Je suis toujours surpris, voire un peu choqué lorsqu’à l’occasion de débats télévisés, l’animateur nous présente : untel écrivain, tel autre journaliste, et encore celui-ci philosophe. Comme si - en matière de philosophie - le présentateur avait convoqué  sur son plateau, Socrate, Aristote ou Diogène le Cynique…  alors qu’en fait, le philosophe en question, est simplement agrégé de philosophie.  Est-il vraiment philosophe ? Détient-il des vérités premières, universelles ?... Les recherche-t-il ?

Notre ami Christian, n’est ni grec (Dieu merci), ni agrégé de philosophie et pourtant… il se livre dans ce billet à un exercice qui fait appel à cette discipline qui se présente comme un questionnement, une interprétation et une réflexion sur le monde et l'existence humaine… il y ajoute l'existence légionnaire.

AM

Il était une fois…un prince qui s’appelait Siddhârta, il vivait dans l’Inde du VI° siècle avant notre ère. Cet enfant princier avait tout ignoré du malheur jusqu’à l’âge adulte; il n’était entouré que d’individus jeunes et en bonne santé et son père avait interdit qu’il franchisse l’enceinte du palais afin que rien de désagréable ne vienne le heurter.

A quatre reprises, Siddhârta réussit à sortir, il vit ce qu’il ne devait pas voir: un vieillard, un malade, un mort et un ascète. Il en fut si interloqué qu’il interrogea son fidèle serviteur, lequel lui révéla que, quels que soient leur pouvoir et leurs richesses, tous les êtres vieillissent et ne sont épargnés ni par la maladie, ni par la mort.

Révolté par ce sort, il décide de le vaincre et s’enfuit pour rejoindre les ascètes des forêts. Mais il se rendit bien vite compte que lui aussi finirait par vieillir et mourir.

Alors, le prince se mit sous un arbre pour méditer; c’est à ce moment qu’il atteignit l’éveil et devint “Bouddha” qui veut dire “l’éveillé”.

Qu’avait-il donc compris ?

L’éveillé qu’il était devenu, s’était auto-enseigné qu’il faut accepter la vie et chercher à éliminer le malheur par la connaissance de soi ainsi que par un travail de transformation profonde. C’est seulement dans l’aboutissement de cette recherche que nous pouvons atteindre une véritable sérénité.

J’aime beaucoup cette histoire ainsi que celle de Jésus. Je fais mienne leur philosophie.

Avec une telle approche et cet esprit de recherche intérieure, comment serait-ce possible, et surtout cohérent, de s’engager au titre de la Légion étrangère?

Presque toujours,   s’engager à la Légion est le résultat d’une crise personnelle ou familiale, politique ou sociale que le candidat légionnaire a vécu.

Les uns ont été pris dans les remous politiques de leur époque, des renversements de situation. L’appel de l’aventure   pousse d’autres, incapables de vivre dans le  cadre  étriqué  de la vie dite normale, ceux que les petits bonheurs confortables ne peuvent retenir, ceux qu’étouffent les brumes et les pluies incessantes, les ciels de suie des régions industrialisées, ceux qui ne résistent pas à l’appel lancinant des pays du soleil.

Il en est aussi qui viennent par goût des armes, par attrait du “baroud”. Ils ont le métier de soldat dans la peau et ne trouvent pas dans leur pays l’occasion de l’exercer. Il existe aujourd'hui, ceux qui viennent attirés par la solde du légionnaire qui s'est rapprochée du smig français, somme importante comparée à celui de son pays en voie de développement.

Vient ensuite la catégorie des petits délinquants, ceux qui ont oublié de payer la pension alimentaire, les impôts… La Légion leur offre la possibilité du rachat par l’effort, le don de soi, les dangers du combat...

Enfin,  restent ceux qui viennent chercher l’oubli. Pour eux, la tenue du légionnaire couvre une détresse orgueilleusement cachée. Le cafard du légionnaire, source de débordements multiples, trouve sa source dans un retour du passé chez celui qui pensait l’avoir oublié.

Tous ont en commun, de n’avoir pas fait le choix de la médiocrité. Pousser cette porte vers l’inconnu est déjà courageux en soi.

Ils ont, devant le malheur et la malchance, réagi  en hommes, préférant l’aventure aux contraintes d’une vie sans intérêt pour eux. Ils sont venus chercher une liberté intérieure par le choix de règles rigides, l’absence de soucis et le pain quotidien assuré: “je souscris un contrat moral et d’honneur avec la France, avec l’éventualité d’y laisser ma vie ; je ne lui demande que de s’occuper de moi. Contrat à durée indéterminée, renouvelable par tacite reconduction jusqu’à la mort ».

Par les conditions de ce recrutement ouvert aux gens particuliers, la Légion pourrait, très vite, être encombrée d’éléments suspects, indésirables, voire dangereux.  Mais elle y veille et elle s’est donné les moyens d’écarter les indignes qui voudraient s’installer en son sein. Car si elle est un refuge et un asile, elle ne survivrait pas, si, dans ses rangs se rassemblait le rebut de nos sociétés.

Certains écrits de Raoul Follereau, loin d’être hors sujet, peuvent être les éléments d’une conclusion possible: “Combats la misère, l’injustice sociale, le fanatisme quel qu’il soit… toute ta vie dénonce l’égoïsme de ceux qui mangent trois fois par jour et s’imaginent que le reste du monde en fait autant. Personne n’a le droit ni le pouvoir d’être heureux tout seul.”

CM