Nous avions ce jour là, comme disent les marins, un vent favorable et les effluves des andouillettes que nous avions judicieusement grillées semblaient attirées par la Place d’Armes où se déroulait la commémoration du célèbre combat de Camerone.

Ces fantômes, ectoplasmes de fumée, venaient délicatement frôler de leur émanation odorante les narines de tous les participants à la cérémonie, provoquant chez eux, un dérèglement hormonal difficilement contrôlable. Leurs horloges biologiques détraquées indiquaient que l’heure du repas avait largement sonné. Nous ne pouvions nous rendre sur la place, notre priorité était la préparation de « l’après défilé », il nous fallait organiser la « méga-bouffe » des affamés, le déjeuner rapide de tous les amateurs de repas « fast-food », la kermesse qui suivait ne pouvait attendre.

Pris d’une envie pressante, je me dirigeais, tout naturellement, vers les toilettes chimiques industrielles, l’urgence commandait de ne point trop attendre, même si l’accès à ces dernières était rendu difficile par l’installation imprévue de tentes dont les cordes d’attache rendaient le parcours particulièrement délicat.

A mi-chemin, je constatais que j’étais suivi par une magnifique jeune femme vêtue d’un tailleur chic souligné à la perfection par une taille de mannequin. L’instant était à la tactique d’approche, je zigzaguais, m’arrêtais ; elle zigzaguait et s’arrêtait. La jolie personne me suivait. Devant cette situation autant inattendue qu’agréable, je décidai de faire front, je me lançais à affronter de face la jolie môme en lui demandant pourquoi donc, me suivait-elle, ainsi ?

Celle-ci m’offrant son plus joli sourire et empruntant la même voix que les hôtesse de l’air à Orly, me dit qu’elle avait demandé à un monsieur l’endroit des toilettes, il lui avait été répondu : « suivez le monsieur joufflu, il y va ».

Je la regarde interloqué, désemparé et je me mets audacieusement à citer, tout haut, une longue litanie apprise dans mon jeune temps : « Ô ! rage, Ô désespoir ! Ô vieillesse ennemie ! N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie. Ô cruel souvenir de ma gloire passée ».

Sans se départir de son merveilleux sourire, la femme à l’allure altière me lança une œillade à faire fondre un régiment de sapeurs et malicieusement me dit : « Très joyeux Camerone Monsieur, merci beaucoup ! »

Les andouillettes, ce jour là, n’avaient pas le goût habituel…

 CM