2018 : fin de la commémoration du centenaire de la Grande Guerre :

Il est toujours intéressant en amorçant le début de cette nouvelle année 2018 et la fin des commémorations liées au centenaire de la Grande Guerre, de se remettre en mémoire “ce deuil dans la fête” qui mobilisait les anciens combattants de la Grande Guerre pour provoquer une commémoration trois ans après la date anniversaire de la signature de l’armistice et marquer ainsi ce qu’ils appelaient: “la fin de la plus épouvantable tuerie qui ait désolé le monde moderne”.

Ainsi donc, ce sont les anciens combattants, eux-mêmes, qui ont imposé la consécration du 11 novembre comme fête nationale. En 1921, le parlement soucieux de lutter contre les “ponts”, avait repoussé au dimanche 13 la célébration de l’armistice, ce fut un tollé général pour toutes les associations d’anciens combattants qui obtinrent gain de cause.

L’appel au Peuple pour célébrer cette fête nationale s’exprimait comme suit:

Pendant cinquante-deux mois, des peuples entiers se sont affrontés sur d’immenses champs de bataille. Quarante millions d’hommes se sont battus. Les hommes de la guerre veulent que leur victoire consacre l’écrasement de la guerre”.

Par-delà son emphase et sa grandiloquence, ce texte est très significatif, on y chercherait en vain un éloge de l’Armée ou une exaltation de la force française. Le refus de faire du 11 novembre une manifestation militaire est explicité au congrès de l’Union Fédéral des anciens combattants en 1922, qui avait lieu à Clermont Ferrand où s’exprimait la façon de célébrer la nouvelle fête nationale. Par ailleurs, le journal des mutilés qui se veut tout aussi déterminé, précise: “Ce qui importe, c’est que la fête nationale du 11 novembre soit dépourvue de tout apparat militaire. Ni prise d’armes, ni revues, ni défilé de troupes. C’est la fête de la paix que nous célébrons. Ce n’est pas la fête de la guerre. Nous voulons qu’on laisse les vivants au souvenir où ils ont précisément savouré l’admirable pensée qu’ils allaient désormais pouvoir vivre pour des oeuvres civiles”.

Mais alors, les drapeaux, les clairons, les Marseillaises chantées ? Le déroulement des cérémonies du 11 novembre ne trahit-il pas ces intentions ? N’est-il pas une concession au militarisme ?

Absolument pas”, répliquent les représentants des mutilés: “Il faut consentir à déchiffrer ces cérémonies comme un ensemble de signes articulés. Le lieu de la manifestation, comme le nom l’indique, est le monument aux morts. Ce n’est pas un autel de la Patrie, mais une tombe. Certains, il est vrai, arborent un poilu triomphant, encore que le plus grand nombre soient de simples stèles, sans connotations glorieuses ou cocardières. De toute façon, le monument joue dans la cérémonie le rôle d’une tombe”.

Depuis, partout, fleurissent les monuments où souvent chaque enfant des écoles y dépose à leur pied, une fleur ou un petit bouquet, une minute de silence, forme laïcisée de la prière est observée, suivie de l’appel des morts, ce protocole s’inscrit dans la conduite à tenir lors des cérémonies funéraires du 11 novembre. Ainsi donc, devant les monuments aux morts n’est pas célébré le culte de la Patrie victorieuse, mais bien celui des morts (célébration ne veut pas dire fête des morts qui est réservée au 2 novembre).

A l’époque, c’est plus souvent “l’hymne aux morts” de Victor Hugo que chantent les enfants des écoles plutôt que la “Marseillaise”: 

On ne célèbre pas le nationalisme face à l’étranger, mais le citoyen mort pour la liberté: l’hymne de Victor Hugo a été composé en l’honneur des victimes de la révolution de 1830. On est en plein civisme républicain…

 

Faut-il pour autant faire du 11 novembre la commémoration de toutes les guerres ensemble ?

 En règle générale, en ces temps-là, on ne trouve aucun ancien combattant pour faire l’éloge, même timoré, de la guerre. Rien de plus instructif à cet égard que de suivre le sergent Tapin qui refuse de respirer les chrysanthèmes, donne d’étonnants conseils:

les instituteurs doivent préparer leurs élèves pour la guerre future, suivant le mouvement cocardier actuel qui entretient l’esprit belliqueux d’autrefois et nous fait passer aux yeux étrangers pour des impérialistes ? Propager ces tendances, est-ce faire oeuvre d’utilité nationale, n’est-ce pas heurter le grand principe de transformation de l’esprit humain qu’on peut arrêter momentanément mais jamais interrompre et dont les étapes constituent le progrès…”.

Le progrès, parlons-en, surtout quand le temps d’une génération qui suit l’armistice,  une nouvelle guerre mondiale « remet le couvert » avec cette fois plus de 60 millions de morts, soit 2,5% de la population mondiale et plonge le monde dans une horreur sans nom où l’imagination pour détruire dépasse l’entendement, de quoi s’interroger sérieusement sur la possibilité de l’être humain à pouvoir un jour vivre en paix. les poilus revenus de l’horreur ne savaient pas que tout allait recommencer de plus belle et que leurs magnifiques discours étaient inutiles, inaudibles pour un genre humain belliqueux et dont la devise:  « Si vis pacem para bellum »!… Si tu veux la paix prépare la guerre!… justifie entièrement ses actes au point de décourager les plus ferventes bonnes volontés confrontées à un  monde  sans cesse en conflits majeurs.

 

C’est ce que souhaitent afficher nos anciens légionnaires à l’étranger avec l’ANIEL, ainsi que les amicales Irlandaise, Polonaise et allemandes ; nos Anciens sont bien présents pour commémorer l’armistice de la grande Guerre. Devant les  monuments aux morts, ils affichent une pensée fraternelle pour nos poilus et en particulier pour un des nôtres, Lazare Ponticelli, d’origine italienne. J’expliquerai, à qui veut entendre que le 11 novembre ne saurait souffrir de n’être qu’une page parmi toutes celles qui ont fait notre Histoire. Un horrible constat s’impose, celui de ne pas savoir écouter le message des soldats revenus du front, qui nous expliquait avec leurs mots simples que jamais nous ne serons  en mesure de faire face à ce monde inhumain confronté aux conflits religieux, politiques, économiques où l’humain n’a pas sa place. C’est ce  message que nos Poilus, forts de l’expérience qu’ils avaient de la guerre ont souhaité nous transmettre ! 

Pour les anciens combattants de la Grande Guerre, le déclenchement de la seconde guerre mondiale a été un échec grave alors qu’ils s’étaient mobilisés en faveur de la paix. Les survivants n’en concluaient pas pour autant qu’ils s’étaient sacrifiés en vain.

La commémoration du centenaire de la Grande Guerre devrait affirmer ce que nos poilus criaient à en perdre la voix : « Plus jamais çà ! » Nos Amicales ont un message à faire passer pour les jeunes, elles restent les veilleurs de nos sociétés à dire que tous les sacrifices des poilus avait un nom : Liberté !

CM