Pastel de Louis Perez Y Cid

Il est sans doute nécessaire de préciser ce qu’est : « Légion’Arts » a nos yeux et ce que nous souhaitons que cette Amicale particulière représente aux vôtres. Pour nous, l’idée n’est pas seulement de présenter de belles œuvres, c’est aussi une forme de philosophie qui nous anime et qui touche toutes les formes d’expressions artistiques, de la peinture à la poésie en passant par la photographie et bien d’autres disciplines culturelles.

Notre première exposition se fera à Camerone à Aubagne, elle devrait être révélatrice du message que nous souhaitons faire passer. Elle devrait aussi permettre au « sans grade » la possibilité de se faire connaître... Tout un programme qui impose que nous diffusions une information soutenue qui sollicite les artistes-membres à bien vouloir témoigner  sur ce qui les a motivé pour se lancer dans cette aventure artistique jusqu’à en faire plus qu’un simple passe-temps !

Aujourd’hui, pour lancer le «dialogue», un message en l’air avec espoir de réception; c’est CM qui ouvre la voie. Vous pouvez mettre vos commentaires sur FACEBOOK en ouvrant FSALE.

Bonne lecture !

 

Offrande d'après Céline

J’ai parmi les membres de ma famille, une cousine aveugle de naissance. J’ai toujours pris énormément de plaisir à discuter de choses et d’autres avec elle, de la prendre par la main et d’aller en sa compagnie me promener sur la plage de Zuydcoote, là même où était supposé avoir lieu le débarquement des Alliés et où s’est tourné le film du même nom.

Son handicap n’en était pas un pour elle, professeur de piano, elle s’était construite un monde bien à elle, c’était une personne très cultivée et j’aimais beaucoup l’entendre parler de sa voix douce et très agréable de ses  passions.

 

Le "père Légion" d'après Isabelle Maury d'après une oeuvre de Just, artiste légionnaire pensionnaire à Puyloubier.

Par contre, elle parlait avec une réelle fougue de ses mains qui représentaient des compagnes remarquables qui ont toujours fait leur besogne, par elles, disait-elle, on prend contact avec la dureté de la pensée. Ce sont des êtres animés, des servantes douées d’un génie énergique et libre, elles sont sans yeux, sans voix, mais elles voient et parlent. Grâce à elles, je suis capable de discerner les visages en les touchant et d’interroger les âmes. J’ai besoin de mes mains pour voir, mains déliées expertes, mains prophétiques baignées de fluide, mains spirituelles, mains tendres. Vois-tu me disait-elle, j’aime « regarder » mes mains au repos, sans l’appel d’une fonction, sans la surcharge d’un mystère, les doigts repliés, un peu comme si, elles s’abandonnaient à quelques songes. Parfois, alors que l’esprit travaille, faiblement elles s’agitent. Sur un violon, c’est l’une d’elles qui fait les notes en attaquant de ses doigts les cordes, tandis que l’autre par l’intermédiaire de l’archer ne fait que propager la mélodie.

L’homme a probablement fait la main, elle l’a dégagée du monde animal, dégagée d’une naturelle servitude. Elle lui a permis certains contacts que ne lui assurent pas les autres organes et les autres parties de son corps.

 

Reproduction d'un tableau au musée "Gauguin" à Tahiti.

J’écoutais ma cousine avec tendresse et passion. Quelques années plus tard, lors d’une affectation à Tahiti, je visitais le musée Gauguin situé au sud de l’ile. Je remémorais ses propos, cette femme avait parfaitement organisé sa vie et sa manière de penser. Gauguin m’intriguais, la vie de cet anciens bourgeois péruvien, selon ses propres expressions avait été celle d’un hardi et habile financier, enveloppée d’une existence douillette. Une mutation jaillit des profondeurs, il prit un dégout pour l’argent, il ne lui suffisait plus de dessiner avec les ressources de son esprit, il lui fallait peindre, la peinture devenait un moyen de ressaisir une antiquité à la fois lointaine et pressante qui finissait par l’habitait. Mais, non pas la peinture seule, mais toute œuvre venant de ses mains, il avait pris une revanche sur sa longue oisiveté civilisée qu’il exprimait à travers la poterie, la sculpture. C’est par ses mains, disait-il, que son destin l’a tiré vers des lieux sauvages. Gauguin ne se contenta pas seulement de peindre l’aventure humaine et celle des végétaux, il tailla des idoles dans des troncs d’arbres exotiques, non pas en copiste, ce qui se pratiquait à l’époque, mais d’une main authentique pour, disait-il, « retrouver les  secrets perdus ». Il bâtit "une case toute sculptée, pleine de Dieux…".

Il s’enfonçait dans les ombres dorées du temps qui ne meurt pas. Cet homme que je découvrais tentait certaine folie incompréhensible, il apprenait à utiliser sa main gauche: « cette innocente moins rompue à l’art que l’autre, moins experte en virtuosité qui cheminait avec une lenteur instinctive. Pour lui, éclatait alors avec cette technique, un charme quasi-religieux où sensualité et spiritisme se confondaient. Il déclenchait le chant de l’homme primitif et souhaitait revenir au commencement du monde et en même temps au terme d’une civilisation invivable, inhumaine. Ainsi, son tableau « le Christ jaune » laisse une grande réflexion provoquée par les inscriptions : « D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons nous ? ». Il s’accordait néanmoins des accords les plus délicats, éveillant ce qu’il y a de plus secret produits des ressorts de son imagination et de sa sensibilité. C’est par la main que cet homme restituait et imposait sans contrainte son art.

Ne comprend pas qui veut !

Andreas Rosenberg

Une leçon qui n'en est pas une, mais qui dit qu’entre l’esprit et la main, les relations ne sont pas aussi simples. L’esprit fait la main, la main fait l’esprit. Le geste qui ne crée pas, provoque un état de conscience et d'inutilité. La main arrache le toucher, elle organise l’action, elle apprend à l’homme l’étendue, le poids, la densité, le nombre. Elle crée un univers inédit et laisse partout son empreinte. Educatrice de l’homme, elle le multiplie dans l’espace et dans le temps.

Comment à partir d’une simple discussion avec ma cousine, qui vit dans un autre monde, est-il possible que mon esprit s’évade dans d’aussi lointaines contrées ? Chaque individu apporte à l’autre de beaux sujets de réflections… c'est un des buts de Légion'Arts.

CM