etrangère à Khamisis au Maroc en 1948 puis avec le 2e B.E.P. à Sétif en novembre 1948 et enfin en Indochine en février 1949 ; le 2e B.E.P. intervient au Cambodge, an Cochinchine, en Annam et au Laos. Capitaine le 01.10.1949, commandant la 1ère compagnie du 2e B.E.P. en Indochine en septembre 1949. A Tra Vinh, la garnison est encerclée par trois régiments viêtminh ; la 1ère compagnie saute le 26.12.1949 à 100 mètres d’altitude, à la tombée de la nuit, sans appui de la chasse, avec un vent de vingt-deux mètres seconde, sur une zone non reconnue ; le combat s’engage ; au prix de trois morts et douze blessés, elle repousse et chasse l’ennemi ; la garnison est sauvée. Il s’illustre à Dong Hoi le 06.01.1950. Il s’illustre à Ke-Sat le 03.02.1951. Au cours de ce deuxième séjour, il est blessé deux fois, dont une fois grièvement au ventre lors d’un accrochage avec le régiment viêtminh 95, et obtient deux citations à la tête de sa compagnie. De retour en Algérie en 1951, il est chargé de l’instruction au 3e B.E.P. Au cours de ce 3e séjour en Indochine, il se porte volontaire pour un poste d’état-major du groupement aéroporté du colonel Langlais à Diên-Biên-Phu : il saute dans la nuit du 5 au 06.04.1954 ; adjoint du commandant Bigeard, il a pour mission d’organiser les contre-attaques ; fait prisonnier, il marche avec les autres prisonniers vers les camps d’internement Viêt ; puis libéré le 02.09.1954. Il est affecté au 2e R.E.P. comme chef d’état-major ; chef de bataillon le 31.12.1957 ; adjoint du 2e R.E.P. de février à avril 1958 ; il participe à de nombreuses opérations avec des bilans exceptionnels ; il gagne trois citations dont deux palmes. En mars 1959, il est affecté à l’état-major du commandant des T.A.P. En 1961-1963, il est officier de liaison, instructeur de l’Ecole des T.A.P. allemandes à Schongau. Lieutenant-colonel, il est nommé Chef de corps du 2e R.E.P. du 29 mai 1963 au 20 juin 1965 ; devant assurer la sécurité de la base de Mers-el-Kébir, le régiment est installé à Bou-Sfer dans des conditions difficiles et il poursuit les améliorations commencées par le colonel Chenel. Il commence la ‘’révolution Caillaud’’ : il l’est l’acteur principal de la course à l’innovation du régiment et de la spécialisation des sections qui permet aux compagnies de pouvoir remplir immédiatement les missions les plus diverses. Il passe un an à l’état-major des forces alliées en Centre Europe en 1965-1966 avant d’être nommé chef du bureau des troupes aéroportées et amphibies à la direction technique des armes. Commandant l’E.T.A.P. en 1972, il passe le brevet de saut opérationnel à haute altitude à 52 ans ; il devient le doyen des Grandes Etoiles ; il tient toujours à donner l’exemple. Il est le père des chuteurs opérationnels. Général en 1975,  il commande la 1ère Brigade parachutiste. Il termine sa carrière comme adjoint opérationnel à la 11e D.P. en 1978. Grand-Officier de la Légion d’honneur ; titulaire de la Croix de Guerre 1939-1945 avec trois citations, de la Croix de Guerre des T.O.E. avec huit citations dont trois à l’ordre de l’armée ; de la Croix de la Valeur militaire avec trois citations dont deux à l’ordre de l’armée. Patron de l’Entraide Parachutiste pendant quelques années. Il consacre une partie de sa retraite à s’occuper des cas souvent douloureux d’anciens parachutistes vietnamiens ayant servi dans les rangs du 1er B.E.P., du 2e B.E.P. et de la C.M.L.E. Au terme de longues et difficiles démarches, il réussit à ramener quarante-deux familles en France, dont l’intégration est un modèle de réussite. Il aura l’insigne honneur de porter la main du capitaine Danjou, pour Camerone le 30 avril 1995, à Aubagne. Membre du Club des C.S.P.F. Décédé fin 1995. Héros du livre ‘’Soldat de l’Insolite’’ de Simon.

Cihak, légionnaire parachutiste ; infirmier de la 1ère compagnie du 2e B.E.P. le 26.12.1949, il se blesse gravement en tombant sur la route entre Tra Vinh et Hieu-Tu ; il se fracture la colonne vertébrale.

Decorse Pierre, né en 1913 ; polytechnicien de la promotion 1933 ; campagne de France ; officier parachutiste dès 1947 à Vannes ; campagnes d’Indochine avec le R.M.T. , le 5e B.C.C.P. ; commandant le 3e B.C.C.P. de juin à octobre 1950 ; puis commandant le I/35e R.A.L.P. à Tarbes ; chef d’escadron, commandant le 11e B.P.C. de février 1953 à septembre 1955 ; lieutenant-colonel, commandant la 11e D.B.P.C. d’octobre 1955 à juillet 1961 et commandant le G.M. de la D.B.P.C. d’avril 1956 à septembre 1957, en Algérie ; directeur adjoint du C.I.E.E.S. à Colomb-Béchar de 1961 à 1964 ; général de brigade ; commandeur de la Légion d’Honneur ; croix de guerre 1939-1945, croix de guerre T.O.E., V.M. avec 11 citations ; président de l’Union Nationale des Parachutistes de juin à octobre 1974 ; membre du C.S.P.F. Décédé le 27.05.2005.

Langmar Sadislaw, né le 10.02.1926 à Szekesfcharver en Hongrie ; légionnaire à la 1ère compagnie du 2e B.E.P. ; tué au combat le 26.12.1949 à Hieu-Tu dans la région de Tra-Vinh en Cochinchine.

Meignan Jean, né le 11.02.1924 à Belligné en Loire Inférieure ; sergent à la 1ère compagnie du 2e B.E.P. ; tué au combat le 26.12.1949 à Hieu-Tu dans la région de Tra-Vinh en Cochinchine.

de Stabenrath Alain, né le 28.10.1925 à Vaulry en Haute Vienne ; lieutenant légionnaire parachutiste, chef de section au 2e B.E.P. en Indochine en 1949-1950. Le 26 décembre 1949, sa section est larguée sur le village Hieu-Tu, tenu par les Viêts. Avec le 1er B.E.P., à Diên-Biên-Phu ; blessé le 17.04.1954 sur le P.A. Huguette 1 ; fin avril 1954, les 1ère et 4e compagnies du 1er B.E.P. sont regroupées derrière lui ; grièvement blessé le 03.05.1954 ; fait prisonnier ; ramené à D.B.P. ; faute de soins, décédé par maladie le 12.05.1954.

Vanderberg, légionnaire à la 1ère compagnie du 2e B.E.P. ; gravement blessé à Hieu-Tu dans la région de Tra-Vinh en Cochinchine le 26.12.1949.

Walscher Hans Peter, né le 19.11.1929 à Eberfeld en Allemagne ; légionnaire parachutiste de 1ère classe à la 1ère compagnie du 2e B.E.P. ; tué au combat le 26.12.1949 à Hieu-Tu dans la région de Tra-Vinh en Cochinchine.