"Je me souviens, ouvrier dans une entreprise de réparations navales, au moment de la pause "casse-croute" de 09 heures 00, malgré le froid hivernal, nous nous retrouvions dans la cour de l’établissement autour d'un tonneau « brasero » de fortune que nous encerclions pour nous réchauffer. Un soleil pâle, mais présent, surgissait d’un épais brouillard et n'arrivait pas à nous faire oublier que nous étions en plein hiver.

Il ne donnait qu’une faible luminosité sans chaleur. Coiffé d'un bonnet rouge de marin, tout en dévorant avidement le sandwich, préparé avec amour par ma Mère, je regardais sans la voir, mon ombre projetée sur un sol ensablé. Mon sang ne fit qu'un tour, comment donc, en étais-je arrivé là, il me fallait absolument changer et donner un autre décor à mon ombre.

C'est ainsi que je me suis retrouvé quelques temps plus tard, quelque part, pas n’importe où et non guidé par le hasard à regarder mon ombre de légionnaire à Diégo Suarez à Madagascar.

Lors d'une faction un jour de garde, je regardais à nouveau cet ombre nouvelle qui m'accompagnait désormais et me rappelait la mouvance de mon émotion qui me fit changer d’air… Je compris que mon ombre n'était qu'un prêt, qu’elle appartenait au temps qui passe, parfois elle s'en allait, ailleurs, nulle part et ne revenait que pour s'évanouir, disparaître, devenir  invisible et revenir à nouveau. « Que serait la lumière sans les ombres ? ».

Un groupe de légionnaire marchait groupé, je regardais le sol où s'alignaient leurs ombres mouvantes au son rythmé de leurs pas cadencés. Je prenais à témoin le caporal qui venait me relever de ma faction et lui montrais qu'il avait lui aussi une ombre. Ses yeux s'écarquillaient,   je crois bien qu'il me prenait pour un illuminé, je ne prenais pas le temps de lui expliquer, il ne pouvait comprendre… Aujourd’hui encore il m’arrive de regarder mon ombre, elle reflète la silhouette d’un homme retraité qui se dit satisfait d’avoir, quand même bien vécu et que sa mémoire regorge de tant de choses à partager…

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CM