Les obsèques du Général de division (2S) Hubert Ivanoff, ancien chef de corps du 1er REC de 1989 à 1991, se sont déroulées, dans l'intimité souhaitée par sa famille, hier après-midi 1er juin, à La Ferrière-Le Haut Breda, en Isère.
La cérémonie, tant à l'église qu'au cimetière, fut belle, sobre et émouvante.
Le 1er REC, en évaluation pré-Liban, était représenté par son Commandant en second et deux légionnaires qui ont accompagné le cercueil.
A la demande de la famille, j'ai prononcé un éloge funèbre dont vous trouverez le texte ci-joint.
Une messe de requiem sera dite le mercredi 15 juin, à 10h30, en la Cathédrale Saint-Louis des Invalides. Elle sera suivie d'une cérémonie qui permettra de rendre les honneurs militaires au défunt. Le Gouverneur des Invalides et le chef de corps du 1er REC en communiqueront ultérieurement les modalités précises.
Fidèle amitié à tous et à chacun,

Général (2S) Henry Clément-Bollée

Obsèques du Général de division (2S) Hubert IVANOFF
(La Ferrière-Le Haut Breda, mercredi 1er juin 2022):

Mon Général, mon cher Hubert,
C’est au nom de la Légion étrangère toute entière, de la Fédération des Sociétés d’Anciens de la Légion étrangère, en qualité de Vice-président, et plus particulièrement de celui de tes frères d’armes, anciens du 1er Régiment Etranger de Cavalerie, mais aussi, bien évidemment, à titre personnel, que je viens ici te dire A Dieu.
Tu nous as quittés moins d’un mois après ton vieux complice de la Guerre du Golfe, le Général Yves Derville, et il n’est point besoin de s‘étendre sur la peine immense que nous éprouvons après la perte, quasi simultanée de vos deux hautes, nobles et magnifiques figures de notre chère Légion.
Tu as vu le jour le 26 mai 1946 ici, en Isère, au sein d’une famille de « Russes Blancs ». Ton père, Dimitri Alexeïevitch Ivanoff, avait dû quitter la Russie après la révolution bolchevique pour trouver refuge et fonder une famille en France. Il a toujours entretenu un fort sentiment de reconnaissance pour sa terre d’accueil. Il élève ses enfants dans le plus grand respect de leur nouvelle patrie et avec la volonté farouche de la servir. C’est ainsi que tu grandis dans un milieu propice à la vocation pour le métier des armes. Cette influence se poursuit durant toute ta scolarité de jeune garçon, parmi les Pères et professeurs de l’Externat Notre-Dame de Grenoble, où l’on compte nombre d’anciens résistants, des combattants de la bataille de Narvik, autant d’exemples de fidélité, de courage et d’abnégation. Mais ta vocation militaire qui s’éveille est bientôt mise à l’épreuve. En effet, tu n’as que 13 ans lorsque ton frère aîné, Alain, jeune lieutenant de Légion au 5e Régiment Etranger d’Infanterie, très estimé de ses camarades et plus encore de ses hommes, est tué en Algérie au cours d’une opération dans l’Ouarsenis oriental. Il illustre ainsi, et de la plus noble des manières, les mots d’un autre « Russe Blanc », le Lieutenant-Colonel Prince Amilakvari, tué en 1942, au combat d’El Himeimat, à la tête de la glorieuse 13ème Demi-Brigade de Légion étrangère : « Nous étranger, n’avons qu’une façon de prouver à la France notre gratitude pour l’accueil qu’elle nous a réservé, mourir pour elle ! ».
Ta vocation reste ferme et, à ton tour, tu intègres Saint-Cyr en 1965, à l’âge de 19 ans, au sein de la Promotion « Lieutenant-colonel Driant ». En janvier 2005, lors de ton adieu aux armes, tu confieras avoir trouvé dans l’armée ce que tu étais venu y chercher. L’aventure opérationnelle tout d’abord, bien sûr, cette manière très concrète de servir. Dans ce domaine tu fus particulièrement gâté par tes commandements au 1er Régiment Etranger de Cavalerie, notamment comme Capitaine pendant l’opération Tacaud, au Tchad en 1978 et en 1979, puis comme Colonel lors de l’opération Daguet, en Irak, en 1990 et 1991. Tu trouvas au sein de l’Institution militaire, diras-tu également, une formation solide, celle dispensée dans les écoles évidemment, mais aussi celle qui se transmet d’un homme à l’autre, du chef expérimenté aux subordonnés dont il a la charge et qu’il doit préparer à combattre. Dans l’armée, tu apprécias, enfin, la diversité des emplois tenus, gage d’équilibre et de richesse, de par tes affectations en régiment, en état-major central et territorial, en école, ou dans la communication de l’armée de Terre.
Qu’on en juge ici :
Sous-lieutenant en 1967, tu choisis l’Arme blindée cavalerie et suis le cours d’application, à Saumur, avant d’être affecté, tout jeune Lieutenant, au 7ème Régiment de chasseurs, à Arras. En 1971, tu te portes volontaire pour rejoindre les rangs de la Légion étrangère. Tu sers alors comme Chef de peloton, puis comme Officier-adjoint au 1er Régiment étranger de cavalerie, à Orange, jusqu’à ta nomination au grade de Capitaine, en 1974. A cette date, tu es désigné pour encadrer, pendant deux années, une Section de la Promotion « Lieutenant Darthenay » de l’Ecole Spéciale Militaire de Saint-Cyr.
A l’issue, tu reviens une deuxième fois au 1er REC, où tu te vois confier le commandement du 1er Escadron, que tu exerces, avec le brio que l’on sait, de 1977 à 1979. Ainsi, engagé dans le cadre de l’Opération Tacaud au Tchad à deux reprises, en 1978 et en 1979, la brillante conduite au feu de ton Escadron te vaut une citation à l’ordre du Corps d’armée sur ta Croix de la Valeur militaire, la distinction de 1ère classe d’Honneur du 3ème Régiment d’infanterie de marine et la nomination au grade de Chevalier de la Légion d’Honneur à titre exceptionnel.
Accédant au grade de Chef d’Escadrons, parmi les tous premiers de ta Promotion, tu exerces les fonctions d’Officier supérieur adjoint du 1er REC avant de rejoindre l’Enseignement militaire supérieur. Dans ce cadre, tu rédiges d’abord un mémoire remarqué sur l’engagement du 1er REC en Indochine, tu suis ensuite la scolarité de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris puis celle de l’Ecole supérieure de guerre interarmées, de 1981 à 1985.
Entre-temps, tu es promu au grade de Lieutenant-colonel en 1983.
Rédacteur à l'Etat-major de l'armée de terre de 1985 à 1987, tu prends les fonctions d’Adjoint au chef du Service d'information et de relations publiques de l’Armée de terre jusqu’en 1989 où, avec le grade de Colonel, tu obtiens le commandement ardemment souhaité de ton cher 1er REC.
A sa tête, tu t’illustres à nouveau en IRAK, pendant la « Première du Golfe » de 1990 à 1991. L’action de ton Régiment au sein de la Division Daguet, te vaut une citation à l’ordre de l’Armée, avec attribution de la croix de guerre des Théâtres d’opérations extérieures, et tu accroches une nouvelle Palme à la cravate de ton étendard.
Chef du Sirpa-terre de 1991 à 1997, tu es nommé au grade de Général de brigade en 1997 et affecté auprès du Gouverneur Militaire de Paris, de 1997 à 2002, comme Général adjoint chargé des opérations, puis comme Chef d'Etat-major. Enfin, promu Général de division, tu sers comme Général adjoint-major de la région terre Ile-de-France de 2002 à 2005. Tu quittes alors le service actif, Commandeur de la Légion d'honneur, Grand officier de l'ordre national du Mérite, Croix de guerre des TOE avec palme, Croix de la Valeur militaire, Chevalier des Palmes académiques et du Mérite agricole.
Pour illustrer, s’il en était besoin, ta riche, belle et attachante personnalité, j’en viens maintenant à quelques souvenirs plus personnels.
J’ai eu l’honneur, et la grande chance, de servir, tout au long de ma carrière militaire, à trois reprises sous tes ordres.
La première fois en 1974, à Saint-Cyr où, toi chef de section dans la promotion de mes « jeunes », la « Darthenay », j’étais moi-même « gradaille » dans cette promotion, c’est-à-dire « affreux » de deuxième année, détaché provisoirement à l’encadrement initial des jeunes Saint-cyriens, les « bazars ». Ton charisme souriant, serein et incontestable, allié à ta qualité d’officier de Légion, te valait parmi nous, qui ne rêvions que plaies et bosses, une aura considérable.
Ferme, humain et exemplaire, c’est ainsi que je t’ai retrouvé, pour la deuxième fois quand, rejoignant le 1er REC à l’automne 1978, je fus affecté au 1er Escadron, que tu commandais depuis un an.
Comme on l’a vu, tu venais de te couvrir de gloire, à la tête de celui-ci, lors de ton premier séjour au TCHAD au printemps 1978. Ton adjoint, tes chefs de peloton avaient tous été cités au feu et plusieurs jeunes sous-officiers avaient gagné la Médaille militaire, eux-aussi à titre exceptionnel. L’un d’entre eux devint mon premier sous-officier adjoint quand tu me confias le commandement du Peloton commando de ton escadron. Je dois reconnaître que, jeune Lieutenant affecté pour la première fois à la Légion étrangère, au milieu de tous ces « braves », je n’en menais pas large quand, quelques semaines plus tard, le 1er escadron fut à nouveau engagé au Tchad, toujours dans le cadre de l’opération Tacaud. Ta compétence précise et contagieuse, ta bienveillante vigilance à l’égard du « petit jeune » et, déjà, ton amitié non feinte, m’ont permis de rapidement trouver ma place parmi eux.
Au cours de notre première opération de « nomadisation », dans le secteur d’Ati, ma jeep se retrouva immobilisée, victime vraisemblablement d’une branche d’épineux local égarée sur la piste : crevaison banale ! Je postais « en garde » mon commando et, tandis que mon conducteur s’affairait à réparer, je te rendais compte par radio : « Hôtel-India, ici Charlie-Bravo, j’ai crevé, je change ma roue et je redémarre ! ». Je m’attendais à un accusé de réception du genre : « Bien reçu, on vous attend ! ». Au lieu de cela, poursuivant ta route comme si de rien n’était, tu me gratifias laconiquement d’un : « Excellente idée ! », que j’entendis quelque peu moqueur et que, sur le coup, je reconnais avoir très mal pris. Vexé comme un pou, dès la réparation achevée, je reprenais la piste en accélérant ma progression pour rattraper le retard pris sur les pelotons blindés, tout en restant attentif à suivre les traces de l’escadron que je n’avais ni envie, ni encore moins intérêt, à perdre. Pendant tout le reste de la journée, et longtemps après certainement, mes comptes rendus furent rares, peu bavards et limités, tant en fréquence qu’en durée, au strict nécessaire opérationnel. Tu savais former tes jeunes officiers !
Quelques années plus tard, tu commandais le 1er REC depuis un an quand, jeune Lieutenant-colonel tout juste breveté de l’Enseignement militaire supérieur, je fus muté au Régiment le 1er août 1990, en qualité de Chef du Bureau Opérations Instruction. Fidèle en amitié, tu m’avais « récupéré » un peu miraculeusement compte tenu de mon orientation sur la voie du Brevet Technique dit « lourd », car nécessitant trois ans de scolarité. A l’issue de celle-ci, jamais je n’aurais dû rejoindre un régiment opérationnel, et encore moins le 1er REC, mais une officine scientifique ou technique, où j’avais vocation à « rentabiliser », immédiatement, mon Brevet Technique.
Mais, sans doute avais-tu tes entrées à la DPMAT ? En tous cas, contre toute logique gestionnaire, mais à mon plus grand bonheur, je rejoignis donc ton équipe de commandement du 1er REC le 1er août 1990. Le « retour sur investissement » de mon Brevet Technique attendrait !
Nous fûmes assez vite engagés, dès l’automne 1990, et pour sept mois, en Arabie Saoudite puis en Irak, dans le cadre de l’Opération Daguet.
C’était la troisième fois de ma carrière que je servais sous tes ordres, et tu étais pour moi, depuis longtemps, le « mentor » qui, encore et toujours, faisait mon admiration. Ta hauteur de vue, ta bienveillante confiance, qu’il ne fallait pas cependant entamer, ton calme et ton humour en toutes circonstances, m’ont rendu, non seulement le quotidien fort agréable, mais aussi la mission qui m’était confiée encore plus exaltante.
Tu avais coutume de dire « qu’à la Légion, un bon chef doit avoir son certificat technique du 2ème degré de « liftier » : il doit savoir « renvoyer l’ascenseur ! ». C’était bien ton cas.
Tu connaissais parfaitement La Légion étrangère et aimait passionnément, depuis longtemps, sans faux semblant et sans démagogie, « Monsieur Légionnaire ». Si les circonstances t’avaient été plus favorables, tu aurais fait par la suite, et je sais que tel était ton souhait le plus cher, un magnifique « Père Légion », pour le plus grand bénéfice de la Légion étrangère et le plus grand bonheur des Légionnaires. Nous sommes nombreux à le penser.
Voilà en quelques mots, trop brefs, le chef militaire prestigieux et envié, l’officier de Légion admiré, respecté et aimé par ses chefs, ses subordonnés et surtout ses légionnaires, et l’ami très cher que tu étais, mon cher Hubert.
Le Général Frère avait pour devise « j’obéis d’amitié ». Rares sont les chefs avec qui j’aurai eu, autant qu’avec toi, l’occasion d’en vérifier la pertinence et d’en faire l’expérience.
Très chère Marielle, vous chers Karine, Charles-Edouard et Jean-Grégoire, Greg pour les intimes, soyez certains de la très grande estime, de la reconnaissance sincère et de l’attachement profond que je porte, à titre personnel à votre époux et père. Par ma voix, la Légion étrangère toute entière et la Fédération de ses anciens vous disent combien nous comprenons votre douleur. Nous y prenons part, soyez-en persuadés, car elle est aussi la nôtre. Acceptez nos bien pauvres condoléances, très attristées, soyez assurés de nos pieuses pensées, comptez sur notre soutien, et sachez que nous n’oublierons pas le Général de Division Hubert Ivanoff.

Général (2s) Henry Clément-Bollée