ELOGE FUNEBRE

 

prononcé par le général de corps d’armée (2S) Bertrand Clément-Bollée

Président de l’Amicale des Anciens de la Légion Étrangère

 du Morbihan

 

lors des honneurs militaires rendus

 

au

 

Chef d'escadrons Christian ARTHUIS

Commandeur de la Légion d'Honneur

Officier de l'ordre national du mérite,

Croix de guerre 39/45 avec 1 citation,

Croix de guerre des Théâtres d'opérations extérieurs avec 5 citations,

Médaille commémorative « Indochine »,

Médaille coloniale agrafe « Extrême Orient »,

Médaille des blessés.

 Vannes, le tembre 2021

Chef d'escadrons Christian ARTHUIS

1er et 2ème REGIMENT ETRANGER de CAVALERIE

Chef d'escadrons Christian ARTHUIS, cher Grand Ancien, cher Camarade,

            En apprenant lundi votre départ pour le « Paradis des Braves », j'ai amèrement regretté que cette pandémie qui nous contraint dans nos activités depuis bientôt deux ans, nous ait privé d'une ultime occasion de vous retrouver que ce soit au sein de notre famille légionnaire de l'amicale du Morbihan, ou bien lors du rassemblement annuel des Saint-cyriens, le 2 décembre de chaque année. Je sais combien ces rendez-vous vous tenaient à cœur et j'ai toujours été impressionné de vous y voir présent même lorsque votre état de santé vous recommandait de vous en exempter.     Me sont alors aussitôt revenus en mémoire quelques anecdotes sur votre vie d'officier de légion, engagé en opérations en Indochine, au Cambodge ou en Algérie dont vous nous faisiez part chaque année, avec la pudeur des Grands Soldats, lors de la traditionnelle prise de parole du doyen de notre association. Pour nous tous anciens de la légion étrangère, anciens officiers, Saint-cyriens en retraite ou en activité, par ces témoignages riches de sens et forts en valeurs, vous confortiez avec talent notre fierté d'appartenir à des communautés dont la motivation commune et pérenne, reste l'engagement au service de notre Patrie.

            Par ma voix, maintenant, c'est la communauté légionnaire qui tient à vous rendre un hommage particulier. C'est pourquoi, en accord avec votre famille ici présente, par cette délégation de vos camarades anciens de la Légion étrangère de l'amicale du Morbihan, nous avons tenu à répondre à votre indéfectible fidélité à notre famille légionnaire, en honorant votre mémoire au moment où, comme l'ancien officier de cavalerie que vous étiez, vous effectuez votre « dernier carrousel ».

            En union avec les autres associations patriotiques présentes autour de vous aujourd'hui, nous voulons aussi manifester notre soutien, et notre affection, à votre épouse, vos enfants et à vos proches, dans cette douloureuse épreuve.

            Entré, à 17 ans, en première année de classe préparatoire au concours de Saint-Cyr en 1940 à Alençon, vous êtes interrompu dans votre parcours par le déclenchement de la guerre qui vous contraint à poursuivre votre préparation à Paris et vous conduit ainsi à intégrer l’École Spéciale Militaire de Saint-Cyr rapatriée à Aix en Provence, au sein de la promotion 1942 : « Croix de Provence ».  Cette année d'intégration est hélas, aussi, celle de l'invasion de la zone libre par l'armée allemande. Alors à peine incorporé, vous êtes démobilisé et renvoyé dans vos foyers selon l'expression consacrée. Pétri de valeurs familiales, où l'engagement, le sens de l'honneur, le dévouement aux autres et surtout le courage d'assumer ses convictions ont inondé votre éducation, vous entrez dans la Résistance comme agent de liaison au sein de l'Organisation de la Résistance de l'Armée puis rapidement vous rejoignez son école des cadres chez les pères Jésuites près de Fontainebleau. Vous êtes alors envoyé dans le maquis de Corrèze, où vous participez activement à la préparation de l'implantation d'un grand état-major clandestin qui doit permettre de coordonner, à distance, les actions d'accompagnement de la Résistance au débarquement en Normandie. Au sein de ce maquis Corrèze /Limousin, vous participez à l'été 1944 à la libération de Brive la Gaillarde et de Moulins, avant d'être incorporé comme lieutenant au 9ème « Ouave », comme on dit à la Légion, dans la 1ère Armée du général de Lattre de Tassigny, à Dijon. Une première citation, à l'ordre de la division, vous est alors attribuée par le général KOENIG en reconnaissance de vos actions au sein de la Résistance.

            En dépit de ces années de guerre, de résistance et de combat, il vous est demandé de rejoindre Saint-Cyr à Cherchell en Algérie, pour finir votre instruction au sein de l’École Spéciale Militaire Interarmes. Vous en sortez brillamment 5ème de votre promotion et vous êtes alors affecté, jusqu'à la fin de la guerre, au 2ème régiment de spahis algériens, en Allemagne, dans la région de Siegmaringen. Chef de peloton de chars légers de 1945 à 1947, placé au sein du 1er Escadron en poste à Pirmasens, vous recevez alors votre ordre d'affectation pour la Légion Étrangère au 2ème Régiment Étranger de Cavalerie, en poste à Oujda au Maroc. Fidèle à la devise de votre nouveau régiment « Au danger, mon plaisir » vous vous portez aussitôt volontaire pour rejoindre le corps expéditionnaire en Indochine. Ce sera chose faite le 16 mars 1948, où vous débarquez à Saïgon pour être affecté au 1er Régiment étranger de cavalerie engagé massivement avec 14 escadrons sur l'ensemble de la péninsule indochinoise.

            A la tête de vos légionnaires vous êtes immédiatement engagé dans les combats de la Plaine des Joncs, équipés de ces véhicules amphibies, appelés « Crabes », qui s'avéreront particulièrement adaptés à ce milieu marécageux. Tout au long de cette année 1948, vous participez aux nombreuses opérations menées par votre groupement et vous êtes alors blessés au combat dans la région de Mitho. Une citation à l'ordre du corps d'armée vient sanctionner légitimement votre ardeur au combat. Largement engagé en 1949 et début 1950 dans cette région de rizières et de marais votre unité subit de nombreuses pertes, notamment en officiers, dans le Sud du Delta, région de Cantho et Tra Vinh, puis au Cambodge. Arrivé en fin de séjour à l'issue de ces deux années d'engagement, titulaire de deux nouvelles citations à l'ordre du corps d'armée et de la division, vous êtes embarqué pour la métropole fin juin 1950 à bord d'un cargo mixte qui fera naufrage devant la côte somalienne le 21 juillet 1950. 

            Expérimenté à la prise de risque, rôdé à l'engagement au service des autres dans la tourmente, une fois encore vous intervenez efficacement lors des opérations de mise en sauvegarde des naufragés jusqu'à leur rapatriement sur Djibouti.

            Après un stage au cours des capitaines à Saumur, vous prenez le commandement de l'escadron du 1er régiment étranger d'infanterie à Sidi-Bel-Abbès en janvier 1951. Vous y passez deux années avant d'être à nouveau engagé volontairement en Indochine à la tête du 9ème escadron du 1er régiment étranger de cavalerie au Laos, de février 1953 à décembre 1954. Présent dans toutes les opérations du régiment, responsable notamment de la protection des convois, vos qualités de chef de guerre ardent et courageux, de meneur d'hommes efficace et ménager du sang de ses légionnaires vous sont reconnues par l'attribution de deux citations supplémentaires à l'ordre du corps d'armée et de la division.

            Rapatrié en février 1955, vous êtes affecté au 7ème régiment de cuirassiers à Noyon comme officier supérieur adjoint au chef de corps où vous préparez le brevet technique de l'enseignement militaire supérieur. Intégrant l'école de l'arme nucléaire à Lyon en août 1956, vous êtes affecté au sein du tout nouvel état major des armes spéciales à Reggan, au Nord du Sahara algérien, au moment des premières explosions expérimentales des armes nucléaires françaises. En juin 1960  vous retrouvez le 1er régiment étranger de cavalerie comme chef des services techniques et vous participez aux opérations menées dans les Aurès Némentcha et sur le «barrage tunisien » jusqu'à la date fatale du 20 avril 1961.

            Placé devant l'insupportable choix entre l'honneur et la discipline, vous optez délibérément pour le premier accompagnant ainsi, avec fidélité et sens du devoir, votre chef de corps le colonel de la Chapelle qui sera interné à l'issue du Putsch des généraux.

            Vous devenez alors officier supérieur adjoint à Colomb Béchar lieu de garnison temporaire du régiment. Puis ce seront les garnisons de Saïda et enfin de Méchéria qui se succéderont jusqu'au « cessez le feu » du 19 mars 1962. Nommé alors commandant en second du régiment en dépit de l'avis particulièrement défavorable de la sécurité militaire qui reste obnubilée par votre fidélité au colonel de la Chapelle vous agirez, en parfaite conformité à l'esprit de ces dernières décisions de chef de corps : maintenir les capitaines et les lieutenants dans la légitimité en dépit des sirènes de l'OAS.

            Terminant votre carrière comme officier technicien aux services de renseignements dans la spécialités « armes nucléaires » vous quittez le service actif le 1er janvier 1968 et vous entamez alors une nouvelle page de votre vie en secteur civil, dans les télécommunications où vous resterez 20 ans, jusqu'à votre départ à la retraite en juillet 1986.

            Ancien des deux régiments de cavalerie de la Légion Étrangère, ancien du 1er régiment étranger d'infanterie, totalisant 25 années de services dont 13 en situation de combat, vous êtes titulaire de 7 titres de guerre dont une blessure au feu. Ce palmarès impressionnant nous inspire respect et admiration et nous impose humilité et modestie quand à nos petits parcours personnels d’autant qu’à l’instar des vrais combattants, vous restiez toujours modeste et discret dans l'évocation de vos campagnes. Jamais amer, vous évoquiez, toujours avec espièglerie, la lenteur des efforts de la République dans la reconnaissance de vos mérites militaires puisque après vous avoir cantonné 54 ans au grade de chevalier de la Légion d’honneur, elle a su ne mettre que 9 ans pour vous promouvoir au grade de commandeur et vous témoigner, ainsi, une légitime et méritée considération pour le grand soldat que vous êtes.

                        Vous aviez tenu à recevoir cette distinction au sein de notre Amicale, parmi les vôtres, dans la famille légionnaire. Sachez mon Commandant qu’en privilégiant cette intimité vous nous avez honoré, tous et chacun des présents ce jour là.

            Mon Commandant, cher Ancien, par ma voix la Légion Étrangère vous remercie et vous salue respectueusement. Permettez-moi au nom de tous vos camarades Anciens légionnaires du Morbihan de vous adresser avec respect non pas des adieux, mais un Au Revoir.

            Chef d'escadrons Christian ARTHUIS, vous restez avec nous !

                                    

                                                                                                 Général de corps d’armée (2S) Bertrand CLEMENT-BOLLEE

                                                                                                                              Président de l’Association

                                                                                                          des Anciens de la Légion Étrangère du Morbihan