Réflexions en vrac,dernier jour de confinement…

J’ai assurément, l’oeil renseigné du septuagénaire, ce personnage à la mémoire saturée pour avoir fait le tour des choses et qui arrive au bout d’un long chemin semé d’embuches qui à pour nom existence.

Je sais à l’occasion me présenter les mains lisses et soignées, pas celles de l’ancien ouvrier que je suis, mais celles d’un petit bourgeois, juste ce qu’il faut pour faire montre de belles lacunes dans mon ignorance au point de présenter parfois une forme de culture qui peut agacer, voire surprendre...

 

En fait, ma vie, je l’ai vécue en prise directe à la Légion étrangère et d’une toute autre manière que ce bourgeois cité précédemment. Adulte, je savais que notre société s’abrite des hommes ou du moins s’arrange d’eux. A la Légion l’arrangement était familier quand il le fallait, silencieux si nécessaire et capable de désinvolture autant que de gravité. J’avais en moi, le sentiment du droit, la satisfaction d’avoir fait le bon choix, la joie de m’estimer, ressort puissant qui me permettait de tenir debout et d’avancer vers mon destin qui ne dépendait pas que de moi-même. Toutes ces choses banales qu’un homme ne maitrise pas mais dont la privation le fait devenir enragé. J’ai en mémoire que dans ma jeunesse, souvent pour donner un sens à mon existence, je m’élevais au plus haut de la dune la plus grande à  regarder bouger ces fourmis humaines que sont les hommes qui vivaient comme des insectes sociaux. Il m’arrivait souvent de jeter une bouteille à la mer, j’expliquais à des inconnus que dans la période qui m’a été donnée de vivre, dans mes jeunes années, il y avait tellement de tristesse dans cette France d’après la seconde guerre mondiale que la jeunesse n’était pas seulement qu’un âge de la vie, mais une valeur suprême et que le droit le plus difficile à défendre était celui d’échapper à la fête. Il y avait fête de tout. Comme expliquait en écrits vains un auteur célèbre qui affirmait qu’à travers les fastes de la fête l’homme s’imposait à vivre: « Homo Erectus festif » c’était devenu le but principal d’une vie sans intérêt. Mai 68 est arrivé avec son « interdition d’interdire », mouvement de jeunes qui fit un effet buvard sur le monde ouvrier et qui laisse encore aujourd’hui des traces débiles; heureusement j’étais à Madagascar et cette mascarade m’était inconnue… Une pause dans mon existence, je n’avais plus d’horoscope qui me disait mon avenir, je vivais au présent à pleines dents et... je ne pensais qu’à bien festoyer avec mes camarades et une population prévenante et joyeuse comme devrait être le paradis dans mes rêves parmi les plus pessimistes…

Je divague, en fait, je ne cherche aucune construction dans ces écrits sans fil conducteur, j’écris pour écrire avec une calligraphie soignée, l’écriture avant la venue des «Textos» était une activité courtoise et les pleins et les déliés révélaient une certaine délicatesse inspirée par une élégance de coeur. Aujourd’hui, même la lecture est touchée, mes enfants m’ont montré ce qui s’affiche dans les librairies et dans les bibliothèques de Lycées : une étonnante liste des droits du lecteur où est précisée, entre autre, le droit de ne pas lire, le droit de sauter les pages, le droit de ne pas finir un livre, le droit de lire n’importe où, le droit de lire à voix haute, il n’est pas indiqué les seuls droits qui conviennent à tout homme, celui de penser et surtout de se taire...

Comme me hurlait un vieux légionnaire solitaire, un de ces curieux et mystérieux bonhommes que j’ai rencontré lors de mon service au profit des anciens : « il y a plusieurs façons de comprendre un mot, ainsi être poli était se reconnaître obligé, aujourd’hui, ce n’est pas s’affirmer mais s’amoindrir, c’est s’incliner, aussi Monsieur, je ne vous salut pas !» Voilà bien une conclusion efficace pour dire en peu de mots ciblés que notre société a bien changer, qu’elle se transforme et commence à être remplacée par une autre qui ne nous plait pas mais n’est-il point vrai que celui qui regarde faire est plus coupable que celui qui fait, ce vieux bonhomme accariatre à souhait, me disais avec ses mots que nous n’avons que ce que nous méritons, ainsi va l’histoire…

En ce dernier jour de confinement, et au moment où au lendemain de ce 8 mai aux cérémonies réduites, on voit apparaître en France une nouvelle ligne de démarcation en vert et rouge SVP; il y a ceux qui appelle un pain au chocolat « pain au chocolat », ils restent chez eux et les autres, « chocolatine » qui peuvent sortir… Nous aurons encore, n’en doutons pas beaucoup de choses à vivre et à dire !

CM