“Madame Raymonde Landru (avec un nom pareil, la réalité dépasse la fiction), avait, avec son chat “Cannibale”, une relation familiale presque maternelle. Cet animal doux, paisible et surtout paresseux accompagnait partout, sa maitresse.

Par malheur, "Cannibale" qui ne jouissait pas d’une bonne vue, confondit un fil électrique avec la queue d’une souris. Raymonde fut atterrée et très attristée de la mort de son compagnon. Elle décida, en hommage à son animal de compagnie, de le manger au déjeuner. Ainsi, pensait-elle, le cher disparu ne ferait plus qu’un avec elle...

Elle avait entendu par un ami, ancien légionnaire, que la viande de chat était un peu plus dure que celle du lapin, et qu’il fallait un petit peu prolonger le temps de la marinade, avant de passer au ragoût proprement dit…

Elle trouva Cannibale très goûteux, il aurait été sans aucun doute, disait-elle, content de pouvoir encore faire plaisir à sa maîtresse.

J’entends déjà les hurlements de mes proches découvrant cette horrible histoire.

Néanmoins, dame Raymonde ne regretta jamais sa décision et n’en parla à personne.

Je trouvais l’anecdote intéressante, elle suscitait en moi plusieurs réflexions.

A priori, les gens n’ont pas l’habitude de manger leur animal familier. Mais quel manque d’éthique morale pouvait-on reprocher à la vieille dame ?

-       - Cannibale n’a pas été tué pour être mangé.

-       - Il n’a pas souffert d’être mangé.

-       - Personne n’en a souffert.

-       - Dame Raymonde a été réconfortée d’avoir mangé Cannibale.

Horrifiés à l’idée de manger leur compagnon, les gens pensent que l’acte est condamnable. Ils ont une réaction forte, à cette idée, ce sont des émotions plus que la raison qui commandent leurs convictions. Ainsi le philosophe Jonathan Glover prétendait: “Que le nombre d’atrocités du siècle dernier ont été rendues possibles précisément parce que les gens avaient été émotionnellement déconnectés.”

Quant à Steven Pinker (Comprendre la nature humaine), celui-ci affirme: “La différence entre une position morale défendable et une réaction atavique instinctive, est qu’avec la première, il nous est possible de donner des raisons justifiant notre conviction.”

Il est à craindre que si nos jugements se fondent sur un sentiment de dégoût, nous condamnons des actes et aussi les gens sans aucune raison valable.

En Inde, les intouchables ne pouvaient être touchés – d’où leur nom – et n’étaient pas autorisés à toucher les gens de castes supérieurs même avec leur ombre, ils étaient comme des salissures  impures…

Comment ne pas penser que les actes de dame Raymonde, relevant de la sphère privée, peuvent ne pas être moralement condamnables, plutôt que de privilégier la raison par rapport à l’intuition.

Il nous faut revoir nos jugements, réfléchir aux questions morales qui mettent l’accent sur la soif de vertu qui sommeille en nous.

Furieux, souvent déconcertés, ce genre de situation nous fait voyager dans les méandres de notre conscience, Fichtre !

CM