J’ai en mémoire avoir été un cancre, un de ces élèves turbulents qui n’avaient d’autre ambition scolaire que celle de finir leurs études et avoir, héroïquement, été reçu au certificat d’études primaires.

L’attribution de ce diplôme qui me fit descendre dans les rues, cocarde tricolore au col du veston,  m’ouvrait les portes du monde du travail, c’était le passeport pour  l’imaginaire, « Eldorado » de liberté que nous, adolescents inconscients, étions impatients de vivre, nous voulions tant changer notre quotidien pour une vie meilleure, celle que connaissaient, pensions-nous, les adultes.

A cette époque, les mauvais élèves étaient reconnaissables à leur belle écriture calligraphiée, résultat concret d’un long entrainement quasi journalier voué à de nombreuses heures de retenue…

Pour moi et mes camarades punis, l’épreuve consistait à écrire plusieurs fois une phrase ou un mot ; j’avais la chance d’écrire un texte, extrait d’un livre d’un écrivain célèbre. Ainsi, ligne après ligne, je découvrais la poésie, les beaux textes, le toucher du papier et petit à petit la facilité d’écrire, je m’imposais consciemment la gymnastique des pleins et des déliés de peur aussi, de devoir recommencer par manque d’application.

Peu à peu, l’écriture me collait à la main, j’éprouvais beaucoup de plaisir à sentir l’odeur de l’encre violette versée dans les petits encriers blancs, en porcelaine, incrustés dans les pupitres au plateau incliné. Petit bonheur d’enfance. Aujourd’hui, à l’heure des textos et des e-mails, l’écriture est devenue illisible, il faut déchiffrer tout texte manuscrit, ce n’est plus qu’une course folle intraduisible, alors qu’elle devrait exprimer, avec harmonie, un rythme en résonance avec la sensibilité de leur auteur, afin d’élever l’âme et illuminer les sentiments.

Mais, peut-être que la manière d’écrire n’est aujourd’hui que le résultat de la théorie de Charles Robert Darwin concernant la sélection naturelle et l’évolution des espèces…

 

CM