·       Le 28 mai, la 13e D.B.M.L.E. et un bataillon norvégien sont dispersés à proximité des petits ports de Seines et Oijord, à l’extrémité de la presqu’île, face à Narvik.

Les chalands blindés attendent les légionnaires qui sont chargés encore une fois de mener l’attaque principale, appuyés par la flotte britannique avec trois croiseurs et cinq destroyers, un groupement d’artillerie coloniale et quelques chars. Les canons des navires britanniques et de l’artillerie coloniale commencent leur tir, peu avant minuit. Les Allemands, retranchés dans la montagne, répondent avec leurs 77. Les obus de 77 commencent à exploser à Seines et à Osjord au milieu des légionnaires qui se préparent à embarquer. Des appontements volent en éclats, prennent feu ; des embarcations coulent. Un lieutenant de la Royal Navy s’efforce d’éviter la pire pagaille au sein de la petite flottille. Dans le même temps, les bateaux transportant les légionnaires du 1er Bataillon s’éloignent un à un de la côte. Rapidement, les barcasses traversent le fameux Rombakfjord. Le débarquement s’effectue à Narvik, sur la plage d’Orneset, sous le massif important du Faralvik. Le 1er bataillon, en quatre groupements de fusiliers voltigeurs renforcés de détachements de la compagnie d’accompagnement et de sections de mitrailleuses, débarque et gravit rapidement le mamelon d’Orneset avec la 2e compagnie du capitaine Gilbert et du lieutenant Burtin, malgré la paroi abrupte, la neige et les balles des mitrailleuses allemandes. Rapidement débordé par cette attaque mordante, l’ennemi abandonne bientôt ses positions. Une première tête de pont est établie. La 2e compagnie s’organise défensivement face à Narvik.

·       La chasse britannique qui tenait l’air depuis le 27 mai à 19 heures 15, n’est plus là.

·       A 3 heures, le brouillard empêche les avions de décoller du Bardufoss. Les formations triangulaires d’avions à croix noire débouchent une fois de plus au-dessus des crêtes.

·       Les avions à croix noire plongent, par formations entières, presqu’au ras de l’eau et les navires de Sa Majesté, chacun surmonté du feu d’artifice de sa D.C.A., sinuent à toute vitesse entre les gerbes. De petits chalutiers peu rapides flambent déjà et coulent. Une fumée noire s’élève du croiseur Cairo, cachant par instants la marque de l’amiral Cork qui bat à son mât. La scène de cette bataille est grandiose et terrible.

Croiseur "Cairo"

·       Déjà le reliquat du bataillon, composé de la 3e compagnie du capitaine de Guitaut et du reliquat de la compagnie d’accompagnement du capitaine Guillemain, procède à son embarquement sur la jetée d’Oijord. Bien que cet emplacement semble excellent pour cette opération, il est exposé aux canons allemands. Malgré les précautions prises par les légionnaires, un tir bien ajusté d’une pièce de 77 en batterie sur les pentes d’en face occasionne des pertes graves : le capitaine Guillemain et trois légionnaires sont tués. La garnison allemande résiste. La 3e compagnie s’installe pour dominer les deux entrées du tunnel d’Orneset. Sous l’impulsion du capitaine de Guitaut et du lieutenant Vadot, déjà blessé au combat de Bjervik, les légionnaires escaladent les pentes escarpées du Taraldsvik. La section du lieutenant Bouchet, qui colmate le dispositif entre les 2e et 3e compagnies face à Narvik est soumise à des feux nourris.

·       La ville de Narvik est bâtie sur une paroi abrupte qu’il faut escalader dans la nuit. Les Allemands ont installé des casemates dans les nombreux tunnels de la voie ferrée. De là, ils contre-attaquent avec furie. Une de leurs compagnies rejette même des éléments norvégiens sur les plateaux d’Orneset. Attaques et contre-attaques se succèdent. Les canons de 25 mm de la CAB, traînés par leurs servants à hauteur de la voie ferrée, s’avèrent très efficaces pour la réduction de positions d’artillerie et des casemates. L’un d’eux, en batterie à l’entrée d’un tunnel, oblige, par des coups bien ajustés, la petite garnison souterraine à se rendre.

·       La lutte continue, plus âpre. L’ennemi s’est remis de sa surprise et réagit. Les chasseurs de montagne, habitués à évoluer dans ce genre de terrain, sont les plus dangereux. L’arrivée des renforts accuse du retard. La bataille pour s’emparer de la cote 457, point fort de la péninsule de Narvik, demeure incertaine quelques heures durant. L’irruption des bombardiers allemands conforte les positions des défenseurs.

·       Le colonel Magrin-Verneret est au milieu de ses hommes, à trente mètres des Allemands, commandant de la voix et du geste avec sa canne. La conviction des légionnaires l’emporte.

·       Deux compagnies allemandes contre-attaquent au P.M. et à la grenade les positions de la 3e compagnie qui ne cède pas de terrain mais éprouve des pertes sévères.. Le commandant John Paris, de l’état-major du général Béthouart, le capitaine Armand de Guitaut sont tués ; le lieutenant Robert Garoux, grièvement blessé, décède le 11.06.1940 à Liverpool. Le lieutenant Vadot est une nouvelle fois blessé. Soixante légionnaires sont tués ou blessés. L’ennemi se replie en abandonnant ses morts.

·       A 6 heures, le 2e bataillon débarque à son tour. Le 2e Bataillon escalade la falaise ; il se bat durement le long de la voie ferrée qui relie Narvik à la Suède, tandis qu’au soir, le 1er Bataillon arrive au cœur de Narvik. Les Allemands évacuent précipitamment la ville après avoir détruit les installations portuaires et coulé les navires présents.

·       Un bataillon de Norvégiens suit la 13e D.B.M.L.E. et occupent le Faralvik.

·       Des actions de diversion sont exécutées en direction d’Ankenes et de Beijfjord : au sud, par la brigade de chasseurs polonais et le 14e B.C.A., au nord par les Norvégiens. Un groupe d’artillerie coloniale, dans les bois de la presqu’île d’Ogfjord, appuie les troupes au sol.

 

·       Les Hurricanes soudain réapparaissent dans le ciel ; les avions allemands s’éloignent ; les bâtiments de guerre, libérés, reprennent leur tir. Les renforts arrivent.

 

·       Vers 17 heures, les Allemands cessent leurs attaques pour se replier. Tandis que le 1er Bataillon se lance à leur poursuite, le 2e Bataillon est chargé de l’occupation et du nettoyage de Narvik. Mais quand il débarque, le port et la ville apparaissent abandonnés. 

·       La population civile de Narvik se voit libérée sans trop de dommages et elle prend gaiement son parti du nouvel état de choses.

·       La victoire est totale. La centrale qui alimente la voie électrique par laquelle le minerai de fer transite vers Narvik et plusieurs ouvrages d’art sont détruits. La mission est remplie.

·       Après la prise de Narvik, les légionnaires participent à la poursuite des Allemands dans la montagne. Mais pour le commandement britannique, il s’agit seulement de couvrir les opérations de rembarquement. Ce nouvel effort demandé aux troupes, dont le moral est affecté par un abandon au lendemain d’un succès si chèrement acquis, doit s’effectuer dans des conditions extrêmement difficiles. Il fait un froid glacial dans la montagne, avec de terribles tempêtes de neige. Pas de cantonnements ; il faut camper sur le terrain. Les Allemands qui reculent font sauter les tunnels et les ouvrages d’art le long de la voie ferrée. Les légionnaires comprennent que leur ‘’offensive bidon’’ va bientôt cesser lorsqu’ils reçoivent l’ordre de fabriquer des mannequins ‘’pour tromper l’ennemi’’. Ils se mettent au travail sans rechigner. L’inconfort est total, le climat détestable ; mais le vin ne manque pas et l’annonce d’un prochain demi-tour autorise la liquidation des stocks.

·       L’euphorie s’accroît par un autre pillage, légitime et autorisé, celui des dépôts d’équipements abandonnés par l’ennemi en retraite. Les bottes, les blousons, les dolmans d’officiers servent à la fois au confort et au déguisement, avant la retraite en pleine victoire.

·       Les troupes du général norvégien Fleischer continuent à combattre énergiquement dans le massif de Kobberfjeld, progressant vers la frontière suédoise.

·       Le 30 mai, le lieutenant Peugeot Edmond, commandant la compagnie régimentaire d’engins, est tué à Forneset.

·       Le 2 juin, après une série d’engagements meurtriers le long de la voie ferrée, les légionnaires font leur jonction avec les Polonais partis d’Ankenes. Ils sont à 13 kilomètres de la frontière suédoise ; les Allemands sont acculés.

·       Les pertes en Norvège sont de 8 officiers (le chef de bataillon Albéric Gueninchault, les capitaines Armand de Guitaut, Roger Guillemain, François Carre de Lusançay, les lieutenants René Maurin, Edmond Peugeot, Oscar Herzog et Robert Garoux décédé à Liverpool des suites de ses blessures) (voir encadrés 1ère et 2e parties) et 93 légionnaires.

·       La 13e D.B.L.E. vient de faire une entrée remarquée dans l’Histoire. Relique précieuse, elle emporte avec elle un fanion confectionné par les femmes de Narvik.

·       Le 2 juin, le gouvernement norvégien est avisé qu’en raison des évènements de Belgique et de France, il n’est plus possible de poursuivre la campagne de Norvège. Le roi, son gouvernement et toutes les forces norvégiennes qui désirent continuer la lutte seront accueillis avec joie en Angleterre. Le roi et son gouvernement demandent 24 heures de délai.

·       Le 3 juin, l’état-major allié impose le rembarquement du corps expéditionnaire.

·       Le 4 juin, l’ennemi, acculé à la frontière suédoise, ne conserve qu’une étroite bande de terrain de 7 à 15 kilomètres. La libération du territoire est ainsi pratiquement achevée quand les légionnaires font demi-tour et regagnent Narvik en suivant la voie ferrée.

·       Les Allemands sont sauvés, in extrémis, par l’offensive allemande sur le front français.

·       L’offensive des panzers sur la Meuse ébranle fortement la confiance des Britanniques. La victoire allemande est pratiquement acquise. De plus, Paris a besoin de toutes ses troupes et la Légion doit rembarquer de toute urgence.

·       Le 6 juin, le général Fleischer envoie un officier au P.C. du général Béthouart. ‘’Si vous restez quelques jours de plus, si vous laissez seulement deux de vos bataillons combattre avec nous pendant 48 heures, nous repousserons les derniers Allemands jusqu’en Suède, et la Norvège sera délivrée. N’avez-vous pas voulu prendre Narvik pour nous aider ?’’

·       Le général Béthouart consterné doit expliquer à cet officier qu’une fois la flotte britannique éloignée, la situation de n’importe quelle troupe prétendant défendre l’indépendance de la Norvège sera intenable. ‘’Les ordres que j’ai reçus sont formels : je dois partir’’.

·       Le 7 juin, les légionnaires qui poursuivent les chasseurs allemands se trouvent à 14 kilomètres de la frontière lorsque parvient l’ordre de faire demi-tour. L’opération est couverte par une attaque simulée contre un tunnel avec un matraquage d’artillerie sur les lignes allemandes. Les mannequins très réussis et très bien vêtus sont alors mis en place. C’est chose faite après de nombreuses destructions préparées par les pionniers de la 13e D.B.M.L.E. : le remblai de la voie ferrée de Suède, les dépôts de grenades, le matériel accumulé sur le pont de Vaasvil. Les derniers à quitter Narvik en ruines sont les légionnaires du I/13e, un bataillon polonais et deux compagnies du 14e B.C.A. Sur les visages de ces hommes, une expression d’indifférence méprisante. Un destroyer prend à son bord les derniers légionnaires et les transfère sur le Duchess of York qui ramène en France ces légionnaires ‘’qui ont illustré la grandeur de servir, faite de renoncement conscient et fier’’.

·       Détruire ou immerger tout ce qui ne peut être emporté, telle est la consigne britannique. Des motocyclettes, des machines à écrire sont jetées à la mer. Des civils de Narvik viennent assister à l’étrange spectacle. La police s’efforce de les maintenir loin des quais.

·       Puis des sous-officiers de l’intendance distribuent aux civils une partie des stocks de vivres entreposés dans le port : biscuits, conserves, boîtes de confitures. Les Norvégiens acceptent ces dons du départ, mais avec un visage sombre. Ils comprennent tout à fait lorsque les quais du port commencent à sauter et lorsqu’un des derniers destroyers se met à aller et venir dans le fjord en coulant à coups de canon tous les bâtiments de pêche et toutes les embarcations.

·       Les parachutistes allemands réoccupent Narvik.

·       Entre le 13 mai et le 2 juin 1940, la Légion conquiert 4 objectifs, libère 60 prisonniers alliés, capture 590 Allemands, 8 canons et de nombreuses armes automatiques et un important matériel.

Jean Balazuc P.P.P.P.

Sources principales :

La Charte de la F.N.A.M. France Horizon de l’ANFANOMA. La Légion Etrangère. Voyage à l’intérieur d’un corps d’élite. John Robert Young et Erwan Bergot. Editions Robert Laffont – 1984. La Légion Etrangère – Foreign Legion – 1939-1945 – Pierre Dufour – Editons Heimdal – 2000. La 13e D.B.L.E. de Tibor Szecsko – E.F.M. 1989. Légionnaires parachutistes de Pierre Dufour -E.F.M. 1989. Histoire de la Légion Etrangère 1831-1981 - Georges Blond – Plon 1981.

La Légion d’Erwan Bergot – Imprimerie Delmas 1972. Français par le sang versé de Képi Blanc et E.C.P.A.D. Editions du Coteau 2011. Site du Mémorial de Puyloubier. Site ‘’Mémoire des hommes’’ du S.G.A. Wikipédia.

 

Bouchet, lieutenant légionnaire, chef de section à la 3e compagnie de la 13e D.B.L.E. à Narvik en mai-juin 1940.

Burtin, lieutenant légionnaire, adjoint au commandant de la 2e compagnie de la 13e D.B.L.E., à Narvik en mai-juin 1940.

Forde Roger, né le 21.04.1908 à Montauban dans le Tarn ; ancien de 1914-1918, il sert dans la Légion depuis 1923 ; campagnes du Levant et du Maroc et plusieurs séjours au Tonkin ; capitaine, commandant une compagnie de la 13e D.B.M.L.E. en février 1940 ; blessé en mai ; commandant la 5e compagnie du 12e R.E.I. en 1940 ; le 10 juin, sa compagnie défend la ville de Soissons ;  commandant, chef du 2e bataillon du R.M.L.E. où il succède au commandant Charton blessé fin 1944 ; tué au combat le 22.12.1944 à Aubière dans le Haut-Rhin.

Garoux Robert, né le 12.05.1914 à Aumale, département d’Alger ; lieutenant à la 13e D.B.M.L.E. ; grièvement blessé le 28.05.1940 à Narvik en Norvège ; décédé le 11.06.1940 à Liverpool.

Gilbert, officier typique de la vieille Légion au Maroc ; capitaine commandant la 2e compagnie de la 13e D.B.M.L.E. à Narvik en mai 1940.

Guillemain Roger, né le 30.03.1900 à Angoulême dans les Charentes ; officier typique de la vieille Légion au Maroc ; capitaine, commandant la CA 1 du 1er bataillon de la 13e D.B.M.L.E. ; tué au combat le 28.05.1940 à Narvik en Norvège.

de Guitaut Armand, né en 1894 à Meudon en Seine et Oise ; officier typique de la vieille Légion au Maroc ; capitaine, commandant la 3e compagnie de la 13e D.B.M.L.E. ; tué au combat le 28.05.1940 à Narvik en Norvège.

Knorre, Russe ; ancien officier du Tsar ; admis dans la Légion avec le grade de sous-lieutenant en 1918 ; capitaine, commandant la 6e compagnie de la 13e D.B.M.L.E. en février 1940 ; commandant la 3e compagnie de la 13e D.B.L.E. ; il rejoint son unité lors de son périple autour de l’Afrique en décembre 1940 – janvier 1941.

Kovaloff, Russe ; ancien officier du Tsar ; admis à la Légion avec le grade de sous-lieutenant en 1925 ; capitaine, commandant d’une compagnie de la 13e D.B.M.L.E. en février 1940.

Langlois Pierre, né le 16.03.1917 à Barreda en Espagne. Saint-cyrien de la promotion Soldat inconnu 1936-1938 ; lieutenant de la 13e D.B.L.E. à Narvik et en Erythrée ; Compagnon de la Libération en mai 1941 : blessé devant Damas en juin 1941 ; capitaine commandant la 1ère compagnie du I/13e D.B.L.E. en Tunisie et pendant la campagne de France ; campagne d’Indochine avec la 13e D.B.L.E. ; commandant puis lieutenant-colonel, chef du III/3e R.E.I à Taberdga en juillet 1955, à Tissemiran, en 1957. Colonel, chef de corps du 3e R.E.I. du 23 août 1960 au 23 août 1962, en Algérie. Général de corps d’armée en janvier 1973. Gouverneur militaire de Metz en 1973-1975. Grand-Croix de la Légion d’honneur ; Croix de Guerre 1939-1945 avec 7 citations ; Croix de Guerre des T.O.E. Croix de la Valeur militaire avec 3 citations. Décédé le 15.05.2013 à Saint-Sulpice-sur-Risle dans l’Orne.

Luchois, capitaine, commandant une compagnie de la 13e D.B.M.L.E., successeur du capitaine Forde à Narvik en mai 1940.

Morel René, lieutenant affecté à la 13e D.B.L.E., il participe à l’opération sur Narvik ; capitaine, commandant la 2e compagnie de la 13e D.B.L.E. en Erythrée en 1941 ; commandant la 5e compagnie à Bir-Hakeim en 1942 : commandant le 2e bataillon de la 13e D.B.L.E. en 1943-

1944 ; Compagnon de la Libération.

Paris John, né le 07.05.1894 à Veizy-Foncenex en Saône et Loire ; commandant à la 1ère division légère de Chasseurs, chef d’état-major du général Bethouart ; tué le 28.05.1940 à Narvik en Norvège.

Peugeot Edmond, né le 26.03.1909 à Nice dans les Alpes Maritimes ; lieutenant du 3e R.E.L.E. détaché à la 13e D.B.M.L.E. ; commandant la compagnie régimentaire d’engins ; tué au combat le 30.05.1940 à Forneset en Norvège.

Vadot, lieutenant à la 13e D.B.M.L.E. ; blessé le 13.05.1940 à Bjervik ; blessé une nouvelle fois à Narvik en Norvège le 28.05.1940.