L'absoute  venait de se terminer, un des amis intimes du défunt sur le parvis de l'église lisait avec une intonation emphatique une éloge funèbre émouvante qui écrasait l'assistance du poids des mots qui exprimaient avec justesse toute une vie de légionnaire, amplifiant encore, comme si c'était possible, notre tristesse.

Les sonneries réglementaires étaient exécutées par le clairon de service et suivait traditionnellement la minute de silence qui venait à point, comme une grande respiration, une bienveillante récupération d'un trop plein d'émotion.

Pendant ce silence respectueux, arrive alors, un inattendu et incongru bruit familier, celui d'une marche entrecoupée, lourde, une sorte de "tic-tac" qui souligne le temps qui passe, provoqué, à la surprise de tous, par le claquement de talons aiguilles qui s'amplifiait en martèlant le pavé.

A nos yeux médusés, apparaissait une femme, fausse blonde, habillée de manière grossière, image suréaliste en ce lieu d’une silhouette qui surgit de nulle part et s'en allait tranquillement traverser d'une allure indifférente, en pointillés sonores, le cercle où s'étaient regroupés  les amis du défunt.

Comme si de rien n'était, elle s'en allait son « petit-bonhomme » de chemin, vaquait à ses occupations, faisait montre d'une attitude hautaine, provocatrice, indifférente aux regards des autres. Pris au dépourvu, nous ne savions sortir de la léthargie qui nous envahissait mais nous étions tétanisés, incapables de réagir à faire cesser cette  progression inopportune.

La cérémonie émouvante des adieux à l'un des nôtres était ternie et profanée, elle se trouvait confrontée à une réalité insolite: le monde n'était plus à l'endroit.  Chape sombre, où se miroite l'image surréaliste de ce que sont devenus de nombreux Français, sans respect pour la mort, indifférents, égoïstes, écrasés de suffisance, odieux.

En fait, j'étais surtout vexé des vilains sentiments qui envahissaient et dominaient ma raison. Je ressentais un peu de honte. Il est vrai qu'il était très difficile de comprendre ce personnage déguisé en "Clown en jupon" qui osait  s'exhiber ainsi pour  le plus  mauvais des spectacles qui nous était donné de subir.

Horrible femme, égérie d'une mort annoncée, celle d'une civilisation qui martèle de ses pas rythmés l'horloge du temps qui passe.

Cet évènement tragique renforce un besoin de partage et d'humanité et donne un titre à nos complexes fragiles et précieux: "More Majorum"! Gardons le cap à la mémoire de nos Anciens !

CM