Je souhaite aujourd’hui vous raconter une histoire incroyable et lorsque l’on dit que le monde est petit, vous verrez à quel point le dicton qui dit : « qu’il n’y a que les montagnes qui ne se rencontrent pas » prend ici toute sa signification. A votre lecture …

 

Heinz Kuznik était pensionnaire à la Maison du légionnaire depuis 1979, c’était le porte drapeau, qui au temps de sa jeunesse avait été soldat allemand pendant la guerre de 1939-45. Ainsi, lors des commémorations du 8 mai, seule la Légion pouvait présenter cette particularité d’avoir sur ses rangs un soldat du camp opposé qui affichait, quand même, sur sa poitrine une Légion d’honneur et une médaille militaire. Heinz avait été fait prisonnier par les Russes. C’était pour lui,  un souvenir très désagréable, notre ancien gardait de cette période qu’il avait souffert de la faim qui le tiraillait sans cesse, il ne mangeait pas toujours de quoi nourrir sa jeune carcasse soumise aux travaux forcés. Un an après, il fut envoyé en Sibérie, dans des conditions de vie exécrable au point qu'il ne pensait pas survivre. Il précisait qu'il fallait avoir vécu de tels moments pour se rendre compte de ce que l’homme peut supporter. Sa vie d’adulte avait très mal commencé et son seul souci était pour lui de réussir à se sortir de cette situation insoutenable. Une expression expliquait fidèlement son attitude permanente d'homme blessé, renfermé, trop discret; il disait souvent avec tristesse à qui voulait l'entendre: « je n'ai connu dans ma vie que la guerre ! ».

Heinz fut libéré en 1948, il fut donc quatre ans prisonnier et se retrouva en Allemagne, libre mais bien marqué par cette  détention chez des Russes (ils n’ont pas la réputation d’être particulièrement tendres surtout pour ces « maudits » prisonniers allemands) .

Après deux ans de navigation sur un bateau commercial, il s’engage à la Légion étrangère et se trouva immédiatement "projeté" dans le conflit indochinois où il restera jusqu’en 1954, date du rapatriement de la Légion sur l’Algérie, suite à la défaite de Diên Biên Phu.

Pour notre camarade, commence alors une toute autre guerre, qu’il dit plus sournoise, plus dangereuse. Cet ennemi là, disait-il, "était beaucoup plus haineux que les Indochinois et les Russes, ils étaient sans pitié, c’était des « religieux », il n’avait pas la réputation de faire de prisonniers."

Heinz Kuznik n’a pas démérité de sa patrie d’adoption, sa carrière militaire française avait été sanctionnée par une Légion d’honneur et une médaille militaire parfaitement méritées…

Ce mercredi 1er Avril 2002,  arrive de Marseille à la Maison du légionnaire, l’ancien caporal Franz-Otto Linn, âgé de 84 ans. Comme Kuznik, ils sont tous deux de nationalité allemande et ne manquent pas de sympathiser d’autant qu’ils résident dans le même bâtiment.

Après les mots d’usage pour accueillir le nouveau venu, des souvenirs communs ressurgissent et quand ils remémorent ensemble leurs souvenirs de jeunesse en Allemagne, ils s’aperçoivent qu’ils étaient tous deux soldats allemands pendant la seconde guerre mondiale, qu’ils furent prisonniers par les Russes en même temps et… dans le même camp de prisonniers, au même endroit. Franz fut libéré en 1949, un an après Heinz et aussitôt s’engage à la Légion pour se retrouver avec lui, au même endroit en Indochine, toujours sans se voir, peut-être se sont-ils croisés ?

Enfin, les deux compères avait fait connaissance, ils auraient, quand même, été inspirés de ne pas attendre autant de temps pour se rencontrer et pour parler de choses et d’autres… Et pourtant, ils y avaient, tant et tant, de choses à se dire...

Aujourd’hui ils sont réunis, cote à cote, au carré Légion du cimetière d’Auriol.

Peut être qu’au grand bivouac où sont réunis les anciens légionnaires, ils continuent à parler de cette belle rencontre, ils avaient tant et tant de choses à se dire...

CM