L'adjudant-chef (er) Clément RAGOT est probablement le plus grand collectionneur de livres traitants de la Légion étrangère. Il possède des trésors d'archives qui feraient le bonheur de nombreux collectionneurs et historiens. Il nous offre en cette période d'après Camerone, l'allocution prononcée par le lieutenant-colonel Pierre-Paul JEANPIERRE à l'occasion du Camerone du 1er REP, le 2 mai 1958, à Guelma quelques 27 jours avant sa mort héroïque:

 

“Le 30 avril 1958, les légionnaires du 1er Régiment Etranger de Parachutistes, se battent au Sud de Souk-Ahras contre des rebelles nombreux et bien armés.

A peine ces légionnaires ont-ils le temps d’évoquer au milieu des éclatements, des claquements et du sang, qu’il y a 95 ans à Camerone au Mexique une compagnie de Légion s’illustrait dans un combat fait de toutes les vertus de légionnaire et dont le nom fut jugé digne d’être gravé en lettre d’or aux Invalides et de figurer sur les drapeaux des Régiments Etrangers de l’Armée française.

Sans doute, n’y a-t-il pas meilleur lieu que celui du combat pour commémorer Camerone.

Car Camerone, derrière fête, prise d’Armes et imagerie d’Epinal est avant tout un combat et un dur combat de légionnaire.

Une compagnie de Légion s’y fait anéantir pour remplir la mission. Les hommes de cette compagnie sont donnés en exemple à toute la postérité légionnaire. Car ils ont fait leur devoir jusqu’au bout, pour la beauté du geste c’est à dire l’honneur, puisque le légionnaire sert une patrie qui n’est pas la sienne.

Ainsi donc, le légionnaire est un homme de devoir et d’honneur.

C’est, d’aiileurs l’essentiel de son devoir.

Certes, il est plein de défauts mais qui n’en a pas et il ne fait rien à moitié.

Mais toujours compte avant tout pour lui le devoir c’est à dire la mission, l’honneur, c’est à dire le combat qui le procure.

Il est plus que tout autre un homme de devoir. Il a rompu avec son passé, coupé les liens familiaux, rompu tacitement avec son pays. Son seul soutien moral, c’est son métier. Et son métier don’t le gain n’est pas le but. Contrairement à ce que l’on peut penser, il n’est pas un mercenaire. Le profit matériel ne l’intéresse pas et s’il ne le dédaigne pas, il ne s’attarde jamais à le rechercher ni à en jouir.

Son but, c’est l’aventure, l’aventure suprême de combat avec au bout la victoire ou la mort, de toute façon l’honneur.

Il va de soi que le légionnaire ignore tout cela car il ne perd jamais son temps à s’analyser. Ce qui compte pour lui c’est l’action, l’action, le combat total qui lui donnera le sentiment d’être supérieur à tous ses semblables, à tout le commun des mortels. Camerone 1863, c’est la victoire ou la mort.

Le 1er Régment Etranger de Parachutistes est dans la tradition.

En 1950, son ancètre le 1er BEP, combat jusqu’à la mort sur la frontière de Chine et disparait dans l’honneur.

En 1954 recréé, c’est Dien Bien Phu et de nouveau, la disparition dans l’honneur.

En 1955, mis sur pied pour la troisième fois, il se bat victorieusement en Algérie pour la cause de la France et s’enorgueillit d’être parmi les meilleurs.

Officiers et Sous-Officiers du 1er BEP pouvez être fiers d’appartenir à un beau régiment mais vous devez avant tout comprendre que vos succés très peu de droits mais une masse de devoirs.

Nous avons le prix de nos victoires, le nombre et le nom de nos morts et nous avons une dette d’honneur vis à vis d’eux.

L’honneur, toujours, ce moteur de tout soldat et le levier unique de la Légion.

En tant que 1er représentant du régiment, je sais que tout cela est puissammentsenti par tous sans être jamais exprimé car vous avez la pudeur des mots et vous savez être modestes.

Je sais que comme moi, vous nourrissez une admiration profonde pour ce légionnaire que vous menez au combat et auquel vous pouvez tout demander.

Et vous, Français, étrangers au Régiment vous devez considérer que ce bloc d’hommes que vous avez vu défiler devant vous est l’un des meilleurs outils de la politique de la France en Algérie.

Ces hommes qui sont des étrangers, l’ignorent d’ailleurs, ils se battent pour un sentiment très élevé qui s’appelle l’honneur militaire.

Et c’est pourquoi, je vous demande de lever vos verres à des descendants des hommes de Camerone et de chanter le refrain de leur hymne avec nous."

Lieutenant-colonel Pierre-Paul Jeanpierre

 

"Dans l'après midi du 29 mai 1958, dans la région de Guelma, la radio crépite le capitaine Yzquierdo lance la nouvelle, aussitôt récupérée à travers l'Algérie: "SOLEIL" est mort."