Comment dire les choses telles qu’elles sont et telles que le langage, en alignant les mots et les phrases, organise une reconstitution d’événements vécus passionnants.

Les choses étant ce qu’elles sont, la pensée que je souhaite livrer par écriture interposée devrait être bonne à écrire puisqu’elle est censée être le reflet de mon esprit. Prétention déplacée ?   Peut-être qu’à trop vouloir dire,  je me trompe, même si le propos est juste, car mon interlocuteur, tout simplement, n’y comprend rien ou pas grand-chose.   Pourquoi me faudrait-il alors continuer un dialogue qui ne peut être qu’un monologue ?

Il fut un temps où je demandais à tout ancien avec lequel je m’entretenais, de raconter une anecdote gardée précieusement au fond de sa mémoire, de quoi compiler un livre des plus intéressants, un inédit ô combien original.

Mais avec un peu d’expérience et après lecture de quelques nouvelles, je me demande si je ne suis pas en présence de scénaristes opportunistes qui utilisent l’imaginaire comme probablement le faisaient, et le font encore, de nombreux historiens qui sculptent dans le marbre de l’histoire des événements qui n’ont pas été vécus tout à fait comme ils les décrivent…

Que signifie donc: “témoin vivant” d’un fait historique, quand on est engagé  dans ce que l’on appelle l’appréciation subjective: “qui a vu quoi lors de la collision ? ” Quel est “le fond de vérité…”. On est enclin à essayer d’établir une concordance des témoignages pour établir la « vérité historique », qui ne vaudra jamais une bonne vérité mathématique. C’est là qu’apparaît, providentielle, la conviction, qui est subjective par essence même…

Cette dimension prend de plus en plus de place dans les visions présentées du monde et défini les grandes hypothèses politiques, religieuses, métaphysiques. En désespoir de cause, il arrive qu’on soit tenté de se ranger à la formule toute faite: “ à chacun sa vérité”, au moins elle a l’avantage de faire de tort à personne…

Ce qui me surprend toujours quand je m’adresse à un ancien qui a vécu un moment fort dans sa vie de soldat, c’est la modestie qu’il affiche: “il n’a jamais rien fait qui puisse mériter d’être écrit, il n’a fait que son devoir et c’est tout, pas de quoi en parler… il était là, c’est tout…”. En revanche il existe une variété de vieux soldats que l’on n’ose aborder, tant ce qu’ils ont fait les place  au-dessus du commun des mortels. Ceux-là ne peuvent raconter leurs histoires qu’en écrivant un livre qui les place d’office dans les rangs des seigneurs, pour certains, des maréchaux…

Ces propos ne se veulent pas polémiques, ce n’est qu’une interrogation et une volonté d’avoir à raconter des choses telles qu’elles se sont réellement passées pour mettre en mémoire une histoire qui devient devoir dès l’instant qu’elle est empreinte de vérité.

Il est par ailleurs intéressant de regarder avec acuité certains faits historiques, même ceux qui touchent au « sacré » ; ils pourraient souffrir de devoir être  réécrits, mais nous avons aussi l’histoire qui nous convient et qui ne souffrirait pas du moindre doute quant à la manière dont elle s’est déroulée.

Ceci dit, je reste persuadé que nous aurions été très inspirés de raconter nos petites histoires, c’est un mauvais prétexte que celui de ne pas savoir ou vouloir partager, elles s’envoleront dans l’oubli, ainsi va de quelques destins magnifiques qui disparaissent sans que la mémoire des hommes ne retienne ce qu’ils  ont réellement vécu… Dommage, il est, peut-être, encore temps, mais il faut aller très vite !

CM