La valise ou le cercueil.

Le général (2S) René Mascaro témoigne en qualité de "Pied-noir" à multiples facettes...

A votre appréciation: "LA VALISE OU LE CERCUEIL", article écrit en 2012 qui malheureusement pourrait à nouveau être présenté en 2022 pour l'anniversaire des soixante ans de la fin de la guerre d'Algérie...

"Cette année 2012 sera commémoré, certainement à grand renfort de battage médiatique, le cinquantenaire des prétendus “accords“ d'Evian et de la proclamation de l'indépendance algérienne. Mais une fois de plus, ne sera pas célébré la même chose ; certains, avec un lâche soulagement, y verront une victoire sur la France, d'autres, avec une persistante amertume, une trahison devant l'Histoire. Après un demi-siècle, peut-être est-il possible enfin de passer du débat idéologique au débat historique, pour embrasser l'ensemble des événements qui se sont déroulés entre 1830 et 1962 en Algérie, pour admettre que le divorce est intervenu aux torts partagés, seule condition à la réconciliation."


Avant “l’Algérie de papa“
Avant 1830, c'était quoi l'Algérie ? Un Etat avec des frontières, une administration, des infrastructures, une nation identifiable par une appellation ? Rien de tout cela. On se trouvait sur d'immenses espaces, sans identification précise, parcourus par des tribus nomades et sur des zones agricoles comme la Kabylie, aux confins de l'empire Ottoman dont l'autorité s'affaiblissait au fur et à mesure que l'on s'éloignait de Constantinople pour devenir nulle, hormis la présence de quelques beys ou deys plus ou moins indépendants et l’existence de quelques garnisons turques dans les grandes villes. Ferhat Abbas, l‘un des premiers nationalistes algériens, a écrit qu'il avait parcouru les villes, les campagnes, interrogé les cimetières et qu'il n'avait trouvé nulle part trace de la nation algérienne. Alors, qui a fait l'Algérie et à partir de quoi ? Pour chercher la réponse, ne craignons donc pas de remonter le temps assez loin et même avant notre ère.
Les grandes civilisations dont nous sommes issus sont apparues autour da la mer Méditerranée et exclusivement au nord et à l'est de cette mer. Rien n'a émergé de ce que l'on appelle communément le Maghreb. Carthage est l'exception mais ne fut au départ qu'un comptoir phénicien qui s'émancipa et devint une puissance qui faillit détruire Rome. Delenda es Cartagho et on n'en parla plus.
Puis ce fut l'expansion de l'Empire romain. Nous fûmes nous-mêmes colonisés alors que “nos ancêtres les Gaulois“ étaient déjà une fédération de peuples possédant une culture et en mesure de s'unir pour faire face à Rome qui finalement l'emporta. Il se créa alors une symbiose, un enrichissement mutuel pour aboutir à une société gallo-romaine, prémices de la France. Quel historien a jamais condamné cette colonisation ?
Le même processus appliqué par Rome au Maghreb se traduisit par la colonisation d'une bande côtière qui devint l‘un de ses greniers à blé mais se heurta à une résistance farouche des populations indigènes. Les historiens romains et les légions romaines qui la parcoururent évoquaient " la perfide Ifrikya" en parlant de cette partie de leur Empire. On peut se demander pourquoi ? Cette région passa ensuite sous la tutelle de l'Empire romain d'Orient et de sa capitale Constantinople.
Au Ve siècle, les Vandales, le pire des peuples germaniques qui déferlèrent sur l'Empire romain, traversèrent la Gaule, l'Espagne, passèrent au Maghreb jusqu'à la Tunisie actuelle, massacrant et détruisant tout sur leur passage, puis franchirent à nouveau la Méditerranée pour donner le coup de grâce à Rome.
Au VIIIe siècle, l'Islam conquérant submergea cette région dont la partie est lui fut âprement contestée par Constantinople. Curieusement, si à l'est, de l'Egypte à l'Iran ainsi qu‘en Espagne, des minorités chrétiennes avec leurs églises et leur organisation, purent survivre au prix d'un statut dégradé, il n'en fut pas de même au Maghreb. Au temps de Saint-Augustin, évêque de Carthage et docteur de l'Eglise, il y avait, entre autres, sur la Tunisie et le Constantinois actuels une quarantaine d'évêchés. Cela devait quand même faire un grand nombre de Chrétiens et d'églises. En 1830, il ne restait plus une seule ruine d'église, ni aucune communauté de Chrétiens au Maghreb, à l'exception d'une trentaine de milliers d'esclaves chrétiens à Alger, raflés par les pirates barbaresques locaux. Nous sommes donc en droit de nous demander encore pourquoi?


La construction de l’Algérie
Tous les historiens sérieux reconnaissent que l'arrivée de la France à Alger procéda plus d'une expédition punitive que d'un projet de conquête et de colonisation, ce qui ne fut pas le cas par la suite pour le reste de l'Empire français. Il y eut, semble t-il, un appel d'air pour pousser toujours plus loin la sécurisation d'Alger. Réflexe naturel de notre armée ? Il y eut donc des opérations visant à la soumission des populations locales, menées contre des combattants farouches et impitoyables, des excès injustifiables des deux côtés. N'oublions pas cependant que, 40 ans plus tôt, la terreur et la pacification de la Vendée et, 40 ans plus tard, la répression de la Commune de Paris donnèrent lieu à des excès équivalents. On en parle moins. Un détail éclaire la violence de ces affrontements : dans l'Armée d'Afrique et dans ce pays on ne tombait pas vivant aux mains de l'ennemi, on gardait la dernière cartouche pour soi. C'était encore le cas, ni dit ni écrit, de 1954 à 1962, dans certains de nos régiments. Et pourquoi donc ?
Il y eut aussi un appel d'air pour l'établissement sur place de certains, à commencer par les esclaves chrétiens libérés dont on ne parle jamais, qui avaient certainement perdu tout lien avec leur pays d’origine et qui n'avaient pas d’autres choix, des fonctionnaires et des militaires arrivés à la retraite, séduits par la beauté et le potentiel économique d'un pays dépeuplé disposant d'espaces à valoriser. Ce fut le début de la colonisation. S’ajoutèrent la pression démographique et la perspective de changer de vie pour des Provençaux, Maltais, Espagnols, Italiens, Siciliens qui commencèrent à affluer. Puis ce furent les Alsaciens après 1870. En tout état de cause, il ne semble pas y avoir eu une politique organisée de colonisation de la part de la France comme cela avait été le cas pour les Amériques. Comme le mien, dans les écoles que j'ai fréquentées autour d'Alger, il y avait plus de noms à consonance méditerranéenne que gauloise.
Tous ces immigrés qui débarquaient en Algérie n’arrivaient pas pour bénéficier d'un droit d'asile ou d'avantages économiques, ni pour exploiter des populations locales peu nombreuses et clairsemées. Ils arrivaient pour construire une nouvelle vie et un pays où tout restait à faire, administration, infrastructures, villages nouveaux, villes nouvelles, défricher et mettre en valeur des terres tombées en déshérence comme ce fut le cas par leurs descendants après 1962 dans la plaine orientale de Corse et dans le sud-ouest de la France. Ils ne sont pas arrivés dans un esprit de parasitisme mais d'entrepreneurs et de bâtisseurs. La quasi totalité de ces immigrés étaient des pauvres et, 160 ans plus tard, beaucoup l'étaient encore, et j'en fus. Mais à la différence de maintenant, nous n'étions pas pauvres dans nos têtes mais pour la plupart animés par une "invincible ardeur".
Ces entrepreneurs firent évidemment appel à la main d'œuvre locale ; on les traita donc d'exploiteurs et de colonialistes. Mais en France à la même époque les propriétaires terriens et les patrons ne faisaient-ils pas la même chose ? Enfin la France ne s'opposa jamais aux initiatives des indigènes qui, prenant exemple sur ce qui se faisait sous leurs yeux, entreprirent avec succès dans les mêmes conditions.
C'est ainsi que s'est construit en un siècle un pays où cohabitaient pacifiquement des communautés dont le niveau général au début des années cinquante pouvait se comparer à celui de la Grèce avec un avantage cependant, on y avait établi un cadastre.


La rue multiconfessionnelle
A la fin de l'été 1945, j'ai découvert en même temps l'Algérie et la famille de mon père, sous-officier de l'Armée de l'air, en demi-solde à partir de novembre 1942, qui avait pris le maquis en Haute-Garonne. J’avais 9 ans. Sortant d'une guerre qui m'avait meurtri, j'étais un enfant ébloui par la beauté de la mer que je voyais pour la première fois, la chaleur humaine de ma famille et de la société qui m'entourait. Je vis revenir dans les mois qui suivirent tous les jeunes hommes qui avaient été mobilisés, avaient débarqué en Italie puis en Provence, avaient participé à la libération de la France qu'ils découvraient pour la première fois, eux aussi mais dans l’autre sens. Parmi eux, mes oncles et Biousse, un enfant sans famille, rattaché à la nôtre, handicapé et donc réformé, mais qui avait mis un point d'honneur à aller se battre comme tout le monde.
Nous étions dans la banlieue populaire, à l'est d'Alger, dans un immeuble avec un patio intérieur ou vivaient une dizaine de familles dont trois musulmanes. Une seule avait un patronyme français. Ma mère, d'origine métropolitaine, entretenait des relations privilégiées avec les familles musulmanes. Elle me présenta donc aux femmes, en l'absence des hommes. On m'offrit des dattes selon la tradition et je goûtai pour la première fois à ce fruit inconnu.
Dans les appartements il n'y avait ni livres ni radio ni bien entendu télévision, rien pour nous occuper. Nous vivions donc dans la rue où je me fis très rapidement des copains de toutes confessions. J'avais ramené de Métropole un abominable accent toulousain et je fus rapidement identifié comme le Franquaoui.
Le seul journal qui nous parvenait chaque semaine, gratuitement, était "Liberté", l‘organe du parti communiste algérien, courroie de transmission du parti communiste français. Ce journal était distribué par une militante communiste, exemplaire dans sa vie comme dans son comportement, mère d'un camarade d‘école qui était toujours le premier de la classe. Ce journal se présentait comme le flambeau de la future "République algérienne" qui serait sans aucun doute devenue indépendante mais satellite de la "République démocratique française" en préparation par un coup du genre de celui de Prague qui fut tenté mais échoua en 1949. On peut donc affirmer que le PC, à défaut d'une presse nationaliste inexistante, fut pendant dix ans le premier porteur de valises idéologiques des nationalistes algériens. Nous y reviendrons.
A cette époque, je me souviens avoir transité avec mes copains par un quartier musulman et avoir lu, écrit au goudron sur un mur blanchi à la chaux, "la valise ou le cercueil ". Il me semble qu‘alors tout le monde comprit le sens de cette inscription mais personne ne la releva. Rentré à la maison, je posai la question et compris que j'étais concerné. Je me souviens aussi avoir parlé du sujet et de beaucoup d’autres avec un musulman rescapé de la campagne d'Italie, qui gardait dans le dos une blessure large comme mon poing mais qui ne revendiquait rien même pas la pension qu’il avait gagné au feu, ce qui était une injustice inqualifiable, dont j’ai tiré une humiliation personnelle au nom de mon pays.
Je fus deux ans plus tard distingué par mon instituteur et le premier de la famille et même du quartier envoyé au lycée Gautier à Alger, le plus proche de mon domicile. Ce lycée était celui des "fils à papa" et si au cours de ces années heureuses j'ai pu être victime d'un certain ostracisme, il ne fut ni raciste ni confessionnel mais social et il venait de ces " fils à papa".
A cette époque, j'avais en réalité plus d'amis musulmans que chrétiens ou juifs. Je connaissais donc bien leurs familles. J'ai gardé d’eux un souvenir précis : dans chacune de ces familles certains enfants, garçons ou filles, semblaient attirés par les Européens, recherchant leur compagnie et en fait leur culture, les autres adoptaient l'attitude contraire de rejet. Les musulmans étaient donc partagés et divisés quant à leur avenir mais aspiraient tous à avoir les mêmes droits que nous. En tout état de cause, la puberté arrivant, on me fit comprendre que mes relations amicales avec les filles de ces familles musulmanes étaient terminées.
Nous commencions à fréquenter les bals populaires qui avaient lieu sur les places autour du kiosque à musique traditionnel. Nos amis musulmans nous accompagnaient et se plaignaient de voir les filles européennes leur refuser une danse. La réponse que je n'aurais pas faite leur vint d'un ami : "Pourquoi ne viens-tu pas avec tes soeurs ? " et une nouvelle affirmation : "Tu te rends compte, mon père ne voudra jamais". Nous sortions de l'enfance et entrions dans le monde qui élève une muraille confessionnelle entre les adultes. Mais nous sentions bien que cette muraille s'effritait dans cette Algérie qui était déjà en partie déconfessionnalisée.
Je crois, en effet, qu'à cette époque un lent processus était en marche. Une nouvelle société méditerranéenne et multiconfessionnelle était en train d'émerger, se différenciant progressivement de la société française métropolitaine. Le processus aurait peut-être pris des décennies mais une voie comparable à celle du Canada ou de l'Australie vis-à-vis de l'Angleterre était peut-être envisageable et ce qui retenait les Pieds-Noirs était peut-être plus la crainte de se retrouver tête-à-tête avec les Musulmans que leur attachement à la France. Tout le monde savait qu'il fallait commencer par donner aux Musulmans les mêmes droits mais tout le monde en avait peur car ils étaient très largement majoritaires.


Les extrémistes de la Toussaint rouge
En début d'été 1952, je suivis mon père à Tours où il était affecté. J'entrais en première au lycée Descartes où je me fis chahuter en raison, cette fois-ci, de mon accent pied-noir à couper au couteau. Le 1er novembre 1954, la rébellion éclatait avec son cortège de violences inacceptables. Menée par les pires extrémistes qui n'eurent de cesse d'éliminer physiquement les autres courants nationalistes, elle envoya son premier message non à la France mais aux non-musulmans en termes qui excluaient dés le départ tout accord, toute négociation : c’était “la valise ou le cercueil “. C'était donc la volonté d'éradiquer un corps étranger dont la présence aurait pu témoigner de la possibilité de coexistence de deux cultures, alors que l'une avait pour but le progrès et l'autre la régression.
Je poursuivais mes études. Je revins en Algérie passer les vacances de l'été 1955 chez ma grand- mère. Rien n'avait vraiment changé, mais on sentait une attente, une transformation, une décision qui pouvait donner une nouvelle perspective d'avenir à ce pays.
Quand survint le 13 mai 1958, j'étais en deuxième année à Saint-Cyr-Coëtquidan. Il y eut une explosion d'espoir et d'enthousiasme en Algérie et en France et ce jour-là aurait pu être le premier jour de la communauté multiconfessionnelle déjà évoquée. Vers la fin du mois ma promotion se trouvait à Paris dans le cadre du voyage traditionnel de fin d'études. Nous étions logés au fort de Vincennes et je me souviens avoir été convoqué en tant que major de ma compagnie pour percevoir la caisse traditionnelle de 2 025 cartouches de 7,5 mm, à distribuer le cas échéant à mes camarades à raison de 90 cartouches par fusil. Notre mission était la défense de la Chambre des Députés, ce qui nous fit bien rire. Quelques jours après, le général de Gaulle parvint à ce pouvoir qu'il idolâtrait au-delà de toute vergogne. Nous restâmes persuadés que nous avions participé ce jour-là à un véritable putsch virtuel. Mais nous pensions que c'était pour la bonne cause et les promesses qu'il fit à ce moment-là étaient bien faites pour nous conforter dans cette idée. Il prit comme Premier ministre un certain Michel Debré, sénateur d'Indre-et-Loire qui habitait dans le même village que moi près de Tours, partisan farouche de l'Algérie française, ceci confirmant cela, et qui, dans son journal “Le courrier de la colère", avait justifié par avance l'insurrection pour la défendre. Comme beaucoup d’autres, il finit par manger son chapeau.



Devenu jeune officier dans cette Légion étrangère qui fermait les défilés de l'Armée d'Afrique de mon enfance, je rejoignis l'Algérie en septembre 1959. Tous les espoirs étaient encore permis, mais la désertion d'une trentaine de nos camarades, officiers musulmans à l’école d’application de l’infanterie à Saint-Maixent, était un message : ils avaient senti le vent tourner. J’ai quitté l’Algérie en juin 1963 et donc assisté à la première année de son indépendance.
Je n'ai pas participé à la pacification, mission dévolue aux forces de secteur, mais aux seules opérations de recherche et destruction des bandes armées dans le cadre de trois régiments de Légion successifs. Je laisse à d'autres le soin d'en parler.
J'entrais dans une guerre qui avait dégénéré par la diabolique escalade de la violence. Je le savais et je continue aujourd’hui à l'assumer. Pourtant six mois seulement séparent le début de la guerre d'Algérie de la fin de celle d'Indochine où la violence n'avait pas atteint de tels débordements. Le Vietminh, dès le départ en 1945, mena ses actions dans le cadre global des lois de la Guerre. Et même s'il maltraitait ses prisonniers d'une manière condamnable, il se contraignait à en faire et, in fine, il les libéra en nombre important, bien que dans un état physique et moral révoltant.
Or, ce sont les mêmes cadres français d’Indochine qui passèrent ensuite en Algérie et on ne voit pas pourquoi ils auraient été à l'origine de cette explosion de violence au mépris des lois de la guerre. La montée de la violence aux extrêmes ne fut pas de notre fait mais bien de celui du F.L.N. qui, faut- il le rappeler, n'a jamais rendu un seul prisonnier. Des blessés et des prisonniers tombés aux mains du F.L.N., il en eut, mais celui qui n'en a pas retrouvé au détour d'une piste, achevés, torturés, égorgés, émasculés avec leurs organes génitaux dans la bouche ne peut imaginer la haine, la colère, le mépris et l'esprit de vengeance que ce spectacle peut déclencher chez le combattant le plus benoît.
1958 avait été l'année de l'espoir, à partir de 1960 ce fut le début des concessions partielles dont on imaginait qu'elles en entraîneraient d'autres inversement proportionnelles à nos succès sur le terrain, où nous avions anéanti les dernières katibas. Le F.L.N. n'avait plus que ses troupes stationnées en Tunisie et au Maroc, anéanties elles-mêmes quand elles tentaient de pénétrer en Algérie. Le corollaire de chacune de nos concessions était la bascule d‘une nouvelle tranche d'indécis et la possibilité pour le F.L.N. de reconstituer son appareil politique. Le désespoir créé par un tel comportement gouvernemental (2) déclencha une colère incontrôlable qui conduisit au putsch d’avril 1961, puis à son échec, ce qui entraina de nouvelles concessions gouvernementales et un an plus tard les soit-disant accords d'Evian, honteuse mascarade dont l'un des négociateurs français fut soupçonné bien plus tard d'avoir été une taupe de l'U.R.S.S., donc de l'internationale communiste. Evian fut en fait une des plus honteuses capitulation sans conditions de la France car la guerre avait été gagnée sur le terrain, alors qu'en Indochine elle avait été perdue.
Le forfait, ce n'est pas d'avoir accordé l'indépendance à l'Algérie qui, comme je l'ai écrit, était programmée à terme. Le crime, c'est d'avoir livré pieds et poings liés le peuple algérien en gestation à une bande de terroristes qui appliquèrent à la lettre leur programme “ la valise ou le cercueil “, un slogan qui aura la vie dure, y compris sous d’autres formulations plus modernes telles que le nettoyage ethnico-religieux pour tout simplement habiller des génocides.


Les trois actes de “ la valise ou le cercueil “
La France aurait pu organiser en Algérie le référendum de 1962 sur l’indépendance de l’Algérie (3) en veillant à ce que la consultation soit démocratique et que les différents partis puissent s'y exprimer. En fait, l'administration française se désintéressa du scrutin, faisant comprendre que le résultat était acquis et laissant en Algérie le champ libre au F.L.N. qui contrôla la quasi-totalité des bureaux de vote. Dans ces conditions, le résultat ne faisait aucun doute.
L'indépendance acquise, dans les jours qui suivirent un début de génocide fût déclenché, certainement planifié car il eut lieu à Oran, la ville la plus moderne et la plus européenne de l’Algérie, où la rébellion avait eu du mal à prendre pied. Plusieurs centaines d‘Européens furent enlevés et assassinés. Les traces des forfaits ayant disparu avec l’exode, un grand nombre de ces malheureux seront perdus à jamais pour leurs familles car le massacre fut immédiatement suivi de l'exode et de la dispersion des relations. Le fait que l'armée ait reçu du gouvernement français l'ordre de ne pas intervenir pour protéger ses concitoyens est déjà une infamie. Que des chefs militaires aient accepté d’exécuter un tel ordre, c’est-à-dire la non-assistance à des centaines de personnes vouées à une mort certaine est le pire des déshonneurs. C’était le premier acte.
Ce furent ensuite la rumeur, elle aussi certainement planifiée à travers l'Algérie, qui circula parmi des Européens approchés par des Musulmans, parfois amis, parlant d'autres massacres possibles, le silence des gouvernements français et algérien, aucun appel à la réconciliation, aucune assurance, la terreur, la fuite et l'exode quasi-total de la population européenne. C’était le deuxième acte, le nettoyage ethnico- religieux.
Le troisième acte pouvait alors se déclencher en toute tranquillité, si l’on peut dire, le génocide de plusieurs centaines de milliers de Musulmans qui d'une manière ou d'une autre avaient pris parti pour la France, non seulement les Harkis mais aussi des citoyens qui avaient affiché leur attachement à notre pays ou leur désaccord avec le F.L.N..
Le F.L.N. n’aura plus ensuite qu’à appliquer son programme, retour à un Islam pur et dur, rejet des valeurs occidentales, refus du tourisme, repli sur soi-même, régression sociale. Ce fut avec un demi- siècle d'avance très exactement le programme que proposent aujourd'hui les Islamistes dans le monde. Que penser, en effet, du vote massif des Marocains et Tunisiens vivant aujourd'hui en France pour les partis islamistes de leurs pays ?

Conclusion
Pour conclure, je voudrais interpeller ces journalistes, ces intellectuels qui ont pris parti pour le F.L.N., mais surtout le P.C.F. dont certains membres sont passés à l'ennemi par trahison avérée, pour qui la guerre d’Algérie s’est terminée le 19 mars, ce qui leur évite d'avoir à s'expliquer sur tous les drames épouvantables qui s'en suivirent. Surtout vous, les communistes qui avez alors mis la main à la création d‘une association d'anciens combattants pour parfaire votre couverture.
Comment avez-vous pu faire un amalgame entre ce que fut la politique de la France en Algérie, la responsabilité effective de quelques centaines de gros colons et le bon peuple avec ses communautés diverses qui n'en pouvaient que mais ? Vous aviez ce pouvoir de médiateur de proposer cette société multicommunautaire qui était en gestation il y a un demi-siècle et que vous voulez aujourd'hui imposer à la France sans vouloir comprendre qu'elle ne peut advenir que déconfessionnalisée. Pourquoi, vous les journalistes, n’avez-vous pas été assez curieux ou simplement honnêtes, pour aller voir ce qui se passait en Algérie après le 1er juillet 1962 afin de dénoncer les crimes et pas seulement les bavures ? Seuls, à ma connaissance, le journaliste Jean Cau et une toute petite poignée d’autres eurent cette rigueur professionnelle, mais ils se firent de ce fait "anathémiser" à vie par les grands prêtres de la pensée correcte.
Nous assistons depuis quelques années à la commémoration, qui tend à vouloir devenir officielle, de la répression policière à Paris le 17 octobre 1961 d’une manifestation conduite par le F.L.N., une organisation terroriste et criminelle, adversaire de l’armée française constituée alors de la masse du contingent, à l'issue de laquelle on dénombra une trentaine de victimes, transformées en plusieurs centaines pour les besoins de la cause. Mais si l’on veut pousser jusqu’à leur terme les démarches de repentance, qu’attend-on pour commémorer aussi avec la même “ferveur“ la tuerie de la rue d'Isly à Alger le 26 mars 1962 perpétrée par l'armée française contre des manifestants Pieds-Noirs ou les massacres d'Oran en juillet de la même année ?
Expliquez-moi ces différences de “ traitement“ de l’Information et de l’histoire. Etions-nous tous des “salauds“ au sens sartrien du terme ?


Général (2s) René Mascaro


(1) Les sous-titres sont de la rédaction de Farac Info.
(2) NDLR. Le 11 avril 1961, le général de Gaulle donna une conférence de presse au cours de laquelle il évoqua clairement la rupture possible des liens de la France et de l’Algérie et de ce fait l’indépendance de l’Algérie comme la solution à la fin des événements en cours. Il s’en suivit, le 22 avril, le “ putsch des généraux“ à Alger.
(3) NDLR. Les événements d’Algérie ont amené le général de Gaulle à organiser deux séries de référendums :
- le référendum du 8 janvier 1961 sur l’autodétermination en Algérie. Le texte soumis aux électeurs était le suivant : “ Approuvez-vous le projet de loi soumis au peuple français par le président de la République et concernant l'autodétermination des populations algériennes et l'organisation des pouvoirs publics en Algérie avant l'autodétermination ? “ Résultats : en Métropole, oui = 75.26 % (54 % des inscrits) ; en Algérie oui = 69.51 % (30 % des inscrits) ;
- le référendum sur l’indépendance de l’Algérie, consécutif aux pourparlers d’Evian et soumis en deux temps :


  • le 8 avril 1962 aux Français de métropole. Question posée : « Approuvez-vous le projet de loi soumis au peuple français par le président de la République et concernant les accords à établir et les mesures à prendre au sujet de l'Algérie sur la base des déclarations gouvernementales du 19 mars 1962 ? ». Plus de 90 % de oui.

    •    le 1er juillet 1962 en Algérie. Question posée : « Voulez-vous que l'Algérie devienne un Etat indépendant coopérant avec la France dans les conditions définies par les déclarations du 19 mars 1962 ? » Plus de 99 % de oui.
    Il s’en suivit, le 3 juillet, la déclaration du général de Gaulle reconnaissant l’indépendance de l’Algérie et, le 5 juillet, la proclamation officielle de celle-ci.